Notre île sombre

PRIEST Christopher

Article publié le samedi 24 mai 2014 par Philémont

Quatrième de couverture

Je suis sale. J’ai les cheveux desséchés, pleins de sel, des démangeaisons au cuir chevelu. J’ai les yeux bleus. Je suis grand. Je porte les vêtements que je portais il y a six mois et je pue. J’ai perdu mes lunettes et appris à vivre sans. Je ne fume pas, mais si j’ai des cigarettes sous la main, je les enchaîne sans interruption. Je me saoule une fois par mois, quelque chose comme ça. La dernière fois que j’ai vu ma femme, je l’ai envoyée au diable mais j’ai fini par le regretter. J’adore ma fille, Sally. Je m’appelle Alan Whitman… Et je survis dans une Angleterre en ruine, envahie par des populations africaines obligées de fuir leur continent devenu inhabitable.

Notre île sombre est la version révisée du Rat Blanc, un roman « de jeunesse » datant de 1971. Se situant dans la droite ligne des romans-catastrophe de J.G. Ballard et John Wyndham, Christopher Priest y dresse le portrait ironique d’une ancienne puissance coloniale colonisée à son tour. Quarante ans après sa première édition, Notre île sombre n’a pas perdu de son pouvoir de fascination. Sa critique de l’arrogance des pays du nord vis à vis de ceux du sud est plus que jamais d’actualité.

L’avis de Philémont

Notre île sombre est le résultat d’un travail de réécriture d’une oeuvre de jeunesse de Christopher PRIEST. Tant du point de vue de la structure du récit que de celui de l’histoire qui nous est racontée, le roman est d’ailleurs strictement identique à sa première version, intitulée Le rat blanc en France. Les différences sont donc subtiles, et de deux ordres comme l’explique très clairement l’auteur dans l’avant-propos à cette édition.

En premier lieu, PRIEST n’appréciait guère les critiques, positives ou négatives, lorsqu’elles s’appuyaient sur la dimension politique du roman. Il rappelle que dans sa démarche de jeune écrivain sa préoccupation première était bel et bien la neutralité, et qu’il avait été fortement blessé quand la critique laissait sous-entendre un certain parti-pris travailliste ou conservateur, voire même un racisme sous-jacent. Il a donc décidé de reprendre son récit pour l’expurger définitivement de tout élément susceptible de mettre à mal ce principe de neutralité. A ce niveau, le lecteur que je suis est quelque peu circonspect puisqu’au-delà de la peinture du colonialisme et des extrémismes, je n’avais pas détecté un quelconque engagement politique dans Le rat blanc.

En second lieu, Christopher PRIEST a beaucoup travaillé sur l’humanité de ses personnages, en particulier le principal, Alan Whitman. De fait, quand on lit Le rat blanc on a la sensation d’une certaine froideur du personnage, laquelle devenait représentative de l’inéluctabilité de la dégénérescence de la société britannique. Dans Notre île sombre, Alan Whitman exprime bien plus ses sentiments, en particulier sa colère et son combat contre une situation qui, du coup, est susceptible d’évoluer jusqu’aux dernières lignes du roman. Ce travail sur la psychologie du personnage est donc bénéfique également pour l’intrigue.

Notre île sombre est donc une réécriture bienvenue du Rat blanc, en particulier du point de vue de la caractérisation du personnage principal. Elle lui donne incontestablement une dimension supplémentaire qui le rapproche de l’excellence quand sa première version était simplement intéressante. Accessoirement, elle permet de rendre à nouveau disponible aux lecteurs un roman qui n’était pas loin d’être totalement tombé dans l’oubli.


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