Le réveil des magiciens (T1 La Saga des Derynis)

KURTZ Katherine

Article publié le samedi 29 décembre 2007 par Cyrallen

Quatrième de couverture :

Dans l’excitation d’une chasse à courre, le roi Brion d’Haldane sent une main invisible lui broyer le cœur. En apparence, il a eu un malaise mortel. Mais quelqu’un, dans l’ombre, travaille à l’extinction de sa lignée, à la subversion de son royaume, à l’asservissement de son peuple. Kelson, le jeune fils du roi, se retrouve seul pour recueillir son héritage. Les assassins ont le champ libre : des couloirs secrets d’une citadelle de pierre aux cryptes enchâssées dans les sous-sols d’une cathédrale, ils vont tuer des innocents, violer des sépultures, évoquer des monstres… Jusqu’au réveil des Derynis, ces sorciers craints et haïs pour leurs pouvoirs magiques, pourchassés par l’Église, mais fidèles au roi et au royaume, et capables d’aller jusqu’à la mort pour défendre leurs idéaux.

L’avis de Jean-Marc Suzzoni sur les Chroniques des Derynis :

J’aimerai attirer ici votre attention sur une saga médiévale et fantastique baignant dans un rare climat d’intrigues politiques, de persécutions religieuses, de magie et de mort…

"Beurk ! Encore de la Fantasy", dirons les râleurs qui n’aiment que la Hard-science pure et dure (celle de Hal Clement)…
"Beurk ! Encore du Médiéval", diront les fans de la Psy-Speculative-Fiction…
"Beurk ! Encore un auteur féminin", dirons les machos et autres misogynes de service…
"Ouais, encore de la Fantasy ! Et Médiévale ! Et écrite par une Femme…", répondra le pseudo-critique auteur de ces lignes. "Que voulez-vous, c’est la vie…"

L’auteur :

Katherine Kurtz est née en 1944 à Coral Gables en Floride durant un ouragan, ce qui lui fait dire dans divers articles biographiques que sa venue au monde s’est finalement réalisée sous de très favorables auspices. Après des études de chimie, un essai vers la médecine, elle obtint un Master of Arts en histoire médiévale anglaise à UCLA. Mais, avant de devenir écrivain professionnel, elle travaillera durant une douzaine d’années pour l’Académie de Police de Los Angeles…

Elle vit actuellement en Irlande dans un vieux manoir avec ses chats, son mari, l’écrivain et scénariste Scott McMillan et… deux fantômes. On sait aussi que, comme Marion Zimmer Bradley et Poul Anderson, elle est membre de la Société des Anachronismes Créatifs.

Outre la saga des Derynis, elle est l’auteur de diverses nouvelles et de 2 romans de Science Fantasy : Lammas Night (1983) et Legacy of Lehr (1986). Elle est aussi co-auteur avec Deborah Turner Harris de la série des "Adept" : une suite de 5 romans policiers baignant dans l’occultiste (bientôt 6). Plus récemment (1996) un roman Two Crowns for America, dont l’action est située durant la Guerre d’Indépendance Américaine, mêlant histoire réelle et "mystérieuse", franc-maçonnerie et "what-if", a favorablement attiré l’attention des critiques US.

L’œuvre :

Actuellement, nous avons à notre disposition en français 8 volumes, bientôt 9, de la saga des Derynis, et pour une fois Pocket fait traduire et édite les textes dans leur ordre d’écriture. Ceux-ci se répartissent en plusieurs trilogies :

Les Chroniques des Derynis :

- Le Réveil des Magiciens - (Deryni Rising, 1970)
- La Chasse aux Magiciens - (Derynis Checkmate, 1972)
- Le Triomphe des Magiciens - (High Deryni, 1973)

Les Légendes de Camber de Culdi :

- Roi de Folie - (Camber of Culdi, 1976)
- Roi de Douleur - (Saint Camber ,1979)
- Roi de Mort - (Camber the Heretic, 1981) (Lauréat du Balrog Award)

Les Chroniques du Roi Kelson :

- Le Bâtard de l’Évêque - (The Bishop’s Heir, 1984)
- La Justice du Roi - (The King’s Justice, 1985)
- La Quête de Saint Camber - (The Quest for Saint Camber, 1986)

Les Héritiers de Saint Camber :

- Le Calvaire de Gwynedd - (The Harrowing of Gwynedd, 1989)
- L’Année du Roi JavanKing - (Javan’s Year, 1992)
- Le Prince félon - (The Bastard Prince, 1994)

Le dernier roman deryni :

- Une femme pour le Roi - (King Kelson’s Bride ,1997)

En marge de la saga proprement dite, Katherine Kurtz a réalisé 2 anthologies deryni : The Deryni Archives (1986) et Deryni Magic (1991) et, avec Robert Réginald, un guide deryni : Codex Deryniux.

L’univers :

L’auteur a créé dans un premier temps un univers médiéval proche du XIVème siècle anglais, centré sur un royaume imaginaire, Gwynedd (d’après le nom d’un ancien royaume gallois…), et sur une dizaine de duchés ou de principautés (qui eux portent des noms irlandais ou écossais…) vassaux des rois de Gwynedd. Au sud et à l’est de ce royaume, au-delà d’un bras de mer, on trouve celui de Bremagne, et plus loin encore les royaumes désertiques des émirs de R’Kassi… Contrairement aux classiques et démesurés univers de fantasy, celui que nous propose Katherine Kurtz est singulièrement réduit (un peu trop peut être…)

Les rois de Gwynedd dirigent leur royaume avec le soutien de leurs féaux (rien de plus normal dans un univers médiéval) mais aussi avec le ferme appui d’une église monothéiste chrétienne, qui en a tous les caractères (avec parfois de subtiles modifications) : organisation séculière ou régulière, rites, objets liturgiques, architectures, symboles… Tous les caractères sauf un : tout ce qui tourne autour de la papauté est absent. Mais quoi de plus normal pour une spécialiste du Moyen Age anglais que de créer une Église Anglicane ?

Pas de pape, ni de cardinaux donc, mais des magiciens : les Derynis… Une très faible fraction de la population de cet univers possède des pouvoirs magiques innés, transmis par les femmes, ou acquis, transmis par les hommes (une petite base de la génétique derynie se trouve à la fin du 3ème volume de la première trilogie : Le Triomphe des Magiciens). Ayant tendance à l’endogamie, les Derynis sont peu nombreux. La méfiance des humains non-derynis, face à la magie, la haine latente induite par la hiérarchie religieuse, le souvenir des exactions de certains rois derynis usurpateurs du trône de Gwynedd, tous cela fait que les Derynis sont au mieux frappés d’ostracisme, au pire persécutés dans d’abominables massacres…

Les Intrigues, trilogie par trilogie :

Katherine Kurtz écrit ses romans par groupe de trois. De plus chaque trilogie se situe durant une période particulière du cycle. Si chaque roman peut à la rigueur se lire indépendamment, la conclusion finale d’une trilogie se trouve évidemment à la fin du troisième roman de chaque petit cycle. Il vaut donc mieux donc les lire dans l’ordre d’écriture.

Les Chroniques des Derynis (volumes 1, 2 et 3) :

Au cours d’une partie de chasse, Brion Haldane, le roi de Gwynedd, meurt d’une crise cardiaque, provoquée par une puissante magicienne derynie Charissa de Tolan. Le fils de Brion, Kelson, jeune homme de 14 ans, doit donc succéder à son père. Son premier ordre royal est de faire revenir à la cour de Rhemuth le général Alaric Morgan, le Duc de Corwyn, l’un des rares Derynis de Gwynedd qui ose afficher ses origines et ses pouvoirs. Morgan est en effet le seul conseiller de Brion qui sache comment transmettre à Kelson les pouvoirs magiques, considérés comme divins, innérants à la charge royale dans la dynastie des Haldanes.

Dans la période troublée qui s’ouvre, le jeune successeur de Brion devrait en avoir grand besoin : révoltes localisées, frondes ou complots de certains nobles, emprise croissante de la hiérarchie religieuse et surtout guerre probable avec Wencit de Torenth, un Haut Deryni, souverain d’un royaume oriental limitrophe.

Mais au Conseil de Régence, Jehana, la veuve de Brion, soutenue par plusieurs nobles et par des évêques conservateurs, veut faire condamner Morgan comme traître et hérétique, afin que son fils ne perde pas son âme en étant corrompu par la magie derynie…

Dans cette trilogie initiale, Katherine Kurtz nous fait découvrir son univers. Elle use peut-être de la simplicité en centrant l’intrigue sur un personnage adolescent dans le premier roman. Toutefois, rapidement, ce sont Alaric Morgan et Duncan McLeod (ce dernier est le confesseur du roi) qui prendront le plus d’importance dans les deux autres volumes. Suivant l’adage : "Meilleur est le méchant, meilleur est le film", l’auteur a aussi beaucoup travaillé ces importants personnages : les évêques Patrick Corrigan et Edmund Loris (surtout ce dernier) sont particulièrement réussis : intolérants, tortueux, violents, fourbes à souhait… Les responsables de la nouvelle chasse aux Derynis sont parfaits ; Wencit de Torenth et Charissa de Tolan devenant par comparaison presque fades.

Mon point de vue :

Bien qu’abondamment pourvus en divinités (souvent anciennes et maudites, à la Fritz Leiber ou à la Clark Ashton Smith…) les univers médiévaux fantastiques de la littérature de fantasy classique (je parle ici des romans antérieurs à la montée en puissance de la novélisation des univers des Jeux de Rôles comme TSR le fit pour DragonLance et les Royaumes Oubliés… par exemple) ont souvent eu un défaut : la composante ecclésiastique de ces mondes était rarement prise en compte. Ou si elle l’était, c’était souvent de façon ironique : Ka le terrifiant de L. Sprague de Camp, en est un bon exemple…

Les personnages principaux étaient rarement des prêtres ; les cérémonies religieuses guère évoquées, sinon pour la classique scène du sacrifice de la jeune vierge… Katherine Kurtz a, dès 1970, trouvé un angle d’approche différent pour sa fantasy médiévale : elle crée des personnages de religieux et un univers où la religion et ses à-côtés, tant cérémoniaux qu’éthiques, sont les moteurs des intrigues.

Le défaut principal que je trouve à cette saga concerne l’étroitesse de l’univers, sa géographie en fait et certains usages mal à propos des textes évangéliques liés à ce sujet. En effet si l’auteur veut utiliser le texte de la conversion de Saint Paul sur le Chemin de Damas…, il eut mieux valu pour la cohérence de l’œuvre que Damas et la Syrie existassent dans cet univers…

En dépit de cette critique qui tient au fait que l’auteur n’a pas assez travaillé la géographie de son univers avant d’écrire quoi que ce soit, comme tout bon auteur de fantasy qui se respecte, j’aime beaucoup, énormément même, l’œuvre de Katherine Kurtz.


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