Dragons

Anthologies

Article publié le jeudi 14 mai 2009 par Philémont

Quatrième de couverture

Créatures fabuleuses, parfois bienveillantes, souvent impitoyables, les dragons ont essaimé la quasi-totalité des mythologies humaines, comme destructeurs de mondes ou gardiens de trésors immémoriaux. Traversant les siècles, on les retrouve aujourd’hui au cœur des littératures de l’imaginaire, chaque fois réinventés. Ça, depuis le Smaug de Bilbo le Hobbit jusqu’aux fameux dragons de Pern, cet animal légendaire a su emprunter mille formes, croiser mille quêtes pour sans cesse répondre aux innombrables rêves — ou cauchemars — qu’il sait susciter dans le cœur des hommes. C’est à cette figure essentielle de la fantasy que se sont confrontés avec talent les auteurs de cette anthologie. Tour à tour effrayantes, épiques ou pleines d’humour, les nouvelles qui la composent forment le plus beau des hommages à son éternelle majesté.

« Les contes de fées ne révèlent pas aux enfants que les dragons existent, les enfants le savent déjà. Les contes de fées leur révèlent que l’on peut tuer les dragons. » G. K. Chesterton

L’avis de Philémont

Première anthologie de la collection Fantasy de Calmann-Lévy, Dragons réunit dix-huit textes francophones ayant pour thème commun la figure emblématique de la Fantasy. L’anthologiste est Sébastien GUILLOT, fondateur de la collection, mais curieusement non mentionné dans l’ouvrage. Autre bizarrerie, les nouvelles se succèdent sans aucune présentation, si ce n’est une illustration de Alain BRION, leur titre et leur auteur. On ne trouve pas non plus d’introduction générale qui aurait pu avoir le mérite de présenter aux lecteurs les auteurs réunis ici, certains étant de nouveaux venus dans le paysage des littératures de l’imaginaire.

Mais cessons de parler de ce que l’on ne trouve pas dans le recueil et venons-en maintenant plus précisément au contenu…

Chansons pour Ouroboros, DAYLON

Cette nouvelle est un récit mythologique contant la destruction d’une cité consécutivement à la trahison d’un amour. Les six voix qui s’enchaînent indifféremment rendent le texte haché, ce qui est intéressant d’un point de vue littéraire mais rend la lecture d’autant plus difficile qu’elle fait la part belle à l’allégorie.

Soldats de plomb, Frédéric JACCAUD

Un jeune garçon aime faire combattre ses petits soldats contre un dragon alors que son père participe à une guerre souterraine bien réelle dans laquelle les deux parties se disputent l’accès au gaz, principale source d’énergie. L’idée est originale et le traitement soigné ; malheureusement le final tombe quelque peu à plat du fait de sa prévisibilité précoce.

La contrée du dragon, Thomas DAY

Un couple de villageois recueille une jeune fille qui vient d’échapper aux griffes d’une bande de mercenaires. Mais comme sa religion n’est pas celle du village, le prêtre contraint le père adoptif de reconduire la jeune fille dans sa ville d’origine. Avec cette histoire l’auteur ne fait guère preuve d’originalité mais montre des qualités de conteur indéniables.

Cœur de pierre, Virginie BÉTRUGER

Un jeune garçon est le souffre-douleur de tous les autres enfants de son village. Fils de porcher, il est malingre et introverti, et rêve de surcroît de piloter une montgolfière, un statut bien au-dessus de ce à quoi il peut prétendre. De plus il est victime d’une étrange maladie qui le rend difforme : des écailles de plus en plus nombreuses surgissent sur son corps. Il s’agit là d’une très belle histoire, certes peu originale, mais dont la tragédie, la violence et l’émotion sont parfaitement rendues.

Le Dragonneau anorexique, Jean-Claude BOLOGNE

Ce texte conte l’histoire d’un jeune dragon qui refuse sa condition, à commencer par le fait qu’elle lui impose de se nourrir de princesses. Une idée originale et un traitement plein d’humour sont un peu gâchés par une chute sans relief.

Les Années d’orichalque, Ugo BELLAGAMBA

Un vieil ermite raconte sa jeunesse à un enfant, de sa formation en tant qu’yggdrakhsil, à la façon dont il sauva son Peuple d’une invasion de géants en l’exilant dans un autre monde. Il s’agit là d’un nouveau récit mythologique, d’inspiration scandinave et de très bonne tenue.

Au seuil de Loïkermaa, Francis BERTHELOT

Dans cet univers les hommes sont strictement séparés des dragons même si ni les uns ni les autres n’ignorent leur existence. Les hommes abandonnent d’ailleurs les enfants bâtards au dragons pour sauvegarder la morale. Mais l’un de ces enfants est un jour sauvé par un dragonneau orphelin, les deux êtres grandissant ensemble. Séparés à l’adolescence, ils passent le reste de leur vie à se rechercher. Il s’agit là d’un texte particulièrement émouvant sur l’acceptation de l’autre.

La Mort de Tlatecuhtli, Charlotte BOUSQUET

Courte nouvelle à la prose délibérément poétique, elle se veut un hommage à Tlatecuhtli, divinité aztèque sacrifiée à Quetzalcóatl, le serpent à plumes. Sa totale appréhension est à réserver à un lectorat averti de la mythologie aztèque.

Au plus haut des cieux, Robin TECON

Un chevalier est envoyé par son seigneur dans la grotte d’un dragon pour le convier aux festivités du mariage de sa fille. Le dragon est en effet devenu un véritable animal domestique, pratique un langage châtié et est un fervent chrétien. Tel est le point de départ d’un récit peu crédible dont le final frise le ridicule.

Draco Luna, David CAMUS

A la fin du XIIème siècle Baudouin IV règne sur Jérusalem. Mais il est malade de la lèpre et doit fuir son palais pour échapper à l’assassinat que ses rivaux complotent. Accompagné d’une poignée de fidèles, il s’enfonce dans le désert en quête d’un remède à son mal. Si ce type d’intrigues a été maintes fois exploité, l’Histoire y est ici habilement romancée et la nouvelle se lit avec beaucoup de plaisir.

La Suriedad, Estelle FAYE

Cette histoire d’expédition maritime du temps des corsaires est très prenante et agrémentée d’une prose efficace. C’est donc une excellente nouvelle.

Le Feu sous la cendre, Eudes HARTEMANN

Dans la Bavière du XIXème siècle, un étudiant vient demander à un éminent professeur de diriger ses recherches visant à prouver l’existence des dragons. Le professeur ne pense plus qu’à voler les travaux du jeune homme. Une idée originale agrémentée d’une prose rythmée et pleine d’humour font de cette nouvelle un très bon texte.

Quelques Bêtes de feu et d’effroi, Philippe GUILLAUT

Antigone, un successeur d’Alexandre le Grand, envoie une petite troupe à la recherche des dragons, seuls capables de surpasser les éléphants de son rival du moment. Une ambiance hellène moyennement rendue, mais une jolie allégorie sur un thème universel (les mythes sont ce que nous en faisons) rendent cette nouvelle agréable à lire.

D’un dragon l’autre, Jérôme NOIREZ

L’Allemagne nazie envoie un homme à Sigmaringen, sur le Danube, pour éveiller un dragon. C’est intelligent, bourré de références, en particulier à Louis Ferdinand Céline, et plein d’humour. C’est un très bon texte.

Archéologie d’un monstre, Fabrice COLIN

Un gardien de zoo mène une course contre la montre pour connaître les origines de son pensionnaire favori avant sa mort : un dragon. Si l’idée de départ est intéressante, le récit tombe finalement à plat.

L’Huile et le feu, Johan HELIOT

Du côté de la frontière entre le Texas et la Louisiane, dans les années 20, le Ku Klux Klan pratique des rites visant à éveiller un dragon capable de trouver le sang de la terre, c’est-à-dire le pétrole. Mais comme cela s’est avéré meurtrier, le shérif local compte bien mettre fin à cette activité. C’est une histoire improbable dans une Amérique pas très bien rendue qui rendent cette nouvelle peu intéressante.

Dragon caché, Mélanie FAZI

Abel est un garçon bien étrange. Très proche de la nature, il aime se fondre en elle, loin des hommes. Il n’a guère qu’une amie, Amalia, le fantôme d’une jeune femme brûlée en un autre temps pour sorcellerie parce qu’elle détenait un don du fait de la présence du dragon Providence dans son corps. Un sujet original, une jolie prose, ce texte fait passer un très bon moment de lecture.

Tératologie des confins, François FIEROBE

Cette dernière nouvelle prend la forme d’un véritable traité de zoologie sur les différentes espèces de dragons. C’est donc une indéniable curiosité qui aurait certainement gagnée à être placée au début de ce recueil afin de faire office d’introduction.

Au final cette anthologie s’avère inégale. Les très bons textes ne sont pas nombreux, de même que les plus décevants d’ailleurs. En revanche, la grande majorité des nouvelles présentées ici sont très agréables à lire mais pèchent soit par une intrigue peu originale, soit par un final peu percutant. Alors que cela n’arrête pas le lecteur potentiel : s’il est un tant soit peu intéressé par la figure du dragon, il y trouvera largement son compte.


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