La symphonie des spectres

GARDNER John

Article publié le dimanche 16 décembre 2012 par Philémont

Quatrième de couverture

Peter Mickelsson, ancienne gloire de la philosophie américaine, professeur respecté, a de terribles problèmes d’argent : il en donne trop à sa femme, dont il est séparé, il en doit trop au fisc. Pour tout arranger, il vient de contracter un emprunt afin d’acheter une très vieille maison (qu’on dit hantée) dans les montagnes qui ont vu naître Joseph Smith, le père fondateur de la religion mormone.

Tout ça pourrait rentrer dans l’ordre si d’autres bizarreries ne commençaient à s’accumuler : un soir, Mickelsson est obligé de tuer un chien d’un coup de canne ; son nouveau foyer est cambriolé ; des camions circulent près de chez lui tous feux éteints ; une voiture verte semble le suivre et plusieurs de ses proches trouvent une fin tragique (suicide et accidents suspects).

Peter en est convaincu : quelqu’un lui en veut. Petit problème, les candidats sont trop nombreux : un de ses élèves ; un professeur jaloux ; l’agent du fisc tatillon qui le harcèle au téléphone ; Donnie, la prostituée qu’il fréquente ; un « ami » à elle ; une de nombreuses victimes de ses chèques en bois ; les mormons qui vivent à côté…

Brillante description du monde universitaire, suspense ultra-littéraire unique en son genre, La Symphonie des spectres évoque autant les meilleurs ouvrages de David Lodge que Le Pendule de Foucault d’Umberto Eco. C’est incontestablement le chef d’œuvre de John Gardner.

L’avis de Philémont

La symphonie des spectres est le dernier roman de John GARDNER publié de son vivant. Il met en scène Peter Mickelsson, un quarantenaire dont la jeunesse l’a consacré comme footballeur émérite et philosophe reconnu. Mais à l’aube des années quatre-vingt, même s’il est professeur titulaire à l’Université de Binghampton, ce passé glorieux est bien loin : sa femme l’a quitté, emportant avec elle leurs deux enfants ; la pension alimentaire qu’il lui verse est en outre si importante qu’il est au bord de la faillite, ne payant plus ses impôts depuis plusieurs années ; c’est en d’autres termes un terrain propice à la dépression et à l’alcoolisme, ce qui n’arrange pas sa créativité.

Mickelsson parvient toutefois à acheter une vieille ferme isolée dans les montagnes de Pennsylvanie. La distance par rapport à son lieu de travail est importante, mais ne plus avoir à payer de loyer et la certitude que l’isolement lui permettra de retrouver l’inspiration sont une compensation qui justifie amplement le sacrifice. Mais il s’avère aussi que sa nouvelle demeure est dotée de la réputation d’être hantée ; même si Mickelsson est suffisamment pragmatique pour ne pas prêter attention à ce genre de superstitions, les fantômes vont bel et bien progressivement faire leur apparition, comme en écho à ses démons personnels, donnant finalement un sens au titre du roman, en version originale comme dans sa traduction française.

La frontière entre réalité et imagination restera d’ailleurs floue tout au long du roman. Son propos est en effet avant tout la psychologie du personnage principal. Celle-ci se fait à grand renfort de références philosophiques, parmi lesquelles l’oeuvre de Friedrich Nietzsche occupe une bonne place. Rappelons ici que ce philosophe proposait dans la deuxième moitié du XIXème siècle une critique en règle de la culture occidentale moderne et de l’ensemble de ses valeurs morales, politiques, philosophiques et religieuses (« Dieu est mort ») ; à ce titre il a encore aujourd’hui une forte influence sur la philosophie contemporaine.

Mais que le lecteur en quête de divertissement se rassure, La symphonie des spectres n’est pas qu’une oeuvre philosophique. C’est également un véritable thriller dont l’intrigue se construit peu à peu autour des ennuis que Peter Mickelsson accumule. Avec elle l’attention du lecteur est captée dès les premières pages, et le demeure jusqu’à la dernière. L’immersion dans le monde universitaire américain n’est pas inintéressante non plus, sans oublier la part autobiographique du récit, très joliment mise en exergue par Fabrice COLIN dans la postface de l’ouvrage.

Finalement La symphonie des spectres est un roman aux multiples facettes qui se lit sans aucune difficulté tant la prose de John GARDNER est fluide et suffisamment universelle pour être comprise par tous, y compris dans ses passages les plus ardus. L’oeuvre est tout simplement brillante, ce qui justifie l’assertion de l’éditeur imprimée sur la couverture.


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