Terreur

SIMMONS Dan

Article publié le vendredi 31 octobre 2008 par Philémont

Quatrième de couverture

1845. Vétéran de l’exploration polaire, Sir John Franklin se déclare certain de percer le mystère du passage du Nord-Ouest. Mais l’équipée, mal préparée, tourne court ; le Grand Nord referme ses glaces sur Erebus et Terror, les deux navires de la Marine royale anglaise commandés par Sir John. Tenaillés par le froid et la faim, les cent vingt-neuf hommes de l’expédition se retrouvent pris au piège des ténèbres arctiques. L’équipage est, en outre, en butte aux assauts d’une sorte d’ours polaire à l’aspect prodigieux, qui transforme la vie à bord en cauchemar éveillé. Quel lien unit cette « chose des glaces » à Lady Silence, jeune Inuit à la langue coupée et passagère clandestine du Terror ? Serait-il possible que l’étrange créature ait une influence sur les épouvantables conditions climatiques rencontrées par l’expédition ? Le capitaine Crozier, promu commandant en chef dans des circonstances tragiques, parviendra-t-il à réprimer la mutinerie qui couve ? Désigné comme l’un des dix meilleurs livres de l’année 2007 par Entertainment Weekly et USA Today, Terreur arrive enfin en France. S’inspirant d’une histoire authentique — celle de l’expédition Franklin, qui passionna l’Angleterre victorienne — , Dan Simmons livre un roman sombre et grandiose, d’une intensité dramatique et d’un souffle exceptionnels.

Maître incontesté de la science-fiction depuis la parution des quatre romans du cycle des Cantos d’Hypérion et du diptyque Ilium/Olympos, Dan Simmons est également l’auteur de romans d’horreur et de romans fantastiques, tels que L’Échiquier du Mal.

L’avis de Philémont

Le 19 mai 1845, deux navires de la Royal Navy appareillent depuis l’Angleterre : le HMS Erebus, commandé par le capitaine John Franklin, et le HMS Terror, commandé par le capitaine Francis Crozier ; l’objectif de l’expédition est la découverte du mythique passage du Nord-Ouest. Mais les deux navires, et les 129 hommes de leur équipage, vus pour la dernière fois le 26 juillet 1845 dans la baie de Baffin, ne reviendront jamais en Angleterre.

C’est en 1847 que l’Angleterre commence à s’inquiéter. Entre cette année et 1859 une trentaine d’expéditions sont lancées à la recherche de l’Erebus et du Terror. Les témoignages des Inuits, les restes matériels et humains, éparpillés sur plus de deux cent cinquante kilomètres, et enfin la découverte des notes des officiers de l’expédition permettent alors de reconstituer les faits. Parmi ces derniers il est établi que le capitaine John Franklin décède le 11 juin 1847 alors que les deux navires sont bloqués par les glaces par 70° 05’ de latitude Nord et 98° 23’ de longitude Ouest depuis le 12 septembre 1846. La banquise ne libérant pas les bateaux, le capitaine Francis Crozier décide de les abandonner le 22 avril 1848 et lance l’équipage survivant dans une longue marche vers le sud. Celle-ci dure vraisemblablement jusqu’au printemps 1850, les hommes mourant les uns après les autres.

C’est cette tragédie que Dan SIMMONS nous raconte dans Terreur. Il le fait en romançant à partir des quelques découvertes post mortem que l’on vient de citer, notamment les témoignages écrits des capitaines Franklin et Crozier. Si, de ce fait, le récit est parfaitement factuel, l’auteur s’attache également à la psychologie des personnages, chaque chapitre étant alternativement consacré à un personnage différent. Il en profite alors pour raconter l’histoire de ces hommes, leur situation présente les amenant à se remémorer leur vie passée. SIMMONS joue également avec la situation géographique et la chronologie du roman ; non linéaires dans son premier tiers, elles le deviennent ensuite pour progressivement se faire plus floue. De cette façon il fait progresser jusqu’à l’horreur l’angoisse qui ressort de la situation de l’expédition tout en nous enseignant sur la vie des marins anglais dans la première moitié du XIXème siècle.

Dan SIMMONS reprend aussi les explications aujourd’hui avancées pour expliquer la tragédie. Ce sont les cartes utilisées qui étaient erronées et qui ont conduit l’Erebus et le Terror à se retrouver prisonniers de la banquise. C’est le mauvais équipement des marins, notamment vestimentaire, la superposition de vêtements en laine et en coton et les bottes en cuir étant peu efficaces contre les froids extrêmes. Ce sont encore les boîtes de conserve stockées qui, du fait de leur fermeture étanche par soudure au plomb, auraient provoquées du saturnisme. Mais l’auteur y ajoute un élément supplémentaire, qui lui est propre, et qui relève du fantastique.

C’est cette énorme chose, cette créature d’une blancheur immaculée, qui surgit sans prévenir pour disparaître aussitôt non sans avoir déchiqueté préalablement quelques hommes. Qui est-elle ? N’est-elle pas liée à la présence de Lady Silence, cette jeune inuit dont la langue a été arrachée lors de sa prime jeunesse et qui accompagne de loin l’expédition, tout en semblant bien mieux s’en tirer que les marins ? On ne le saura que dans les toutes dernières pages du roman, le lecteur ne pouvant faire jusque-là que des suppositions et prendre cette chose pour ce qu’elle est avant tout, une allégorie de la terreur suscitée par la banquise lorsqu’on ne la maîtrise pas, et que l’on ne peut de toute façon jamais maîtriser complètement. Hommage est alors rendu aux Inuits, le Vrai Peuple, seul capable de vivre en harmonie avec la banquise, sa cosmogonie en témoignant ; c’est aussi un hommage au Moby Dick de MELVILLE, notamment quand ce dernier disserte sur la terreur inhérente à la couleur blanche, et qui ouvre d’ailleurs le roman de SIMMONS.

L’élément purement imaginaire est donc utilisé avec subtilité. Comme l’auteur est par ailleurs parfaitement documenté sur l’histoire de l’expédition, et que l’on sait depuis longtemps qu’il est un formidable conteur, cela fait de Terreur un roman terriblement efficace à la lecture duquel le lecteur ne s’ennuie pas une seconde. Au contraire, on pourrait regretter qu’il ne comble pas tous les trous de l’Histoire, mais il vaut franchement mieux considérer qu’il a parfaitement dosé et rythmé son oeuvre et qu’il a produit là un modèle du genre, et même l’un de ses tous meilleurs romans.


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