Endymion (T3 Le Cycle d’Hypérion)

SIMMONS Dan

Article publié le dimanche 30 décembre 2007 par Cyrallen
Mis à jour le jeudi 28 août 2008

Quatrième de couverture :

Raul Endymion est né sur la planète Hypérion à l’ère de la Pax. Il n’a pas accepté le cruciforme, ce qui le voue à une mort définitive. Mais voici qu’il est exécuté (à l’âge de 27 ans) et se réveille vivant…

Pour le vieux poète Martin Silenus, auteur des Cantos inachevés, le jeune homme est marqué par le destin : à lui de retrouver la petite Enée, disparue à l’âge de douze ans dans l’un des Tombaux du Temps, de la protéger de la Pax, et finalement de renverser la puissance de l’Eglise. Un programme d’autant plus difficile que la Pax se sait menacée : quand Enée sortira des Tombeaux du Temps, trente mille gardes suisses se tiennent prêts à l’intercepter.

Pour l’aider à fuir, Endymion aura le Vaisseau du Consul, mais la Pax est prête à les poursuivre, et les voyages d’Enée et d’Endymion ne sont pas près de finir.

L’avis de Philémont :

Deux cent soixante-quatorze ans après la chute d’Hypérion, Enée, la fille d’un des pélerins, est présentée comme un futur messie. La Pax, le bras politico-militaire de l’Eglise catholique rénovée, la cherche et met tout en oeuvre pour la détruire…

C’est par le biais du récit d’un jeune baroudeur, Raul Endymion, que Dan Simmons nous raconte la fuite d’Enée devant les forces de la Pax. Elle est accompagnée de Raul lui-même, ainsi que d’A. Bettik, un androïde brièvement rencontré dans le premier tome du cycle. On notera aussi en fin de volume un chevauchement extrêmement bien maîtrisé de plusieurs récits, prouvant encore, s’il est besoin, les qualités littéraires de Dan Simmons.

Personnage charismatique, Raul Endymion nous offre un récit très rythmé. Il faut dire que les aventures qu’il vit sont pleines de rebondissements et d’action. De ce point de vue, Endymion ressemble d’ailleurs assez peu aux deux précédents volumes du cycle, mais il n’en est pas pour autant moins bon, bien que nettement moins original que le premier volume.

Extrait :

- Le pape est mort ! Vive le pape ! Ce cri résonna dans la cour de Saint-Damase et aux alentours. On venait de découvrir le corps de Jules XIV dans son appartement papal. Le Saint-Père était mort pendant son sommeil. En quelques minutes, la nouvelle se répandit dans le groupe de bâtiments disparates encore désignés sous le nom de Palais du Vatican, puis à travers tout l’État à la vitesse d’un feu de circuit dans de l’oxygène pur. La rumeur de la mort du pape se fraya un chemin brûlant dans les bâtiments administratifs, passa d’un bond la porte SainteAnne fourmillante de monde pour gagner le Palais apostolique et celui adjacent du Gouvernement, rencontra des oreilles attentives dans la sacristie de la basilique Saint-Pierre - si bien que l’archevêque qui y célébrait alors la messe jeta un coup d’oeil par-dessus son épaule en entendant les chuchotements sans précédent de l’assemblée -, puis sortit enfin de l’église avec les fidèles pour se répandre parmi la foule plus nombreuse de la place Saint-Pierre où quatre-vingts à cent mille touristes et fonctionnaires de la Pax en visite la reçurent comme une masse critique de plutonium prête à entrer en fission. Une fois franchie la porte de l’Arc des Cloches, réservée aux véhicules, la nouvelle accéléra, atteignant la vitesse des électrons, puis celle de la lumière et, pour finir, jaillit de la planète Pacem à la vélocité de la propulsion Hawking, des milliers de fois plus rapide que la lumière. Plus près, hors des anciens murs du Vatican, téléphones et comlogs carillonnèrent dans tout le Château SaintAnge, massif et suintant, où les bureaux du Saint-Office de l’Inquisition s’enfonçaient au coeur de la montagne de pierre autrefois édifiée pour servir de mausolée à l’empereur Hadrien. Toute la matinée retentirent le cliquetis des chapelets et le bruissement des soutanes empesées des fonctionnaires du Vatican qui se précipitaient vers leurs bureaux pour surveiller leurs liaisons télématiques cryptées et attendre les mémos venus d’en haut. Les communicateurs personnels sonnèrent, carillonnèrent et vibrèrent dans les uniformes et les implants de milliers d’administrateurs de la Pax, commandants militaires, politiciens et employés dit Mercantilus. Une demi-heure après la découverte du corps sans vie du pape, les médias furent mis au courant de la nouvelle sur toute la planète Pacem ; ils préparèrent leurs holocaméras robotisées, connectèrent tout leur arsenal de liaisons satellite intégrées, envoyèrent leurs meilleurs reporters humains au bureau de presse du Vatican et restèrent en attente. Dans cette société interstellaire où l’Église disposait d’un pouvoir presque absolu, les informations attendaient non seulement une confirmation émanant de sources indépendantes, mais aussi la permission officielle d’exister.

Deux heures et dix minutes après la découverte du corps du pape Jules XIV ’ l’Église confirma sa mort par une déclaration du secrétaire d’État du Vatican, le cardinal Lourdusarny. En quelques secondes, l’annonce enregistrée fut transmise à toutes les radios et holovisions du monde grouillant de Pacem. Avec sa population d’un milliard et demi d’âmes, rien que des chrétiens régénérés portant le cruciforme, la plupart employés par le Vatican ou l’énorme bureaucratie civile, militaire et marchande de la Pax, la planète fit une pause afin de l’écouter avec intérêt. Avant même la déclaration officielle, une douzaine de nouveaux astronefs de classe-archange avaient quitté leurs bases orbitales et s’étaient translatés dans la petite sphère humaine de ce bras de la galaxie, leur propulsion presque instantanée tuant aussitôt leurs équipages ; mais ils n’en transportaient pas moins leur message de la mort du pape bien en sécurité dans les ordinateurs et les transpondeurs codés à destination des soixante plus importants systèmes solaires et mondes archidiocésains. Ces courriers archanges ramèneraient à Pacern quelques-uns des cardinaux juste à temps pour l’élection, mais la plupart des membres du conclave préféreraient demeurer sur leurs planètes - évitant ainsi la mort, malgré la promesse certaine de résurrection - et se contenteraient, pour élire le prochain pontife suprême, d’expédier leurs cachets holos codés interactifs et leur eligo.

Quatre-vingt-cinq autres vaisseaux de classe-Hawking, en majorité des vaisseaux-torches à haute accélération, se préparèrent à filer à des vitesses relativistes, puis à se mettre en configuration de saut ; leur voyage durerait des jours ou des mois, leur déficit de temps relatif s’étageant de quelques semaines à plusieurs années. Ces vaisseaux attendraient dans l’espace de Pacem les quinze à vingts jours standard que durerait l’élection du nouveau pape, puis transmettraient la nouvelle aux cent trente systèmes moins importants de la Pax où des archevêques veillaient sur d’autres milliards de fidèles. Ces mondes archidiocésains devraient à leur tour envoyer la nouvelle de la mort, de la résurrection et de la réélection du pape, aux systèmes inférieurs, aux mondes lointains et aux myriades de colonies des Confins. Une dernière flotte de plus de deux cents courriers-drones sans équipage humain, tirée des réserves de l’immense base astéroïde de la Pax, dans le Système de Pacem, leurs puces de stockage prêtes à enregistrer l’annonce officielle de la résurrection et de la réélection du pape Jules, accélérerait alors dans l’espace de Hawking pour porter la nouvelle aux éléments de la Flotte engagés dans des patrouilles ou des combats avec les Extros, le long du Grand Mur, sphère défensive située bien au-delà des frontières de l’espace de la Pax.

Le pape Jules avait déjà huit fois connu la mort. Son coeur était faible, mais le pontife ne permettait pas qu’on le répare, soit par la chirurgie, soit par la nanoplastie. Il soutenait qu’un pape devait s’en tenir à la durée naturelle de sa vie et qu’après sa mort on devait élire un nouveau pontife. Le fait qu’il ait été réélu huit fois ne le faisait pas changer d’opinion. Tandis qu’on apprêtait le corps du pape Jules pour la veillée mortuaire officielle, après laquelle il serait transporté dans sa propre chapelle de résurrection, derrière Saint-Pierre, les cardinaux et leurs représentants se préparaient à l’élection.

La chapelle Sixtine, où, dans moins de trois semaines, aurait lieu le vote, fut fermée aux touristes. On y apporta d’anciennes stalles coiffées d’un dais pour les quatre-vingt-trois cardinaux qui viendraient en personne, et l’on mit en place les projecteurs d’holographie et les connexions de transfert interactif de données pour ceux qui voteraient par intérim. La table des scrutateurs fut dressée devant le grand autel de la chapelle. On y disposa soigneusement des petits cartons, des aiguilles, du fil, un récipient, des linges et d’autres objets que l’on recouvrit d’une nappe en lin. La table des infirmiers et des réviseurs fut installée de l’autre côté de l’autel. On ferma, verrouilla et scella les grandes portes de la chapelle Sixtine. Les Gardes Suisses en armure de guerre, pourvus d’armes énergétiques high-tech, s’y postèrent ainsi qu’aux portails blindés de l’annexe de résurrection papale de Saint-Pierre.

Selon un protocole ancien, l’élection devait avoir lieu dans plus de quinze jours et moins de vingt. Les cardinaux qui résidaient en permanence à Pacem ou à trois semaines de déficit de temps annulèrent leur ordre du jour habituel et prirent leurs dispositions pour assister au conclave. Tout le reste était prêt.


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