Les fables de l’Humpur

BORDAGE Pierre

Article publié le samedi 26 mars 2011 par Philémont

Quatrième de couverture

Dans le pays de la Dorgne, des êtres mi-hommes, mi-animaux perdent peu à peu leur patrimoine humain et s’enfoncent lentement dans la régression animale. Tribus dominantes carnivores, communautés agricoles servant de nourriture aux clans prédateurs, tous sont soumis par le clergé aux lois de l’Humpur, qui punissent de mort les mélanges entre les clans et les comportements individualistes. Parce qu’il ne supporte pas de voir la jeune Troïa qu’il aime livrée aux appétits collectifs lors de la cérémonie rituelle de reproduction, Véhir brise l’enclos de fécondité et s’enfuit en quête des derniers dieux humains de la légende. Lui, le grogne paysan, va accomplir ce chemin en compagnie de Tia, une jeune prédatrice hurle en exil…

Pierre Bordage Né en 1955, cet extraordinaire conteur a su conquérir les faveurs du grand public avec ses épopées mythologiques, métaphysiques et profondément humanistes (le cycle des Guerriers du silence,Wang, Les derniers hommes…), Les fables de L’Humpur, que beaucoup considèrent comme son grand œuvre, est une histoire d’amour universelle qui invente à chaque phrase le langage abâtardi d’une civilisation à l’agonie.

L’avis de Philémont

Avec Les fables de l’Humpur Pierre BORDAGE imagine des êtres hybrides entre l’homme et l’animal, qui perdent de génération en génération leur humanité, tout en vénérant les humains disparus. Leur société est de type féodal et chaque caste à un rôle bien défini sans possibilité de passage de l’une à l’autre. C’est ainsi que celle des loups (les hurles) domine celle des cochons (les grognes), la première ayant un comportement d’éleveur à l’égard de la deuxième, laquelle se comporte comme un bétail volontaire en organisant la reproduction ou la castration, puis l’engraissement de certains individus pour les donner à manger aux maîtres. D’autres castes sont plus isolées et/ou indépendantes, comme celles des chats (les miaules) ou des serpents (les siffles). Chaque caste voue par ailleurs un véritable culte à l’Humpur, lequel peut se définir comme un clergé tout puissant dans cette société hiérarchisée.

Dans cet univers, Véhir le grogne se révolte contre l’ordre établi et quitte sa communauté. Il rencontre alors Tia la hurle avec qui il part à la recherche de leurs origines communes, l’Humpur, en d’autres termes l’homme pur. Cette quête est un périple entre la Dordogne (la Dorgne) et le point culminant du Massif Central (le Grand Centre), où le cours d’eau éponyme de la Dorgne prend sa source. C’est l’occasion pour les protagonistes de rencontrer les différents représentants d’une humanité en totale régression et de vivre des aventures pour le moins dangereuses quand le héros n’est finalement qu’une proie dans un monde dominé par des prédateurs.

Pour développer cette intrigue Pierre BORDAGE travaille sa prose de façon à rendre palpable cette régression de l’humanité. Cela prend la forme d’une perte progressive du langage, la syntaxe étant pervertie, le vocabulaire, inspiré de l’ancien français, donnant bel et bien le sentiment d’être d’un autre temps. Quant au message de l’auteur, c’est celui de l’acceptation de l’autre et de l’amour envers son prochain, en dépit des différences, afin de transcender les barrières raciales, aussi hautes soient-elles. Quant au final, il plonge le lecteur dans une thématique classique de la science fiction, celle d’une humanité fautive du fait de sa course incessante après le progrès technologique.

Roman à la croisée des genres, Les fables de l’Humpur est ambivalent sur au moins trois points. En premier lieu, si l’univers en lui-même est plutôt original, l’intrigue ne l’est guère ; en deuxième lieu, aussi intéressants soient les caractères développés, il est bien difficile de véritablement s’y attacher ; enfin, l’intérêt de la prose de l’auteur est atténué par bon nombre de longueurs et par une morale un peu trop facile. Le sentiment dominant en fin de lecture est toutefois celui d’une histoire parfaitement contée qui aurait beaucoup gagnée à moins de facilité dans son propos et à plus de complexité dans les sentiments sollicités.


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