Le Mystère de l’inquisiteur Eymerich T4

EVANGELISTI Valerio

Article publié le vendredi 28 décembre 2007 par Cyrallen

Quatrième de couverture :

1365. Aux côtés du roi Pierre IV le Cérémonieux, Nicolas Eymerich, le célèbre grand inquisiteur dominicain, participe à l’invasion de la Sardaigne par les troupes espagnoles. Leur but : détruire le culte païen qui règne sur l’île ; dirigé par l’effroyable juge Mariano d’Arborée.

Dans une autre dimension de l’espace et du temps, Eymerich livre bataille à son adversaire le plus acharné, un homme dont six siècles le séparent : le grand psychanalyste viennois Wilhelm Reich. Par quel miracle le combat de ces deux esprits d’exception peut-il avoir lieu ?

Ce n’est que l’un des nouveaux mystères qu’Eymerich affrontera dans ce quatrième roman palpitant consacré à ses aventures.

L’avis de Cyrallen :

Aussi gore que les précédents, avec des théories en biologie assez farfelues (mais après tout, c’est de la SF !), Valerio Evangelisti parvient comme toujours à mener sa barque là où il le veut, surprenant immanquablement dans les dernières pages par l’étroitesse des liens qui unissent les époques. Mais le plus impressionnant reste tout de même la façon dont l’auteur réussi sans sourciller à mélanger les genres et les thèmes, l’éventail allant du totalitarisme politique au futur de la biologie, en passant par un siège de forteresse médiévale en Sardaigne et des cultes païens aux racines étranges.

Notre inquisiteur préféré est comme d’habitude abject à souhait et les moyens qu’il met en oeuvre pour parvenir à ses fins sont toujours aussi ingénieux.

Oui mais voilà, c’est justement là que le bât blesse : la trame de l’intrigue des romans faisant intervenir Eymerich se ressemble beaucoup trop d’un volume à l’autre. Les thèmes utilisés sont comparables : toujours une partie faisant appel à la biologie, l’autre à une société future totalitaire ou du moins tendant à l’être, et enfin une dernière concernant les cultes impies qu’Eymerich doit bien sûr éradiquer. Il est difficile de sortir de ce schéma, et une fois qu’on a compris les moyens dont Eymerich peut disposer et sa façon d’en disposer, l’intrigue devient nettement plus convenue et prévisible, même si les interrelations entre époques soulèvent toujours autant de questions existentielles.
Un Eymerich de plus, donc, fidèle au poste.

Extraits :

1- Si c’est la maladie que vous craignez, reprit le vieux, n’ayez crainte. Faites seulement attention à ce que vous mangez et buvez. Et surtout, tenez-vous loin des sources et des cours d’eau à l’heure feriada.
- L’heure feriada ? Qu’est-ce que ça signifie ?
- Oh ! C’est une expression d’ici, répondit le moine en souriant de nouveau. Elle désigne les périodes entre matines et laudes et entre seste et none. A ces moments-là, les eaux de la Sardaigne pullulent de vie, ne me demandez pas pourquoi. Et dans cette vie il y a aussi la vie dangereuse, quelquefois si horrible que je n’ose même pas la décrire. Voilà pourquoi les Sardes croient que près des fleuves vivent des démons et invoquent Dieu pour qu’il isparghet sas venas ei sas funtanas, qu’il "répande le contenu de ses veines dans ses fontaines".
Le vieillard aurait sans aucun doute continué à parler, mais Eymerich, bouleversé, ne put en supporter davantage. Sans un geste ni un salut, il tourna le dos au moine et grimpa au flanc de la colline, avec la répugnante sensation que le terrain sous ses pieds était creux et qu’y bougeaient des amas de créatures abominables et blanchâtres. Il éprouvait une aversion instinctive envers tout ce qui était sale, malade ou impur ; mais, surtout, il abhorrait les vers et les insectes, capables de s’insinuer entre ses vêtements, de voler jusqu’à lui, de tomber sur lui à l’improviste, de lui toucher la peau de leurs mouvements gluants. Rien au monde, peut-être, et pas même la silhouette du démon sur l’horizon, ne se trouvait en mesure de susciter en lui tant de terreur.

2- Depuis le plafond, Reich regarda avec inquiétude en direction des barres de la cellule et de l’obscurité du couloir. Il savait qu’une fois de plus, ce jour-là, l’inconnu qui se faisait appeler Eymerich allait revenir, et il espérait réussir à se libérer avant la rencontre. (…)
- Une araignée, dites-vous ? Comme celle-là ?
L’ombre pointa un doigt. Reich regarda dans la direction indiquée et vit une araignée gigantesque, aux yeux indéchiffrables, dont le poids déformait le réseau de fils. Ses pattes fines s’étiraient sur des longueurs disproportionnées par rapport au petit corps velu. Cela provoqua en lui une hilarité inattendue.
- Les araignée font partie de ce que vous craignez, vous, non de ce que je redoute, moi ! Vous avez découvert votre jeu. Les insectes vous inspirent tellement d’horreur que vous croyez que tout le monde la partage !
Un frémissement de l’ombre trahit un certain trouble.
- Et vous, quelle explication donnez-vous de ma crainte supposée, en admettant qu’elle soit vraie ?
- La peur du contact physique, répondit Reich en observant sans inquiétude le monstre qui se débattait à l’autre bout des fils, occupé à une danse compliquée. Votre surface corporelle est complètement privée d’énergie. Vous l’avez fait refluer depuis longtemps à l’intérieur de votre noyau, sous la poussée d’une terreur sans nom, comme il advient au sang dans les moments de panique. "Il blêmit de peur" : vous n’avez jamais entendu cette expression ?
- Continuez, ordonna Eymerich, avec un peu d’incertitude dans la voix.
- Vous avez cru rendre votre peau insensible, mais vous n’avez fait que la rendre froide et réactive à la chaleur des autres. Une caresse, pour vous, se charge de la violence d’une gifle. Du reste, qui caresserait jamais un animal à sang froid ? Vous n’en avez pas conscience, mais vous n’arrivez pas à vous y faire et vous en souffrez. Vous avez oublié comment on caresse et vous savez seulement frapper. Tout autre contact vous est interdit.
- Et les insectes, en quoi sont-ils concernés ?
- Ils constituent le symbole même de l’invasion. Ils tombent des branches et des plafonds, se posent n’importe où, sautent suivant des trajectoires imprévisibles. Et vous, vous ne voulez pas être touché. Votre aspiration suprême est d’être pur esprit.
- C’est l’aspiration de tout croyant, répliqua l’ombre, mais visiblement, elle était en difficulté.


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