Titre Original
L’oreille interne, Robert SILVERBERG (Dying inside, 1972) in Voyage au bout de l’esprit Traduction de Christophe CLARO Illustration de Didier THIMONIER Presses de la Cité, collection Omnibus, janvier 1998, pp. 353 à 524
Genre
FantastiqueEvaluation
Note 5/5
Du même auteur
- La Porte des Mondes
- Les sorciers de Majipoor (T5 Le Cycle de Majipoor)
- Les monades urbaines
- Valentin de Majipoor (T3 Le Cycle de Majipoor)
- Les montagnes de Majipoor (T4 Le Cycle de Majipoor)
- Pavane au fil du temps
- Lettres de l’Atlantide
- Le Nez de Cléopâtre
- Nouvelles au fil du temps T2 : 1971-1981, Les jeux du Capricorne
- Nouvelles au fil du temps T1 : 1953-1970, Le chemin de la nuit
- Le château de Lord Valentin (T1 Le Cycle de Majipoor)
- Le septième sanctuaire (Nouvelle de l’anthologie Légendes)
- Prestimion le Coronal (T6 Le Cycle de majipoor)
- Le Livre des Crânes
- Chroniques de Majipoor (T2 Le Cycle de Majipoor)
- Le roi des rêves (T7 : Le Cycle de Majipoor)
- L’homme dans le labyrinthe
- Légendes
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Citation
« La science-fiction est le moyen d’expression par lequel notre misérable certitude que demain différera d’aujourd’hui de façon imprévisible peut être transmuée en une attente impatiente et passionnante. » John BrunnerQuatrième de couverture
Il y a quelque part une planète où personne n’a le droit de dire je. Le héros de cette histoire consomme un jour une drogue qui lui donne accès à son inconscient : il en tire le pouvoir de dire non seulement je, mais nous. Et sa découverte inaugure Le Temps des changements. Le problème n’est pas tant qu’ils soient plusieurs hommes, dans un même corps, mais qu’ils voudraient chacun être le seul à l’occuper. Quand Hamlin est condamné à la réhabilitation, sa personnalité est effacée. A sa place, on installe l’esprit de Macy. On a seulement négligé de dire à Macy qu’il n’est lui-même qu’une personne artificielle. Un Homme programmé. Le pire, c’est d’être télépathe. Capable de lire dans l’esprit des autres. Et d’éprouver non seulement le plaisir d’explorer leurs secrets, mais le vertige de percevoir d’un seul coup l’enchevêtrement de leurs existences. Tel est le destin de David Selig. Curieux de se chercher soi-même et de découvrir tant de personnages. Ils sont quatre, ils ont vingt ans et parcourent l’Amérique à la recherche du monastère de la Fraternité des Crânes. Une sorte de road story. Au bout de la route, ils devront contempler leur propre visage en face. Et y trouver la mort ou l’immortalité. Le Livre des Crânes ne peut leur offrir que le zéro et l’infini.
L’infini, c’est ce que Robert Silverberg (né en 1935) a longtemps cherché ; sa plus ancienne compagne, c’est la mélancolie. Un splendide écrivain, qui en allant jusqu’au bout de sa quête peut respecter les lois de la littérature de genre ou les faire voler en éclats, comme en témoignent les romans parmi les plus grands et les nouvelles ici réunis.
Dying inside, qui fait ici l’objet d’une nouvelle traduction, a précédemment été publié en français sous le titre L’Oreille interne.
L’avis de Philémont
David Selig est un célibataire new-yorkais de quarante ans. Il vit modestement de la rédaction de dissertations pour les étudiants peu scrupuleux de l’université de Columbia. Son existence serait donc des plus ordinaires s’il n’était pas doté par ailleurs d’un don extraordinaire, celui de télépathie. Encore est-il que David Selig s’est toujours montré partagé vis à vis de son pouvoir. Enfant, il appréciait l’utiliser mais vivait dans la crainte d’être démasqué. Adulte, il se sent toujours avantagé mais éprouve des remords quand il viole l’intimité d’autrui. Et avec l’âge, quand son pouvoir se met à décliner, cette ambiguïté s’accroît encore un peu plus, l’amenant à se pencher sur lui-même, en se remémorant ses expériences les plus marquantes, tout en continuant à vivre le présent.
Tel est le thème de ce qui est peut-être le chef d’oeuvre de Robert SILVERBERG. Dans L’oreille interne c’est David Selig qui livre directement au lecteur son introspection, utilisant tantôt la première personne, tantôt la troisième, soulignant ainsi l’ambivalence de sa personnalité. Sur un ton cynique à l’égard d’autrui et de lui-même, et à un rythme soutenu, il nous dévoile tous ses tourments psychologiques, qu’ils soient d’ordre existentiel, communicationnel, intellectuel ou spirituel.
Ce faisant, SILVERBERG nous fait profiter de son immense culture, multipliant tout au long du récit les références littéraires, poétiques, philosophiques et musicales. Il nous dévoile aussi une partie de lui-même puisque le (anti) héros présente d’étranges similitudes avec l’auteur lui-même, à commencer par le fait qu’il a écrit son roman alors qu’il était en pleine période de doutes quant à sa carrière d’écrivain. C’est aussi l’occasion pour lui de porter son regard de quarantenaire sur l’héritage laissé par la beat generation au début années soixante-dix, en particulier en matières de libération sexuelle et de consommation de drogues.
Pour toutes ces raisons L’oreille interne est un superbe roman humaniste. Son sujet est en outre on ne peut plus universel puisqu’il touche à la quête d’identité dans notre société en perpétuelle mutation, ce qui concerne finalement chacun d’entre nous.