L’invincible forteresse (T5 La Glace et le Feu)

MARTIN George R.R.

Article publié le samedi 29 décembre 2007 par Cyrallen
Mis à jour le jeudi 28 août 2008

Quatrième de couverture :

Bien que faits et signes ne cessent de confirmer la devise de Winterfell, "l’hiver vient", le royaume des Sept Couronnes affecte toujours d’ignorer la fin de l’été pour se consacrer plus commodément à ses querelles, vindictes, ambitions. Pendant que Rob Stark poursuit ses campagnes sanglantes dans l’ouest, que Port-Réal vit dans la hantise du siège imminent, que la guerre se répand jusqu’à Winterfell grâce aux menées des Greyjoy, eux-mêmes divisés, s’amoncellent au-delà du Mur des forces obscures et malfaisantes.

Mais, contrairement aux apparences, Bran, le jeune fils du défunt maître de Winterfell, n’est pas mort, pas plus que n’est anéantie l’indomptable forteresse, prête à renaître de ses cendres…

l’avis de Cyrallen :

Que dire de plus que pour les volumes précédents ? La saga continue, toujours aussi sombre, épique, sanglante, magique, cruelle et pessimiste… On peut souligner l’habileté et le plaisir que prend G.R.R. Martin à décrire et mener de front les destins divergents de ses personnages-clefs.

Tyrion dit le Lutin possède une fois de plus une place de choix dans le cœur de son auteur, puisque c’est par ses yeux que l’on va vivre les moments les plus grandioses du roman : la formidable bataille navale qui se déroule aux portes de Port-Réal sous le joug de la Maison Lannister est un épisode inoubliable. Peu d’auteurs se risquent à décrire un bataille navale, le plus souvent les armées d’affrontent à terre, ou bien il s’agit de quelques navires jouant un rôle annexe dans la trame de l’histoire. Mais là, c’est tout simplement grandiose. La stratégie et la tactique sont au rendez-vous, la réalité des combats est d’une précision morbide et les personnages pris dans la tourmente en sont d’autant plus humains. Le feu grégeois patiemment rassemblé par sbires de Tyrion depuis des mois à Port-Réal ajoute une ambiance surréaliste aux combats, nuages verts sur flammes rouges, navires enflammés de jaune et hommes suffocants… Un véritable tableau.

Ce cinquième épisode constitue un rude coup pour la Maison Winterfell. Je tairais ici les péripéties des deux plus jeunes frères Stark pour préserver les lecteurs qui n’en sont pas encore arrivés jusque-là (mais qu’attendez-vous ? ;-)

De leur côté les jeunes sœurs Stark, Sansa et Arya, tentent de survivre de façons fort différentes, mais elles n’ont pas vraiment le choix, puisque toujours prisonnières de leurs masques respectifs échafaudés à grand peine.

En bref, l’invincible Forteresse est un épisode très réussi, il n’y a absolument aucune baisse de régime et la Saga de la Glace et du Feu est toujours aussi passionnante.

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Extraits :

1- A terre, les bras énormes des trébuchets se dressèrent, un, deux, trois, et des centaines de pierres montèrent à l’assaut du ciel jaune. Chacune étant aussi grosse qu’un crâne d’homme, leur chute souleva des geysers, creva les planchers de chêne et réduisit tel être vif en une charpie cartilagineuse de chair et d’os. Sur toute la longueur de la rivière, la première ligne donnait. Des grappins volaient s’agripper, des béliers de fer éventraient des coques, des essaims montaient à l’abordage, des volées de flèches entrecroisaient leurs chuchotements dans des tourbillons de fumées, et des hommes périssaient…

2- Il en était là de ses réflexions quand survint, hors d’haleine, une estafette. "Vite, messire !" L’homme mit u genou en terre. "Ils ont débarqué des hommes, des centaines ! du côté des lices, et ils sont en train d’amener un bélier devant la porte du Roi !"
Tout en sacrant, Tyrion se mit à dévaler les marches. (…) Le fracas retentissant, bois sur bois, qui l’accueillit aux abords de la porte du Roi lui apprit que le bélier était déjà entré en jeu. Les protestations lugubres des gonds sous les heurts successifs évoquaient les plaintes d’un géant mourrant. La place de la conciergerie était jonchée de blessés, mais on y voyait aussi, parmi les rangées d’éclopés, un certain nombre de chevaux valides, et suffisamment de reîtres et de manteaux d’or pour constituer une colonne vigoureuse. "En formation ! vociféra-t-il en sautant à terre, comme un nouvel impact ébranlait la porte. Qui commande ici ? Vous allez faire une sortie.
- "Non." Une ombre se détacha de l’ombre du mur et se matérialisa sous les espèces d’une grande armure gris sombre. A deux mains, Clegane arracha son heaume et le laissa choir dans la poussière. L’acier était cabossé, défoncé, roussi, cisaillée l’une des oreilles du cimier au limier grondant. Entamé au-dessus d’un oeil, le mufle calciné de Sandor était à demi masqué par un rideau sanglant.
- "Si." Tyrion lui fit face.
Clegane riposta, haletant : "M’en fous. Et de toi."
Un reître vint se placer à ses côtés. "’n est déjà. Trois fois. ’n a perdu la moitié de nos hommes, tués ou blessés. ’vec du grégeois qu’explosait tout autour, et que les chevaux beuglaient comme des hommes et les hommes comme des chevaux…
- Tu te figurais quoi ? Qu’on te soldait pour un tournoi ? Que je vais t’offrir une jatte de framboises et une coupe de lait glacé ? Non ? Alors, enfourche-moi ton putain de bourrin. Toi aussi, Chien." Toute rutilante de sang qu’était la gueule de Clegane, il avait l’œil blanc. Il dégaina sa longue épée.
La trouille, compris tout à coup Tyrion, suffoqué. Le Limier a la trouille ! Il tenta d’expliquer l’urgence. "Ils ont amené un bélier, vous l’entendez, non ? Faut à tout prix les disperser…
- Ouvrez-leur les battants. Lorsqu’ils y feront irruption, cernez-les et massacrez-les." Le Limier planta son épée en terre et, appuyé sur le pommeau, se mit à tanguer. "J’ai perdu la moitié de mes gens. Mes chevaux, pareil. Je vais pas en jeter davantage dans ce brasier." (…) Livides étaient ceux de ses traits que n’empoissaient pas l’hémorragie. Un cadavre debout. Tyrion le voyait, à présent. Sa blessure, le feu…, bon pour le rancart. Lui trouver un remplaçant, mais qui ? Un regard alentour lui apprit que ça n’irait pas. La peur de Clegane avait secoué tous les hommes. A moins d’un chef qui les entraîne, il refuseraient d’une seule voix. (…)
Nouveau fracas, là-bas, plus alarmant que jamais. Au-dessus du rempart s’obscurcissait le ciel, drapé de flamboiements orange et verts. Combien de temps encore tiendrait la porte ? C’est de la folie, se dit-il, de la folie pure, mais plutôt la folie que la défaite. La défaite, c’est la mort, la mort et l’opprobre. "Fort bien. C’est moi qui conduirait la sortie." S’il s’était attendu que la honte requinquerait Clegane, il en fut pour ses frais. Le Limer se contenta de ricaner : " Toi ? "
L’incrédulité se lisait sur tous les visages. "Moi. Ser Mandon, vous porterez l’étendard du roi. Mon heaume, Pod." Le gamin s’empressa d’obéir. Toujours appuyé sur sa lame ébréchée que maculaient des ruisseaux de sang, le Limier s’inclina sur Tyrion, prunelles blanches écarquillées. Celui-ci se remit en selle avec l’aide de Ser Mandon. "En formation !" hurla-t-il. (…)
Seule une poignée d’hommes, vingt tout au plus, avaient répondu à l’appel et enfourché leurs montures. Mais ils avaient l’œil aussi blanc que le Limier. Son regard s’attarda, méprisant, sur les autres, tant chevaliers que reîtres, qui avaient auparavant chevauché aux côtés du Limier. "Je ne suis qu’un demi-homme, à ce qu’il paraît, lâcha-t-il. Vous êtes quoi, dans ce cas, vous tous ?"
La réflexion ne manqua pas de les mortifier sévèrement. un chevalier se mit en selle et, sans casque, alla se joindre aux précédents. Deux reîtres suivirent. Puis un plus grand nombre. La porte du Roi s’ébranla de nouveau. En un rien de temps, Tyrion commandait deux fois plus de gens. il les avait piégés. Si je me bats, ils doivent agir de même ou passer pour des moins que nains.
"Vous ne m’entendrez pas pas crier le nom de Joffrey, prévint-il. Vous ne m’entendrez pas non plus crier celui de Castral Roc. C’est votre ville que Stannis entend saccager, c’est votre porte qu’il est en train de défoncer. Venez donc avec moi tuer ce fils de chienne !" Il dégaina sa hache et, faisant volter l’étalon, partit au trot vers la sortie. Mais il préféra, tout en se supposant suivi, ne pas s’en assurer pas un seul coup d’œil en arrière.


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