Le royaume blessé

KLOETZER Laurent

Article publié le vendredi 14 mai 2010 par Philémont

Quatrième de couverture

« Ecoutez ! Allander Ap’Callaghan est mort ! Le rassembleur des clans a rejoint les brumes dont on ne revient pas ! Il n’est resté qu’un seul héritier pour toutes ses conquêtes, son frère Eylir caché dès le plus jeune âge par sa mère dans le palais des Atlans. Mais on ne peut grandir dans l’ombre d’un géant sans être soi-même poussé un jour sur les chemins de gloire. Voici l’histoire d’Eylir Ap’Callaghan, aventurier, bandit, soldat de fortune, mendiant et roi. Voici l’histoire de l’homme qui a posé sur sa tête la couronne du Roi des Rois, a atteint le bord du monde et a réussi à faire trembler l’orgueilleuse Atlantys. Voici le portrait de l’homme qui a osé réclamé pour lui le royaume blessé. »

Fresque guerrière, quête aux accents picaresques, sincère hommage aux maîtres fondateurs de l’épopée fantastique — Robert E. Howard, Fritz Leiber et J.R.R. Tolkien -, Le Royaume blessé nous invite à découvrir un monde écartelé entre Moyen Âge barbare et Renaissance fantasmée, un univers sensuel et dangereux sur lequel plane le souvenir d’une conquête brisée.

Laurent Kloetzer, né en 1975, a précédemment publié deux romans de fantasy — Mémoire vagabonde, La Voie du Cygne — , ainsi qu’un recueil de nouvelles de science-fiction, Réminiscences 2012.

L’avis de Philémont

L’Empire Atlan règne en maître sur l’Occident, tel le géant repu qu’il est devenu. A l’Est une mosaïque de peuples barbares se dispute le Haut Royaume Kelte. Ce dernier, rarement uni, a toutefois connu quelques héros fédérateurs, comme Allander Ap’Callaghan qui, à l’image d’Alexandre le Grand, est parvenu à conquérir l’intégralité du monde oriental connu, jusqu’au bord du monde. Mais il meurt lui-aussi, et son Empire se délite pour revenir bien vite à sa situation d’origine. Ne reste alors que les souvenirs, les déceptions et les espoirs dans les esprits de ceux qui ont connu le héros. Parmi eux, il y a Eylir Ap’Callaghan, son demi-frère, dont la destinée est aussi épique que mystérieuse.

Le royaume blessé de Laurent KLOETZER lui est consacré. On pourrait donc penser que le roman est une banale fantasy guerrière comme on a l’occasion d’en lire régulièrement. Ce n’est pas du tout le cas dans la mesure où le récit est bien plus subtil que cela grâce à un mode narratif original, celui du chroniqueur. En outre celui-ci n’a jamais rencontré Eylir Ap’Callaghan et a juste entendu parler de son histoire au détour d’une taverne. Véritablement subjugué par ce récit aux allures de conte, il va remonter la piste du héros en rencontrant tour à tour ceux qui l’ont connu, et en transcrivant leurs propos. Ainsi, l’histoire d’Eylir est-elle racontée d’une multitude de points de vue, la synthèse étant réalisée par une tierce personne qui, à quelques années de distance, vit elle-même sa propre vie. C’est alors l’occasion de découvrir des personnages hauts en couleurs dans un univers dual, médiéval pour le Haut Royaume Kelte, de type Pré-Renaissance pour l’Empire Atlan.

C’est par ailleurs servi par une très belle plume, KLOETZER sachant parfaitement adapter son style à la personnalité de ses multiples personnages. Ce faisant il va et vient sans cesse entre l’histoire avérée, la fresque épique et la légende, donnant à son récit un souffle aussi époustouflant qu’émouvant. Car l’auteur aime manifestement ses personnages, et sait nous les faire aimer avec lui, y compris le barbare Eylir Ap’Callaghan dont la quête de gloire, qui semble vouée à l’échec tout au long du récit, se transforme au fil de ses aventures en une quête intérieure bien plus profonde.

Le roman se veut aussi un hommage aux maîtres du genre que sont TOLKIEN, LEIBER et HOWARD. Non seulement Laurent KLOETZER baptise trois de ses personnages secondaires du second prénom de ces auteurs, mais on retrouve aussi dans le personnage d’Eylir les caractéristiques de certains des héros mythiques à qui ils ont donné vie, en faisant ainsi une synthèse complexe et crédible. Ce sont celles du roi sans couronne Aragorn qui parcourt l’Empire tel un rôdeur ; ce sont également celles de Fafhrd pour sa brutalité, son esprit d’aventure et son humanité ; ce sont enfin celles de Conan avec sa destinée contrastée de roi et de guerrier de fortune.

Enfin KLOETZER structure parfaitement son intrigue et captive de bout en bout le lecteur avide de connaître les destinées de ses personnages. Parmi les principales, celle d’Eylir Ap’Callaghan est certes attendue mais néanmoins touchante de par sa dimension tragique, celle du chroniqueur, plus mystérieuse, frappe pour sa complexité dans sa relation au héros. D’ailleurs, c’est dans le dernier tiers du roman, quand les deux personnages se rejoignent, que le roman se fait un peu plus confus et la lecture plus difficile.

Ni ce bémol, ni le manque d’originalité de l’argument principal du roman ne peuvent remettre en cause les immenses qualités stylistiques de l’oeuvre de Laurent KLOETZER. En rendant hommage aux grands classiques de la fantasy, il expurge le genre de tous ses éléments non indispensables (pas de bestiaire traditionnel, pas de héros surhumain…) pour n’en retirer que la quintessence. C’est pourquoi il faut désormais compter Le royaume blessé parmi le meilleur de la fantasy, et pas seulement d’un point de vue franco-français.


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