Les milles et une nuits

Anthologies

Article publié le samedi 22 décembre 2007 par Cyrallen

Quatrième de couverture (et extrait) du premier tome :

On raconte qu’une nuit Haroun Al-Rachid s’étant couché entre deux belles adolescentes qu’il aimait également, dont l’une était de Médine et l’autre de Koufa, ne voulut pas exprimer sa préférence, quant à la terminaison finale, spécialement à l’une au détriment de l’autre.
Le prix devait donc revenir à celle qui le mériterait le mieux. Aussi l’esclave de Médine commença par lui prendre les mains et se mit à le caresser gentiment, tandis que celle de Koufa, couchée un peu plus bas, lui massait les pieds et en profitait pour glisser sa main ju
squ’à la marchandise du haut et la soupeser de temps en temps. Sous l’influence de ce soupèsement délicat, la marchandise se mit soudain à augmenter de poids considérablement.
Alors l’esclave de Koufa se hâta de s’en emparer et de la cacher dans le creux de ses mains ; mais l’esclave de Médine lui dit :
" Je vois que tu gardes le capital pour toi seule, et tu ne songes même pas à m’abandonner les intérêts ! " Elle repoussa sa rivale et s’empara du capital à son tour en le serrant soigneusement dans ses deux mains. Alors l’esclave ainsi frustrée, qui était fort versée dans la connaissance des traditions du Prophète, dit :
" C’est moi qui doit avoir droit au capital, en vertu de ces paroles du Prophète : "Celui qui fait revivre une terre morte en devient le seul propriétaire ! "
Mais l’esclave de Médine, qui ne lâchait pas la marchandise, n’était pas moins versée dans la Sunna que sa rivale et lui répondit :
" Le capital m’appartient en vertu de ces paroles du Prophète : "Le gibier appartient, non point à celui qui le lève, mais à celui qui le prend ! " Lorsque le Khalifat eut entendu ces citations, il les trouva si justes qu’il satisfit également les deux adolescentes cette nuit-là.

- Extrait de la 376e Nuit -

Quatrième de couverture (et extrait) du second tome

Et d’un mouvement rapide, elle rejeta ses voiles et se dévêtit tout entière pour apparaître dans sa native nudité. Béni soit le ventre qui l’a portée !
C’est alors seulement que Nour put juger la bénédiction qui était descendue sur sa tête ! Et il vit que la princesse était une beauté douce et blanche comme un tissu de lin, et qu’elle répandait de toutes parts la suave odeur de l’ambre, telle la rose qui sécrète elle-même son parfum originel.
Et il la pressa dans ses bras et trouva en elle, l’ayant explorée dans sa profondeur intime, une perle encore intacte. Et il se mit à promener sa main sur ses membres charmants et son cou délicat, et à l’égarer parmi les flots et les boucles de sa chevelure, en faisant claquer les baisers sur ses joues, comme des cailloux sonores dans l’eau ; et il se dulcifiait à ses lèvres, et faisait claquer ses paumes sur la tendreté rebondissante de ses fesses.
Et elle, de son côté, elle ne manqua pas de faire voir une partie considérable des dons qu’elle possédait et des merveilleuses aptitudes qui étaient en elle ; car elle unissait la volupté des Grecques aux amoureuses vertus des Egyptiennes, les mouvements lascifs des filles arabes à la chaleur des Ethiopiennes,la candeur affarouchée des Franques à la science consommée des Indiennes, l’expérience des filles de Circassie aux désirs passionnés des Nubiennes, la coquetterie des femmes du Yâman à la violence musculaire des femmes de la Haute-Egypte, l’exiguïté des organes des Chinoises à l’ardeur des filles du Hedjza, et la vigueur des femmes de l’Irak à la délicatesse des Persanes.
Aussi les enlacements ne cessèrent de succéder aux embrassements, les baisers aux caresses et les copulations aux foutreries, pendant toute la nuit, jusqu’à ce que, un peu fatigués de leurs transports et de leurs multiples ébats, ils se fussent endormis enfin dans les bras l’un de l’autre, ivres de jouissance…

Extrait de la 679e Nuit

L’avis de Philémont :

Les Mille et une Nuits sont probablement l’oeuvre littéraire arabe, issue de la tradition orale, la plus connue dans le monde occidental. Qui ne connaît pas les histoires d’Aladdin et de la lampe magique, d’Ali Baba et des quarante voleurs ou encore celle de Sindbad le Marin ?

Mais cette connaissance n’est probablement que partielle, puisque la plupart du temps associée aux caractères soit enfantin, soit érotique de ces contes, et surtout ignorante du fait que les contes les plus connus ne sont qu’une infime partie de l’oeuvre. Quant aux trois histoires citées plus haut, il est étonnant d’apprendre qu’elles ne font pas partie des Nuits en tant que telles, mais qu’elles ont été ajoutées, à partir d’autres manuscrits par le premier traducteur occidental des Mille et une Nuits (Antoine Galland, en 1704).

Comme cette traduction fut un succès, et que d’autres manuscrits furent découverts, relatant les Nuits dans un ordre différent, et intégrant d’autres contes, de nouvelles traductions virent alors le jour en Europe ce qui donna lieu à différentes versions des Mille et une Nuits. C’est ainsi qu’en France, Gallimard a publié récemment une nouvelle traduction de l’oeuvre dans sa collection de La Pléiade. C’est pourtant celle de Joseph Charles Mardrus, publiée entre 1899 à 1904, qui nous intéresse ici.

Les Nuits de Mardrus sont probablement les plus connues en France. Elles sont en effet les plus diffusées et sont une des premières à avoir fait la part belle à l’érotisme et à l’exotisme des contes. Ce sont également les Nuits de Mardrus qui comportent le plus de contes, ce qui a d’ailleurs vallu au traducteur des suspicions sur le sérieux de son travail, puisqu’il n’a jamais pu être vérifié que le traducteur détenait bel et bien des manuscrits que personne n’avait lu.

J’invite néanmoins le lecteur à faire abstraction de ces doutes et de se plonger dans la lecture des Mille et une Nuits. Il y découvrira qu’elles sont bien plus que des contes pour enfants ou une succession d’ébats voluptueux. Il s’agit bel et bien d’une oeuvre monumentale servant de témoin culturel à l’Histoire de l’Orient, et ce au sens large du terme puisque nous conduisant parfois jusqu’en Inde ou en Chine.

Certes cette lecture peut paraître rébarbative de par sa taille même ; néanmoins il est tout à fait possible de lire chaque conte indépendamment les uns des autres, donc de piocher, au hasard ou non, au gré de ses envies du moment. De même l’amateur de Fantasy peut se demander s’il y trouvera son compte ; il ignore sans doute que les Nuits sont pleines de magies, de créatures merveilleuses et de combats. Il pourra même être surpris de se dire que telle ou telle histoire ne lui est pas tout à fait inconnue ; et pour cause ! non seulement certains contes sont définitivement entrés dans le patrimoine culturel mondial, mais certains auteurs bien connus des amateurs de Fantasy ont manifestement été inspirés de certaines de ces histoires…

En un mot, Les Milles et une Nuits sont un monument de la littérature mondiale, dans lequel tout amateur de littérature y trouvera son compte, l’amateur de Fantasy n’étant certainement pas le dernier d’entre eux.

Extraits :

1- Un jour, que nous naviguions depuis plusieurs jours sans voir de terre, nous vîmes émerger de la mer une île qui nous sembla, par sa végétation, quelque merveilleux jardin d’entre les jardins d’Eden. Aussi, le capitaine du navire voulut bien atterrir et, une fois l’ancre jetée et l’échelle abaissée, nous laisser débarquer.
Nous descendîmes […] Moi, je fus du nombre de ceux qui préférèrent se promener et jouir des beautés de la végétation dont ces côtes étaient couvertes, tout en n’oubliant pas de manger et de boire.

Pendant que nous nous délassions de la sorte, nous sentîmes tout à coup l’île trembler dans toute sa masse et nous donner une secousse si rude que nous fûmes projetés à quelques pieds au-dessus du sol. Et, au même moment, nous vîmes apparaître à l’avant du navire le capitaine qui, d’une voix terrible et avec des gestes effrayants, nous cria :

« O passagers, sauvez-vous ! Hâtez-vous ! Remontez vite à bord ! Lâchez tout ! Abandonnez vos effets à terre et sauvez vos âmes ! Fuyez l’abîme qui vous attend ! Courez vite ! Car l’île sur laquelle vous vous trouvez n’est point une île ! C’est une baleine gigantesque ! Elle a élu domicile au milieu de cette mer, depuis le temps de l’Antiquité ; et les arbres ont poussé sur son dos, grâce au sable marin ! Vous l’avez réveillée de son sommeil ! Vous avez troublé son repos et dérangé ses sensations en allumant du feu sur son dos ! Et la voici qui bouge ! Sauvez-vous, ou elle va s’enfoncer dans la mer qui vous engloutira sans retour ! Sauvez-vous ! Lachez tout ! Je m’en vais !

[…]

Or moi, je fus du nombre de ceux qui furent abandonnés sur cette baleine-là et furent noyés ! Mais Allah Très-Haut me sauvegarda et me délivra de la noyade en me mettant sous la main une pièce de bois creuse, sorte de grand baquet qu’avaient apporté les passagers pour y laver leur linge. Je m’y cramponnai d’abord, puis je réussis à me mettre dessus à califourchon, grâce aux efforts extraordinaires dont me rendirent capable le danger et la cherté de mon âme, qui m’était précieuse ! Alors je me mis à battre l’eau avec mes pieds comme avec des avirons, tandis que les vagues se jouaient de moi et me faisaient chavirer tantôt à droite et tantôt à gauche ! […]
Je demeurai ainsi à lutter contre l’abîme durant une nuit et un jour entier. Je fus enfin entraîné par le vent et par les courants jusqu’aux bords d’une île escarpée couverte de plantes grimpantes qui descendaient le long des falaises et trempaient dans la mer. Je m’accrochai à ces branchages et réussis, m’aidant des pieds et des mains, à grimper jusqu’au haut de la falaise.


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