Grendel

GARDNER John

Article publié le lundi 21 février 2011 par Philémont

Quatrième de couverture

« Le Grendel de John Gardner est à la saga de Beowulf ce que l’Ulysse de James Joyce est à L’Odyssée d’Homère. Dans les deux cas, il s’agit d’une complète trahison. Cette violence faite au texte original n’est rendue possible que par une claire compréhension de l’œuvre, et se justifie par un impératif supérieur, celui de la création littéraire. Chez John Gardner, l’acte de réécriture se double d’une dette jamais acquittée à l’égard de son frère dont il est le meurtrier. » Xavier Mauméjean, extrait de la postface

Grendel, qui narre l’épopée de Beowulf du point de vue du monstre, s’est imposé en moins de quarante ans comme un des grands classiques de la fantasy anglo-saxonne. Court, brutal, d’un humour ravageur, ce conte philosophique frappe le lecteur avec la force d’une comète, dans l’éblouissement.

En 1945, alors âgé de douze ans, John Gardner écrase son frère avec un engin agricole, un accident qui le hantera toute sa vie. Brillant universitaire spécialiste de la littérature médiévale, critique acerbe, professeur d’écriture, traducteur, il se tue en mort en 1982, laissant derrière lui une oeuvre bouleversante, inclassable.

L’avis de Philémont

Beowulf est un poème épique considéré comme l’un des plus vieux témoignages de la littérature anglo-saxonne. L’époque de sa composition reste toutefois imprécise puisque datée entre le VIIème siècle et la fin du premier millénaire selon les sources. Écrit à destination d’un public de lettrés chrétiens, il s’inspire toutefois de la tradition orale anglo-saxonne et met en scène un puissant guerrier goth, qui donne son nom au poème, lequel est doté de bon nombre de vertus chrétiennes (fidélité, courage, sens de l’honneur, etc.). Le poème s’articule autour de trois combats de Beowulf, le premier d’entre eux étant celui qu’il mène contre Grendel, un monstre qui, chaque nuit depuis douze ans, dévore un guerrier du roi du Danemark, Hrothgar. Quand Beowulf fait étape dans sa cour il se porte volontaire pour tuer le monstre et n’y parvient qu’indirectement puisque Grendel ne meurt de sa blessure qu’après avoir fui dans le marécage qu’il occupe.

Spécialiste de la littérature médiévale, John GARDNER réécrit cette première partie de Beowulf en adoptant le point de vue du monstre et en jouant avec la multitude de références et symboles bibliques qui émaillent le texte original. Ce faisant, il fait porter à Grendel un regard sans concession sur les hommes et leur condition, lesquels n’étant finalement guère plus que des brutes avinées et vaniteuses. Pourtant Grendel aurait bien voulu vivre parmi les hommes, tout du moins à leurs côtés ; mais ceux-ci ne le voient pas, ne comprennent pas leurs différences, et ne veulent que détruire ce qui ne leur ressemble pas, ce qui conduit à la sanction que l’on connaît désormais.

Une telle réécriture nécessite bien entendu une connaissance pointue de l’oeuvre originale. C’est pourquoi le roman de GARDNER est particulièrement érudit et demande au lecteur un minimum de connaissances sur le poème s’il veut en appréhender toute la portée. Néanmoins, la prose de l’auteur est facile d’accès, notamment grâce à un ton plein d’humour noir et sardonique. A ce titre, la scène où Grendel prend la place d’une statue divine pour éprouver la foi du prêtre est véritablement excellente. Et puis il y a également une part autobiographique dans le roman de John GARDNER, laquelle est très bien analysée par Xavier MAUMEJEAN dans la postface qui clôt cette excellente réédition.


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