Le Monde de l’Exil (Rédemption-1) T3 - Cycle de l’élévation

BRIN David

Article publié le lundi 24 décembre 2007 par Cyrallen

Quatrième de couverture :

Né en 1950, en Californie, David Brin est professeur de physique à l’université de San Diego. Grand espoir de la nouvelle S-F, il a obtenu les prix Nebula et Hugo pour Marée stellaire (J’ai lu, n°1981), le prix Hugo pour Elévation (J’ai lu, n°2552 et 2553). Avec Rédemption (Le monde de l’exil et Le monde de l’oubli), voici le premier volet d’une nouvelle trilogie qui leur fait suite.

Jijo… Planète autrefois habitée par les énigmatiques Buyurs … Dans leur incommensurable sagesse, les Grands Galactiques l’ont laissée en friche pour permettre à sa flore et à sa faune de se régénérer.

Au fil des millénaires, divers groupes d’exilés sont venus s’y réfugier en secret. On y trouve des humains, mais aussi des hoons (géants couverts d’écailles), des urs (petits centaures à trois yeux), des qheuens (sortes de crabes à cinq pattes), et des g’keks, et des traekis…
Après s’être longuement affrontés, tous cohabitent pacifiquement.

Une seule ombre au tableau : ils sont afffigés d’un terrible complexe de culpabilité, car leurs ancêtres sont venus « polluer » Jijo.

Voilà pourquoi ils jouent à fond la carte de l’écologie, en attendant le jour où les Grands Galactiques les découvriront et les puniront pour les péchés de leurs pères.

Voilà pourquoi ils s’efforcent de suivre « la Voie de la Rédemption »…

L’avis de Jean-Marc Suzzoni :

Rédemption : Jijo, un monde abandonné et recolonisé

La planète Jijo fut autrefois habitée par la race des Buyurs. Comme certains Grands Galactiques au déclin de leur existence, les Buyurs ont abandonné ce monde pour qu’il puisse se régénérer. C’est du moins ce que croient divers groupes d’immigrants clandestins (de races diverses) venus s’y réfugier. Après des guerres raciales et tribales, une grande paix consensuelle s’est installée au fil des siècles.

Maintenant les 6 communautés cohabitent plutôt bien. Les races présentes sur Jijo sont : les hoons (des géants humanoïdes écailleux) ; les urs (des centaures à trois yeux, au dimorphisme sexuel très marqué : grandes femelles guerrières et petits males serviteurs) ; les g’KeKs (de grandes crevettes hermaphrodites à roulettes !) ; les traekis (des empilements d’anneaux pouvant être se rendre indépendants et pourvus de divers pseudopodes, bouches et d’organes distillateurs de produits chimiques) ; les qheuens (des crabes de couleurs variées à symétrie pentaradiée) et les humains.

Les Six vivent en petites communautés interraciales principalement dans un secteur réduit et géologiquement très instable (très volcanique et très sismique) d’un des continents de Jijo nommé La Pente (une version romancée de la Californie sans aucun doute).

L’installation dans ce secteur dangereux, le fait que les communautés les plus grandes soient camouflées pour éviter les observations aériennes et l’existence de l’étrange profession des Exploseurs (des dynamiteurs !) tient au complexe de culpabilité que cette société isolée (les vaisseaux spatiaux ont été sabordés) a développée : les ancêtres des habitants actuels ont "envahi" Jijo et l’ont "polluée". Il faut donc tout faire pour être discret et abîmer le moins possible la planète : les aciers sont conçus pour s’oxyder facilement ; les papiers pour être bio-dégradables ; les déchets sont jetés dans une vallée sous-marine géodynamiquement active : le Rift ; les ouvrages d’arts sont toujours prêts à être dynamités, etc …

Quand les Grands Galactiques (lesquels ?) reviendront sans aucun doute sur Jijo (quand ?), il ne fait pas de doute aux sages des six races qu’ils seront jugés (et punis !) pour les péchés de leurs ancêtres. Une sorte de civilisation archaïsante style "new-age", écologique, messianique et apocalyptique s’est ainsi développée sur Jijo. Elle n’est toutefois pas non-violente, montrant ainsi son côté intolérant pour les opposants aux traditions : les squatters, c’est à dire les colons qui n’habitent pas La Pente, sont impitoyablement (et cruellement) exécutés s’ils sont pris.

Bien sûr, le roman raconte l’intrusion sur Jijo d’explorateurs stellaires.

Moins Space opera que Marée stellaire, et sans doute un peu plus science fantasy qu’Élévation, Rédemption est un roman digne de Jack Vance. On y trouve en effet l’opposition (classique chez ce dernier auteur) entre, d’une part, une planète et sa société archaïque et, d’autre part, un cadre plus vaste de civilisation intergalactique : la sagaie et le désintégrateur, la carriole et l’astronef !

Si le cadre est vancien, le thème l’est aussi : la civilisation des Six, paranoïaque et rédemptrice, créée sur Jijo est à l’agonie dès qu’un intrus s’y introduit. En dépit de la soumission de façade aux traditions et à la philosophie réductrices développées au fil des siècles, des "hérétiques" se déclarent : humains ou non-humains, ils veulent simplement vivre sur ce monde, sans avoir à se poser trop de problèmes pour plus tard, avec optimisme, par rapport au pessimisme ambiant.

Comme chez Vance, aussi le dépaysement est aussi au rendez-vous : animaux étranges et créatures mystérieuses pullulent : noors, glavieux, araignées muls…

De plus la similitude se retrouve aussi en partie dans l’écriture. On trouve ainsi, entre les chapitres, divers textes de traditions et légendes de la planète Jijo : ici il ne s’agit pas des extraits de La vie du Baron Bodissey, mais des Réflexions sur les Six, Presses d’Ovoom, Année d’Exil 1915 ; ou bien de poèmes ; ou encore des textes d’un traeki mystérieux : ASX !

Enfin, l’humour et les petites plaisanteries d’initiés ne sont pas absents : les non-humains dissertant sur la littérature terrienne Le Château de Lord Valentin, Moby Dick, Simbad le Marin… Ou les noms des races : traekis ou trekkis ? Ou encore la technique pour faire des "photocopies" biodégradables…

Toutefois, (et heureusement) c’est dans le style et dans la description des personnages que David Brin brille et dépasse de beaucoup son illustre prédécesseur.

On n’a pas affaire ici à un unique héros "positif", monomaniaque et sûr de lui, tel Adam Reith de Tschaï ou Kirth Gersen des Princes Démons accompagnés d’une foule de faire-valoir pittoresques. Au contraire, ici, David Brin nous croque une jolie ribambelle de personnages très finement et très psychologiquement bien décrits, les non-humains y compris (extrapolés de certains Californiens…).

L’histoire de Marée Stellaire et celle d’Élévation était déjà présentée de façon éclatée. Il en est de même ici. Chaque chapitre montre la crise du point de vue d’un personnage ou d’un groupe de personnages. Tous ne réagissent pas de la même façon à l’apparition des intrus sur Jijo. Bien des auteurs se sont essayé à une telle technique d’écriture. Beaucoup s’y sont cassé les dents. Pas David Brin qui maîtrise ici parfaitement cette façon d’écrire.


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