La Chute d’Hypérion (T2 Le Cycle d’Hypérion)

SIMMONS Dan

Article publié le dimanche 30 décembre 2007 par Cyrallen
Mis à jour le jeudi 28 août 2008

Quatrième de couverture Volume 1 :

L’Hégémonie gouverne plus de trois cents mondes. Quand aux Extros, ils ont pris le large après l’Hégire. Reviendront-ils ? Un de leurs essaims, depuis trois cents ans, se rapproche d’Hypérion. Les habitants de cette planète ont fini par devenir nerveux ; ils réclament l’évacuation. Pour l’Hégémonie, le jeu n’en vaut pas la chandelle.

Mais, sur la même planète, on annonce l’ouverture prochaine des Tombeaux du Temps. Le Techno-Centre n’arrive pas à produire des prévisions fiables à ce sujet. Alors, l’Hégémonie agit : elle envoie sept pèlerins sur Hypérion.

Drôles de pèlerins ! Celui-ci n’arrive pas à se débarrasser d’un parasite de résurrection ; celui-là écrit un poème qui, selon lui, infléchira le cours des évènements. Deux d’entre eux veulent tuer le gritche ; un autre hésite à lui sacrifier sa propre fille, qui naîtra dans trois jours. Et le dernier semble trahir tout le monde, ce qui étrangement ne trouble personne.
Bref, l’Hégémonie en fait le minimum ; qu’est-ce qui se cache là-dessous ?

Quatrième de couverture Volume 2 :

Johnny Keats est une intelligence Artificielle construite sur le modèle d’un vieux poète de l’Ancienne Terre. Il voudrait échapper au Techno-Centre, investir toute sa conscience dans son corps, être un humain à part entière et partir pour Hypérion. C’est assez pour le faire assassiner. Mais quelqu’un doit lui vouloir du bien au Techno-Centre : il reçoit un corps de rechange. Cette fois, il demande à Lamia d’assurer sa protection ; et pour plus de sûreté, il la câble avant d’être tué. Quand il ressuscite, le disque de Schrön, implanté sur la jeune femme, le met en contact avec elle : il lui suffit de dormir et de rêver. Malheureusement sa protectrice se retrouve en grand danger sur Hypérion ; tout ce qu’ils pourraient espérer, c’est de se rejoindre dans l’infosphère.

Or quelqu’un semble prêt à les y aider - comme si Johnny était quelque rouage essentiel dans un grand dessein conçu à l’échelle de l’éternité. John Keats (1795-1821) fit ses débuts littéraires à l’ombre de Leigh Hunt. De Fanny Brawne, sa très timide fiancée, il fit une femme-serpent dans Lamia. Milton et Dante lui inspirèrent deux épopées : Hypérion et La Chute d’Hypérion. il mourut de la tuberculose à Rome, place d’Espagne, veillé jusqu’au bout par son grand ami le peintre Joseph Severn.

L’avis de Cyrallen :

Après avoir fait connaissance avec les attachants pèlerins et les raisons de leur présence parmi le groupe, le second volume, La Chute d’Hypérion, passe encore à la vitesse supérieure en flirtant avec les secrets de l’univers. Rien de moins. On a dépassé le stade de la simple aventure dans l’espace depuis longtemps. Les questions métaphysiques tissent une trame sur laquelle se greffent les actions des personnages, leurs doutes, leurs impuissances et leurs décisions inébranlables.

Les certitudes fondent comme neige au soleil, les vérités se disloquent, l’horreur s’érige en maxime tandis que s’ouvrent inexorablement les Tombeaux du Temps.

Si après tout ça vous n’êtes pas convaincus… je change de Galaxie ! ;-)

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L’avis de Philémont :

Arrivés dans la vallée des Tombeaux du Temps, les pèlerins de l’Hégémonie s’aperçoivent que leur sort n’est pas aussi simple qu’ils le croyaient…

Dans ce deuxième tome du cycle d’Hypérion Dan Simmons adopte une technique narrative totalement différente de celle adoptée dans Hypérion. Cette fois-ci la vie des pèlerins dans la vallée des Tombeaux du temps est racontée par John Keats à travers ses visions. John Keats est un personnage historique, un poète romantique anglais du début du XIXème siècle qui écrivit lui aussi un Hypérion. Dans le cycle de Dan Simmons il est un cybride, c’est-à-dire une intelligence artificielle (donc contrôlée par le TechnoCentre) créée à partir de la personnalité du poète et incarnée dans un corps humain.

Les visions de John Keats, intellectuellement très intéressantes, ne sont pas aussi claires que les récits des pélerins du premier tome du cycle. Elles rendent la lecture de La Chute d’Hypérion assez difficile, notamment à cause des nombreuses citations des poèmes du véritable Keats. On pourra également reprocher certaines longueurs dans quelques passages. Enfin, Dan Simmons est très loin de répondre à toutes les questions que tout lecteur est en droit de se poser. En particulier, l’énigme du fameux Gritche n’est absolument pas résolue. Qui est-il réellement ? Que représente-t-il ? Une seule chose est sûr : c’est une allégorie qui demande bien d’autres développements…

Extraits :

1- - Il me vient à l’esprit, déclara Sol Weintraub tandis que le groupe finissait son dessert, que notre survie dépendra peut-être des propos que nous échangerons.
- Que voulez-vous dire ? demanda Brawne Lamia.
Weintraub berça machinalement l’enfant endormi contre sa poitrine.
- Par exemple, l’un d’entre nous connaît-il les raisons précises qui l’ont fait désigner par l’Église gritchtèque et la Pangermie pour faire partie de ce pèlerinage ?
Personne ne répondit.
- C’est bien ce que je pensais, reprit Weintraub. Et il serait encore plus fascinant de savoir si l’une des personnes ici présentes est membre de l’Église gritchtèque, ou sympathise avec elle. En ce qui me concerne, je suis juif, et même si mes sentiments religieux sont devenus particulièrement confus par les temps qui courent, ils ne m’autorisent certainement pas à vénérer une machine organique à tuer.
Il haussa ses épais sourcils, faisant du regard le tour de la table.
- Je suis la Voix de l’Arbre Authentique, murmura Het Masteen. Même si beaucoup de Templiers pensent que le gritche est l’avatar du châtiment pour ceux qui ne se nourrissent pas à la racine, je suis obligé de considérer qu’il s’agit là d’une hérésie que rien, dans l’Alliance ou dans les textes sacrés du Muir, ne saurait autoriser.
À la gauche du commandant, le consul eut un haussement d’épaules.
- Je suis athée, dit-il en levant son verre de whisky à la lumière. Je n’ai jamais eu de contacts avec l’Église gritchtèque.
Le père Hoyt eut un sourire sans joie.
- C’est l’Église catholique qui m’a ordonné prêtre, murmurat-il. Porter un culte au gritche serait en contradiction avec tous ses préceptes.
Le colonel Kassad secoua la tête en un geste qui pouvait être interprété soit comme un refus de répondre, soit comme l’indication qu’il n’appartenait pas à l’Église gritchtèque.
Martin Silenus écarta théâtralement les bras.
- J’ai été baptisé selon le rite luthérien, dit-il. C’est une dénomination qui n’existe plus. J’ai participé à la création du gnosticisme zen bien avant la naissance des parents d’aucun d’entre vous. J’ai été catholique, révélationniste, néo-marxiste, zélote d’interface, Briseur de Limites, sataniste, évêque du Nada dans l’Église de Jake, membre cotisant à l’Institut de la Réincarnation Assurée. Mais aujourd’hui, je suis heureux de vous dire, conclut-il en adressant un sourire à l’ensemble du groupe, que je ne suis plus qu’un simple païen. Et pour un païen, le gritche me semble constituer une divinité acceptable.
- Je ne fais que peu de cas des religions, déclara Brawne Lamia. Je ne succombe à aucune d’entre elles.
- J’espère que tout le monde voit, à présent, ce que je voulais dire, fit Sol Weintraub. Personne ici n’admet adhérer au dogme du gritche, et cependant les anciens de ce culte très perceptif nous ont désignés, nous, de préférence à des millions et des millions de fidèles qui n’attendaient que cette occasion - peut-être la dernière - de se rendre sur le site des Tombeaux du Temps, à la rencontre de leur dieu féroce.
Le consul secoua la tête.
- J’avoue que je ne vois toujours pas ce que vous vouliez nous prouver, H. Weintraub.
L’érudit se lissa machinalement la barbe.
- Il semblerait que nos différentes motivations pour retourner sur Hypérion soient si puissantes que même l’Église gritchtèque et les intelligences spéculatrices de l’Hégémonie s’accordent à dire que nous méritons de participer à ce pèlerinage. Mais si certaines de nos raisons - les miennes, entre autres - paraissent suffisamment claires aux yeux de tous, je crois pouvoir affirmer que ce n’est pas le cas de tout le monde, et que seule chaque personne concernée les connaît, au demeurant, dans leur intégralité. C’est pourquoi je propose, durant les quelques jours qui nous restent, que chacun fasse part de son récit aux autres.
- À quoi bon ? demanda le colonel Kassad. Je ne vois pas en quoi cela nous avancera.
- Cela nous distraira au moins, fit Weintraub avec un sourire, et nous y trouverons peut-être l’occasion de soulever un coin du voile qui dissimule l’âme de chacun de nos compagnons avant que le gritche ou quelque autre calamité ne vienne nous distraire pour de bon de nos occupations habituelles. Sans compter que nous en apprendrons peut-être suffisamment pour préserver nos vies, si toutefois nous sommes assez intelligents pour découvrir le fil commun, dans nos expériences respectives, qui relie notre sort aux caprices du gritche.
Martin Silenus éclata de rire et se mit à déclamer, les paupières à demi fermées :
Chacun chevauchant un dauphin,
Calé par une nageoire,
Ces innocents revivent leur mort,
Et leurs blessures se rouvrent.
- C’est de Lenista ? demanda le père Hoyt. Je l’ai étudiée au séminaire.
- Vous n’êtes pas très loin, lui dit Silenus en rouvrant les yeux pour se servir un nouveau verre de vin. C’est de Yeats. Le bougre a vécu cinq cents ans avant que Lenista ne tète le sein métallique de sa mère.
- Écoutez, fit Lamia. À quoi cela nous avancera-t-il de raconter notre histoire aux autres ? Si j’ai bien compris, lorsque nous serons en présence du gritche, c’est à lui que nous devrons dire ce que nous désirons, et le voeu d’un seul d’entre nous sera exaucé. Tous les autres mourront, c’est bien ça ?
- C’est ce que dit la légende, acquiesça Weintraub.
- Le gritche n’est pas une légende, lui dit Kassad. Pas plus que l’arbre d’acier.
- N’importe comment, pourquoi nous infligerions-nous nos récits respectifs ? demanda Brawne Lamia en piquant de la pointe de son couteau le dernier morceau de son gâteau au chocolat. Weintraub effleura d’une main tendre le crâne du bébé endormi.
- Parce que nous vivons des temps étranges, dit-il, et que nous faisons partie de l’infime pourcentage de citoyens de l’Hégémonie qui se déplacent d’une étoile à l’autre au lieu d’emprunter les mailles du Retz. Nous représentons des époques révolues de notre histoire récente. Ainsi, en ce qui me concerne, je suis âgé de soixante-huit années standard, mais, compte tenu du déficit temporel que mes différents voyages auraient pu me procurer, j’aurais pu étaler ces soixante-huit ans sur plus d’un siècle d’histoire de l’Hégémonie.
- Et alors ? demanda Brawne Lamia. Weintraub écarta les bras en un geste qui englobait tous ceux qui étaient assis autour de la table.
- Tous, nous représentons aussi bien des îlots de temps que des océans distincts de perspective. Ou peut-être devrais-je dire plutôt que chacun d’entre nous détient sans doute un morceau d’un puzzle que personne n’a jamais été capable de résoudre depuis que l’humanité a découvert Hypérion. C’est un véritable mystère pour nous, ajouta-t-il en se grattant le nez. À dire le vrai, les mystères m’ont toujours intrigué, même lorsqu’ils risquent d’abréger sérieusement mes jours. Et faute d’y voir clair dans cette affaire, je me contenterai de découvrir quelques morceaux du puzzle.
- Je suis tout à fait d’accord avec lui, déclara Het Masteen sans manifester la moindre émotion. Je n’y avais pas pensé avant, mais je pense qu’il serait sage de comparer nos expériences avant de faire face au gritche.
- Qu’est-ce qui peut garantir que nous dirons la vérité ? demanda Brawne Lamia.
- Rien du tout, en effet, sourit Martin Silenus. C’est ce qui rend la chose encore plus attrayante.
- Je propose que nous votions, fit le consul. Il pensait à ce que lui avait dit Meina Gladstone sur la présence d’un agent des Extros parmi eux. Les récits aideraient-ils à démasquer cet agent ? Il faudrait qu’il soit vraiment stupide, se dit-il en souriant à cette pensée.
- Qui a décidé, pour commencer, que ce petit groupe formait une joyeuse démocratie ? demanda sèchement le colonel Kassad.


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