Marée Stellaire T1 - Cycle de l’élévation

BRIN David

Article publié le lundi 24 décembre 2007 par Cyrallen

Quatrième de couverture :

Il a fallu à la Terre des siècles pour rompre son isolement galactique et des siècles encore de manipulations génétiques pour que le Streaker, vaisseau d’exploration, dispose de l’équipage essentiel à sa mission : sept Terriens de haute expérience spatiale, un étonnant néo-chimpanzé et des dauphins rompus à la technique et au langage.

Aussi, quand une avarie force le Streaker à faire halte, le commandant choisit-il Kithrup, un monde nautique où les dauphins peuvent agir aussitôt. Tous, en effet, savent que des Flottes galactiques, venues de planètes rivales, veulent s’emparer du vaisseau.

C’est que le Streaker, lors d’une étonnante découverte, a fourni à ses banques de données un savoir secret qui peut ébranler la cohésion de l’univers…

L’avis de Jean-Marc Suzzoni :

Jusqu’à aujourd’hui je vous ai présenté des romans magnifiques (certes), des chefs d’œuvres (j’en conviens !), avec du souffle (nécessaire, sinon on s’ennuie) et un style agréable (a que, il vaut mieux que ça soit bien écrit…). Cette fois-ci, pourtant il va falloir s’accrocher car David Brin a un sacré coup de plume. J’avoue humblement avoir, une première fois, tenté de lire Marée Stellaire quand il est sorti en VF, et l’avoir abandonné après dix pages… Je l’ai repris six mois plus tard, car il faut toujours laisser une deuxième chance à un auteur, et je ne regrette pas d’avoir été emporté par une formidable Marée Stellaire.

L’auteur :

Il est professeur de physique dans une université américaine (San Diego).

Les oeuvres de David Brin qu’on peut rattacher au Cycle de l’Élévation : pour le moment je ne connais que 6 romans se situant dans l’univers des Cinq Galaxies. Le terme de trilogie est sans doute un peu exagéré pour les 3 premiers romans, car ils n’ont guère de rapports en commun, sinon qu’ils tournent tous autour de la montée en puissance de la civilisation terrienne après la découverte de la « Flotte abandonnée » par le Streaker.

Les Cinq Galaxies :

Dans cet univers (galactique, mais à l’organisation politique néo-féodale), les races des divers mondes habités se divisent en races patronnes ou suzeraines (Les Soros, les Tandus, les Thennanins, les Grubus, les Frères de la Nuit, les Jophurs, les Xatinnis, les J’8leks sont parmi les plus puissantes) et en races clientes ou vassales.

Les premières, qui ont déjà maîtrisé le voyage intergalactique, usent du processus de l’Élévation sur les secondes (à grand renfort de mutations génétiques provoquées !) afin qu’elles acquièrent à leur tour la sapience et la maîtrise de l’espace.

En paiement de cette faveur, chèrement acquise parfois, les races clientes travaillent gratuitement pour leurs bienfaitrices ( !?) durant des millénaires, avant de devenir races patronnes à leur tour en développant l’intelligence chez de nouveaux vassaux. Il se crée ainsi de véritables réseaux d’influence dans les Cinq Galaxies, que les Instituts de l’Élévation, sorte d’ONU galactique, contribuent parfois, mais rarement, à policer…

Dans les Cinq Galaxies, si on y met les formes, si on respecte les règles du jeu (rarement connues des Terriens, très jeune chiens dans le jeu de quilles…) on peut quasiment tout faire. C’est en effet une société sub-féodale qui s’est établie sur l’univers connu, et on y pratique plutôt la politique de la canonnière. Et celles des ET ou Eates (de "to eat") les plus agressifs sont redoutables.

Outre la propulsion interstellaire et inter-galactique, les races patronnes possèdent un système de banques de données universelles : La Grande Bibliothèque Galactique, auquel les Terriens ont un accès (limité !). En effet, pour la plupart des Galactiques, les Terriens sont des "Jeunes-loups" méprisables car ils sont passés directement au vol cosmique sans aide, et pire, ils ont "élevé" 3 races de leur planète : les Chimpanzés, les Dauphins et les Gorilles…

Critique de Marée Stellaire :

Le Vaisseau spatial Streaker, gravement avarié, repose sur le fond d’un plateau océanique de la planète marine Kithrup. Son équipage, 142 néo-dauphins, 7 humains et 1 néo-chimpanzé, tentent de réparer leur engin pour fuir vers la Terre, car ils veulent échapper à la meute d’escadres extraterrestres rivales qui depuis une récente embuscade tentent de s’emparer de la nef terrestro-delphinienne…

Arrivés récemment, et par leurs propres moyens, à l’âge intergalactique, les Terriens et les deux races qu’ils ont élevées à la sapience (Ndt : à l’intelligence !) ont mis au point un vaisseau spatial d’exploration expérimental, dans le but de tester la capacité de leurs protégés néo-delphiniens à être des navigateurs spatiaux indépendants. Cette politique altruiste est une des erreurs que les vieilles races galactiques les plus conservatrices ne peuvent supporter.
Autour du Streaker tourbillonnent les puissantes flottes des Soros, des Tandus, des Thennanins, des Grubus, des Frères de la Nuit, des Jophurs, des Xatinnis, des J’8leks… Et les Terriens ne peuvent guère compter sur leurs rares alliés Tymbrinis ou Synthians, car ceux-ci sont peu puissants et de toute façon pas présents autour de Kithrup…

Le deuxième fait qui pousse tous les ET à vouloir capturer l’équipage expérimental du Streaker, c’est que celui-ci a découvert, et annoncé inconsidérément, l’existence d’un puissant artéfact galactique, un immense cimetière de gigantesques vaisseaux spatiaux. Peut-être la flotte des Progéniteurs, une de ces mythiques races sapientes qui ont autrefois régné sur les Cinq Galaxies avant de se retirer. Les coordonnées de cette flotte sont dans les banques de données du Streaker et chaque dirigeant ET la convoite pour la plus grande gloire de sa race…

Marée stellaire est donc un Space Opera par son thème, et par le développement de l’intrigue générale, mais pas dans le développement des multiples intrigues secondaires, ni dans le style. Ce qui fait de ce livre un des plus complexes et des plus difficiles à lire parmi les romans récents de SF. Cela tient en partie à la technique d’écriture de l’auteur, laquelle est très cinématographique. On saute ainsi de personnages en personnages, de situation géographique en vaisseau spatial, dont le nom est donné par le titre du chapitre. C’est une astuce de style fréquemment employée par les auteurs, mais là, elle est magnifiquement bien utilisée, car le style d’écriture est adapté à la situation et aux personnages. Ainsi, un midship humain ; un officier néo-delphinien de l’espèce Tursiop amicus ; un matelot néo-delphinien pourvu de gênes Sténo ; un Synthian ; une Matriarche Soros, ou un ordinateur intelligent des Tymbrinis ne s’expriment pas de la même façon, n’ont pas les mêmes modes de pensée, ni les mêmes objectifs. C’est cela qui est superbement réalisé, mais qui est difficile à appréhender.

L’auteur a, en particulier, créé les trois langages utilisés par les néo-dauphins : le Primal (animal), l’Anglique (anglais technique modifié) et le Ternaire (langage poétique assez semblable aux haïkaïs japonais). C’est une parfaite réussite, mais cela risque de surprendre le lecteur de SF pour qui le Space Opera, c’est la Saga de Perry Rhodan… D’autant que David Brin n’utilise guère le discours explicatif du "Professeur Schmoldu" à chaque nouveau gadget imaginé. Et Ifni sait s’il y en a…

Un des plus beaux gags est l’idée des déplacements spatiaux "probabilistes" et des résultats des combats que ce type de déplacements impliquent… L’auteur est un scientifique, un scientifique qui sait écrire, mais qui cultive aussi intelligemment toute la partie romanesque et psychologique de ce livre foisonnant d’idées et de trouvailles. Ainsi, si les aperçus écologiques, géologiques, nécessaires à la trame du récit, passent comme une lettre à la poste (mieux que certains cours professoraux dans certaines universités…), la grande réussite de ce roman est l’extraordinaire création des personnages extra-humains… Marée Stellaire est un chef d’œuvre qui renouvelle totalement le genre Space Opera…


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