Itinéraires nocturnes

POWERS Tim

Article publié le mercredi 22 août 2012 par Philémont

Quatrième de couverture

Mondialement connu pour ses romans tels que Les Voies d’Anubis, Le Poids de son regard et Les Puissances de l’invisible, Tim Powers a publié au cours de sa carrière une douzaine de nouvelles (dont trois en collaboration avec son ami de longue date James P. Blaylock). Des textes courts, tous au sommaire du présent ouvrage, sur lesquels l’influence de Philip K. Dick (dont Tim Powers fut un ami proche) est indéniable. On retrouve dans ces nouvelles les thèmes de prédilection de l’auteur : les fantômes, la poésie du XIXe siècle, l’alcool (qu’on n’appelle pas « spiritueux » par hasard), la mystique chrétienne, la nature de la réalité, les manipulations temporelles, l’immortalité. Lire cette facette de Tim Powers, son art de la miniature, c’est découvrir une Californie inquiétante, hantée par des forces occultes contre lesquelles il est presque toujours inutile de lutter, une Californie tissée de fantômes et de malédictions, dans laquelle temps et réalité dérapent volontiers, parfois au même carrefour ou quand souffle le Santa Ana, le vent du désert.

Né à Buffalo, État de New York, en 1952, Tim Powers a presque toujours vécu en Californie. Son dernier roman paru en France est À deux pas du néant (Denoël, 2008).

L’avis de Philémont

Tim POWERS est connu en France pour ses romans, beaucoup moins pour ses nouvelles. On en veut pour preuve cette intégrale de douze courts récits (à ce jour), dont dix sont totalement inédits dans notre pays.

Alors que dans ses romans POWERS touche à de multiples genres, dans le format court il demeure dans le fantastique, lorgnant vaguement vers la science fiction quand il s’intéresse au voyage spatio-temporel. De plus sa manière d’aborder ce genre lui est unique, se rapprochant plus d’une certaine forme de surréalisme que de l’horreur ou même de la terreur que le genre suscite souvent. On notera aussi que le quart des textes de ce recueil est écrit en collaboration avec James P. BLAYLOCK, ce dernier étant avec K. W. JETER et POWERS à l’origine du steampunk dans les années 1980.

On ne trouve cependant pas de steampunk dans Itinéraires nocturnes, mais douze récits d’ambiance très personnelle dont voici le sommaire détaillé (l’ouvrage s’achève par ailleurs par une bibliographie détaillée de l’auteur).

1) Vers le bas de la colline (The Way Down the Hill, 1982) est une nouvelle sur l’immortalité de l’âme versus l’immortalité du corps. C’est un texte plaisant mais relativement anodin.

2) Avec Turbulences (Night moves, 1986) le lecteur est plongé dans un surréalisme tournant autour de la résurgence de souvenirs consécutive à un phénomène météorologique. Il s’agit là d’une très jolie nouvelle, l’une des deux qui avait été préalablement publiée en France (Bifrost n° 50 de mai 2008).

3) La Better Boy (The Better Boy, 1991) est une farce autour d’un plant de tomate et de la perte d’un pantalon. Sympathique, sans plus, il s’agit de la première des trois nouvelles écrites en collaboration avec James P. BLAYLOCK.

4) Deuxième texte écrit en collaboration avec BLAYLOCK, Par longs chemins (We Traverse Afar, 1993) est une nouvelle sur le deuil, et plus précisément sur la fin du deuil à la veille de Noël. C’est pour le moins troublant, mais plutôt émouvant.

5) Où ils se cachent (Where They Are Hid, 1995) a pour thème le voyage temporel. Très dickien dans son traitement, le récit est tout autant troublant qu’intéressant. Rappelons au passage que POWERS et DICK étaient des amis intimes.

6) Avec Itinéraire (Itinerary, 1999), on a d’ailleurs un autre voyage spatio-temporel, et une autre référence dickienne tout aussi troublante. Il s’agit du second texte préalablement publié en France (dans l’anthologie 999 publiée en 1999 chez Albin Michel).

7) Au tréfonds de mon être (Through and Through, 2003) est une très belle nouvelle sur la maladie de Sachs vécue par un prêtre dans le cadre de ses confessions.

8) Nouvelle digne de La quatrième dimension, Cinquante cents (Fifty Cents, 2003) met en scène un conducteur qui fait d’étranges rencontres sur une route désertique. Elle a été écrite en collaboration avec James P. BLAYLOCK.

9) Pat Moore (Pat Moore, 2003) est une très étrange histoire de fantômes dont le propos est pour le moins obscur… Elle peut nécessiter plusieurs lectures, à moins que l’on passe totalement à côté.

10) A ce stade Le réparateur de bibles (The Bible Repairman, 2005) est probablement le meilleur texte du recueil. Son intrigue est axée sur un univers où il est possible de faire modifier la bible selon ses besoins, tandis que les spectres se font kidnapper pour obtenir une rançon. L’imaginaire est redoutable, la prose non dénuée de poésie.

11) Une âme dans une bouteille (A Soul in a Bottle, 2006) est une histoire d’amour entre un amateur de poésie et le fantôme d’une poétesse décédée trente ans plus tôt. C’est très beau et propice pour que la beauté de la prose de POWERS s’exprime pleinement.

12) L’heure de Babel (The Hour of Babel, 2008) entremêle deux époques sur un même lieu, un bar qui a bouleversé la vie de bien des personnes. Etrange…

Au final, l’impression qui ressort de la lecture du recueil Itinéraires nocturnes est mitigée. Certaines nouvelles sont tout simplement anodines, d’autres réellement obscures. En revanche, Tim POWERS sait mettre en place des ambiances originales, qui prennent d’ailleurs souvent le pas sur les intrigues, et qui sont mises en valeur par une très belle prose. Et bien sûr certains textes sortent du lot, comme Turbulences, Le réparateur de bibles et Une âme dans une bouteille.


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