Station Solaire

ESCHBACH Andreas

Article publié le vendredi 28 décembre 2007 par Cyrallen

Quatrième de couverture :

_2015. La station expérimentale Nippon orbite à quatre cents kilomètres de la Terre. Son rôle : étudier et développer les technologies de captage et de transmission de l’énergie solaire depuis l’espace. Le succès de la mission ouvrira de nouveaux espoirs à un monde qui dévore ses sources d’énergie.
Alors pourquoi des incidents à bord laissent-ils soupçonner qu’une entreprise de sabotage est à l’œuvre ?

Pire est la vérité : avec la découverte d’un premier meurtre débute le compte à rebours d’un plan diabolique dont on ne comprendra que trop tard l’objectif.
Neuf hommes et femmes en apesanteur dans le huis clos de la station solaire.
Un frileur magistral par l’auteur de Des milliards de tapis de cheveux.

L’avis de Cyrallen :

Si l’on retrouve l’écriture agréable d’Andreas Eschbach, et sa façon de manier ses personnages comme les rouages d’une énorme machine, Station Solaire n’en reste pas moins au-dessous de Des milliards de tapis de cheveux. Ne serait-ce que parce qu’il pourrait tout aussi bien s’agir d’un roman d’aventures placé dans des conditions particulières, à savoir le confinement de plusieurs personnes dans une station orbitale innovante et porteuse d’espoirs pour l’avenir de la Terre, le tout dans un futur proche au contexte géopolitique agité.

Si quelques imprévus de dernière minute viennent sans cesse relancer l’intérêt pour l’équipage du Nippon et l’utilisation potentiellement dangereuse de la station, certains passages n’apportent pas grand chose au récit, au contexte ou à la psychologie des personnages. Le véritable problème soulevé au cours du roman n’est pas assez exploité à mon avis, il pourrait davantage être extrapolé dans le futur par les personnages, ce qui offrirait une dimension supplémentaire aux forces en présence.

Donc, si vous voulez un bon roman d’aventures dans l’espace, avec combinaisons perfectionnées, traîtres et grands méchants, matériel informatique et électronique plus ou moins sophistiqués, couloirs et pièces minuscules et enfin ustensiles de cuisine pour chef cuistot en apesanteur, n’hésitez plus : c’est Station Solaire qu’il vous faut !

Extraits :

1- Au même moment, à Hawaii, le soleil jetait ses derniers feux. En regardant le ciel en direction du nord, on pouvait sans doute voir notre station pointer à l’horizon et percer le crépuscule, tel un point minuscule mais aisément identifiable à l’œil nu. Tout était prêt pour qu’on nous envoie un rayon laser, directement braqué sur notre émetteur d’énergie. Ce n’était plus qu’une question de secondes. L’énergie coulerait ensuite le long de ce rayon avant de rejoindre la Terre et d’être absorbée par une gigantesque grille de récupération de près d’un kilomètre carré qui tanguait dans les eaux du Pacifique, au nord de la petite île de Nihoa.
Normalement, ça marchait.

2- Je ne pus m’empêcher de penser à la première guerre du Golfe, à laquelle j’avais participé et que nous appelions simplement, à l’époque, la guerre du Golfe. La seconde, elle, faisait rage depuis plusieurs années, gigantesque incendie qui avait envahi tout le monde arabe, dévastait l’Afrique du Nord et serpentait depuis longtemps en direction de l’Europe et de la Russie. Cela faisait presque un an que les Djihadis s’étaient emparés de la ville sainte de La Mecque et, lorsque nous passions au-dessus de l’Arabie, j’avais parfois l’impression de voir un désert rouge de sang. Des images ressurgirent en moi : je me voyais encore, du haut de mes vingt et un ans, costaud, sûr de moi, décoller de la piste du porte-avions et partir larguer des bombes mortelles sur des cibles irakiennes données par ordinateur. L’ennemi n’avait pas l’ombre d’une chance, Dieu était à mes côtés. (…) Le guerre d’alors me semble aujourd’hui incarner l’ultime sursaut d’une époque désormais révolue. Lorsque j’étais petit, les choses étaient parfaitement simple. D’un côté les gentils Américains, de l’autre les méchants Russes. Une configuration inébranlable, inéluctable. Les plus forts, c’étaient nous, et ça tombait plutôt bien puisque, par chance, on était aussi les gentils. De temps à autre, on avait un peu peur de la bombe. Mais ça s’arrêtait là. Jusqu’au jour où l’Empire du Mal disparut. D’un coup, comme ça. Il éclata comme un bulle de savon, et dans les années qui suivirent on put réellement voir l’Amérique perdre elle aussi de sa splendeur, comme si sa propre puissance avait directement dépendu de celle de son adversaire. On jeta aux orties tout ce qui avait fait notre puissance, on organisa notre propre suicide.

3- Néanmoins, quand des légumes étaient au menu, j’avais besoin d’aide car, dans l’espace, ce type de préparation est tout sauf facile. Étape numéro un : découper. N’allez pas croire que les morceaux vont rester bien sagement alignés sur la planche comme ils le feraient sur Terre. A la moindre seconde d’inattention, ils se mettent à virevolter joyeusement autour du cuistot. On avait fait de nombreux essais avec tout un tas d’appareils compliqués, mais il était finalement apparu que la solution la plus facile consistait à travailler sur une planche en plastique humide. L’eau créant une adhérence, les morceaux restent collés en quantité suffisante et on peut ensuite tranquillement les glisser dans la casserole.
D’où, second problème intéressant : la casserole, justement. Bien entendu, inutile d’espérer utiliser une cocotte ordinaire, ne serait-ce que parce qu’on utilise pas non plus de cuisinière ordinaire. Un faitout s’envolerait, le couvercle s’ouvrirait sous la pression exercée par la vapeur, les aliments se détacheraient des parois et se transformeraient en un truc ressemblant vaguement à une grosse boule gluante. Bref : après la bataille, la cuisine aurait des allures de champ dévasté.

4- Mon regard tomba une fois de plus sur la mappemonde et je bus une autre gorgée. Si ce type de carte avait connu un succès aussi fulgurant, c’est sans doute parce qu’il rendait parfaitement compte des rapports de forces du vingt et unième siècle. Comparées à ce que j’avais connu dans mon enfance, les zones d’influence s’étaient radicalement déplacées. Le Pacifique constituait l’espace économique le pus important. Le Japon, largement en tête des nations industrialisées, occupait sur ce planisphère la place qui lui revenait de droit : celle du milieu. A ses côtés, la Corée, son concurrent direct. Et la Chine, gigantesque puissance économique - ne serait-ce que par sa masse - sur le point de donner le coup de grâce à la couche d’ozone de l’hémisphère nord par une campagne de mobilisation aussi obstinée qu’incompréhensible. L’australie. Et de l’autre côté du Pacifique, on trouvait les pays du littoral sud-américain, toujours à la traîne, et les États-Unis : Los Angeles, qui se remettait difficilement des conséquences des deux derniers grands séismes, et Seattle. Le reste du God’s Own Country était tombé entre les mains de fous religieux et de fanatiques qui se prenaient pour des ultra-écologistes, mais dont le principal soucis était de ruiner l’économie nationale en la ravalant au niveau de celle d’un pays en voie de développement. Seuls deux Américains sur trois étaient encore capables d’écrire autre chose que leur propre nom, et il était devenu illicite d’enseigner à l’école les théories de l’évolution de Darwin.
Quand à l’Europe, dont on avait redouté un temps la puissance que lui aurait donnée l’unification de son économie, elle avait précisément commis l’erreur de ne pas jouer cette carte. Elle s’était disloquée en une multitude de petits états et restait essentiellement focalisée sur ses propres problèmes. Quand les gens s’étaient rendus compte que l’union ne faisait pas le bonheur, un grand nombre de mini-conflits et d’obscures escarmouches avaient éclaté un peu partout, et, au final, l’Europe offrait au reste du monde l’image d’un hospice peuplé de vieillards séniles et querelleurs. Quand on demandait aux gens, dans les rues de Tokyo, de Séoul ou de Melbourne, ce qu’ils pensaient du vieux continent, on obtenait une réponse qui aurait pu tout aussi bien s’appliquer aux Aztèques ou aux Babyloniens : " Une civilisation grandiose… mais pourquoi diable a-t-elle sombré ? "
Au Proche-Orient et en Afrique du Nord, en revanche, le monde arabe était le théâtre des guerres de religion les plus démentielles que l’histoire avait jamais connues. (…)
Pour le reste… L’Afrique mourait du sida. Quant à la Russie, qualifier sa situation de chaotique aurait été insultant pour le chaos.


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