Comme une bête (Un exorcisme, rituel un)

FARMER Philip José

Article publié le vendredi 28 décembre 2007 par Cyrallen
Mis à jour le jeudi 28 août 2008

Quatrième de couverture :

Enquêtant sur un meurtre des plus bizarres, le détective Harald Childe finit par trouver un début de piste dans les collines de Hollywood chez un aristocrate roumain versé dans le paranormal.

Assistant à des phénomènes surnaturels aussi extraordinaires qu’inquiétants, Harald Childe réalise que des êtres gothiques venus d’une autre dimension sont responsables non seulement de ce meurtre mais aussi de toute une série de disparitions à Los Angeles.

Et là commence le livre le plus fou de Philip-José Farmer.

Dans Comme une Bête, le célèbre écrivain américain aborde le thème biblique du Sauveur en l’incorporant dans un roman mi-policier mi-gothique avec les personnages les plus délirants de l’histoire de la Littérature. Un livre que vous n’oublierez jamais…

L’avis de Cyrallen :

La ville de Los Angeles, dans un futur proche. Les rues sont noyées par une couche de pollution ambiante, une espèce de "smog" verdâtre ayant englouti la ville depuis plusieurs jours dans une brume verte nauséabonde à couper au couteau. Le décor est planté. C’est dans une ambiance d’exode urbaine que commence le récit, les habitants de la ville fuyant les vapeurs délétères pour se réfugier là où ils le peuvent à la campagne. La police est réquisitionnée et a fort à faire avec les casseurs et les accidents de la route qui ne manquent pas de se produire de façon exponentielle depuis le début de la pollution.

Harald Childe fait lui aussi partie de la police, mais l’enquête qui l’obsède le maintient à l’écart de toute cette agitation. Il faut dire que l’affaire est peu banale. Il s’agit d’un meurtre sordide envers un membre de la police, M. Colben ex coéquipier de H. Childe, et dont une cassette vidéo du crime a été envoyée aux services de police. Sur cette cassette, on peut suivre la scène hautement ritualisée et franchement spectaculaire qui a précédé la mort de Colben. Une séquence toute en masques pour dissimuler les visages et en orgie sexuelle, le tout dans une ambiance teintée de paranormal. A tel point que même les estomacs les plus solides ont un peu de mal à se remettre de ce visionnage marquant.

Commence alors pour Childe une enquête qui va le mener, de fil en aiguille, dans la vaste propriété d’un riche mais néanmoins étrange roumain, entouré d’une compagnie d’individus tous plus inquiétants les uns que les autres et habitués à s’adonner à des occupations quelque peu excessives entre eux et avec leurs "visiteurs".

Le début du récit semble somme toute assez classique et ressemble à un roman policier : un meurtre sexuel envers un membre de la police connu pour ses penchants décalés, et son ancien co-équipier qui hérite de l’affaire. Mais voilà, dès l’instant où H. Childe explore les pistes et fini par faire la rencontre d’un expert en paranormal et en mythes du type de celui des loups-garous, des vampires et autres créatures mi-homme, mi-bêtes, l’histoire prend une toute autre tournure, beaucoup plus inquiétante. Harald Childe, en s’attachant à chaque indice, finit par remonter une piste qui va le conduire là où les lois ne sont plus les mêmes que celles des humains et dans lequel des êtres mythiques jouent à des jeux cruels et sexuels avec les hommes qui viennent à tomber entre leurs griffes.

Dans la deuxième partie du roman, les actions sont ainsi dans un registre complètement décalé par rapport au début du roman. Ces êtres mythiques révèlent peu à peu leur personnalité, les dissensions et les chamailleries s’accélèrent et s’aggravent, chamailleries dont l’enjeu n’est autre que la possession physique et toujours sexuelle du pauvre cobaye et prisonnier qu’est devenu Childe. D’où le jeu de mots du titre français… Comme une bête est dans la lignée des livres de Farmer qui firent scandale. Depuis Les amants étrangers dans les années 50, P-J. Farmer a ouvert la voie des romans mélangeant sexe et SF, alors que le genre jusqu’à cette époque était extrêmement pudibond.

Comme une bête est donc à réserver à des lecteurs très avertis, les scènes de ce roman noir mettant en jeu les frasques et les exploits des vampires et autres créatures sont très nombreuses et crûes (pour ne pas dire à chaque chapitre), pouvant facilement choquer les âmes sensibles. L’écriture y est comme toujours chez Farmer très agréable, l’histoire complètement décalée est très prenante, c’est un livre que je recommande à condition d’accepter le drôle de mélange des genres qui fait la spécificité de Farmer.

A signaler que l’édition Française du Jardin des livres regroupe en début de roman toutes les couvertures internationales de Comme une bête ainsi qu’une dédicace de l’auteur (en français) à ses lecteurs.

Extrait :

1- Il était plutôt engourdi. Ses réflexes étaient ralentis, comme ceux d’un junkie ou d’un boxeur sonné. Il se sentait un peu dans les vapes, un peu détaché de la réalité ; c’était sans doute une façon de réagir au choc provoqué par ce film. Et le smog n’était pas fait pour l’aider à avoir des idées nettes ; au contraire, il lui donnait l’impression d’être une coquille vide. Il ne brûlait pas du désir de venger Colben. Il ne l’avait jamais aimé ; il savait que Colben avait commis des actes criminels et qu’il s’en était tiré impunément, sans même que sa conscience le tourmente : Colben n’était pas du genre à avoir des remords. Il avait mis enceinte une fille mineure et l’avait jettée à la rue ; la fille avait avalé des barbituriques et elle en était morte. D’autres affaires semblables s’étaient terminées de façon moins tragique pour ses victimes. Mais pour certaines, la mort aurait peut-être été préférable. (…) Aussi odieux qu’il ait pu être, Colben n’avait pas mérité de mourir comme ça. A moins que… Finalement, l’horreur était plus dans la tête des spectateurs du film que dans celle de Colben. la souffrance avait dû être atroce, mais de courte durée. Il avait dû mourir presque instantanément.

2- L’article, dans le "Los Angeles Times" du 1er mai 1958, faisait la description d’un certain nombre de maisons de Los Angeles et des environs qui avaient la réputation d’être "hantées". Plusieurs longs paragraphes étaient consacrés à une résidence de Beverly Hills qui, en plus d’un fantôme, avait également son "vampire". L’article comportait une photo de la Villa Trolling - une sorte de manoir, en fait - prise d’un hélicoptère ; le journaliste expliquait que personne n’avait jamais pu s’en approcher suffisamment par la voie terrestre pour la photographier convenablement. (…) Il était tout de même illustré de la reproduction d’un portrait hâtivement crayonné du "vampire", le baron Igescu, que l’artiste avait exécuté de mémoire après l’avoir entrevu lors d’un bal de charité. Il n’existait du baron aucune photographie connue. Rares étaient les personnes qui se souvenaient de l’avoir aperçu. (…) Igescu, l’actuel propriétaire, avait fait beaucoup parler de lui, bien involontairement, en 1938. Il avait embouti un camion de livraison au coin de Hollywood Boulevard et de la Brea Avenue ; à son arrivée au Ceddar Hospital, il était mort. Mais le lendemain, à minuit, quand le médecin légiste voulut pratiquer l’autopsie, il s’aperçut que le corps d’Igescu ne portait aucune blessure visible, pas même u hématome. A peine la pointe du scalpel l’eût-elle effleuré qu’Igescu se ranima et s’assit sur la table de dissection. Cette histoire fut reprise par tous les journaux du pays après qu’un reporter finaud eut plaisamment souligné que le baron Igescu ne sortait que la nuit, était originaire de Transylvanie, descendait d’une famille aristocratique qui avait vécu des siècles durant dans un château perché au sommet d’une colline escarpée, au fin fond des Carpates, qu’il avait fait transporter le corps de son oncle en Roumanie, afin qu’il repose dans la crypte familiale, mais que le cerceuil avait disparu en cours de route et qu’il vivait dans une maison que l’on connaissait déjà pour être hantée par le spectre de Dolores del Osorojo.


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