Morwenna

WALTON Jo

Article publié le lundi 21 avril 2014 par Philémont

Quatrième de couverture

Morwenna Phelps, qui préfère qu’on l’appelle Mori, est placée par son père dans l’école privée d’Arlinghust, où elle se remet du terrible accident qui l’a laissée handicapée et l’a privé à jamais de sa sœur jumelle, Morganna. Loin de son pays de Galles natal, Mori pourrait dépérir, mais elle découvre le pouvoir des livres, notamment des livres de science-fiction. Samuel Delany, Roger Zelazny, James Tiptree Jr, Ursula K. Le Guin et Robert Silverberg peuplent ses journées, la passionnent. Alors qu’elle commence à reprendre du poil de la bête, elle reçoit une lettre de sa folle de mère : une photo sur laquelle Morganna est visible et sa silhouette à elle brûlée. Que peut faire une adolescente de seize ans quand son pire ennemi, potentiellement mortel, est sa mère. Elle peut chercher dans les livres le courage de se battre.

Ode à la différence, journal intime d’une jeune fan de science-fiction qui parle aux fées, Morwenna est aussi une plongée inquiétante dans le folklore gallois. Ce roman touchant et bouleversant a été récompensé par les deux plus grands prix littéraires de la science-fiction, le prix Hugo (décerné par le public) et le prix Nebula (décerné par un jury de professionnels). Il a en outre reçu le British Fantasy Award.

Née au pays de Galles et très attachée à ce pays dont elle parle la langue, Jo Walton vit depuis 2002 au Canada avec son mari et son fils. Elle est l’auteure d’une dizaine de romans remarqués. Bien que son roman Tooth and claw, inédit en français, ait reçu le World Fantasy Award en 2004, il lui a fallu attendre la parution de Morwenna pour rencontrer le succès qu’elle méritait.

L’avis de Philémont

Morwenna est une adolescente de 15 ans, handicapée consécutivement à un accident de la circulation. Sa soeur jumelle, Morganna, y a quant à elle laissé la vie. Tenant sa mère pour responsable de cet accident, et souhaitant fuir sa folie et sa magie noire ancrée dans le folklore gallois, elle trouve refuge chez son père en Angleterre, bien qu’elle ne le connaisse quasiment pas. Lui-même vivant aux crochets de ses trois soeurs autoritaires et envahissantes, il place la jeune Mori dans une institution scolaire stricte pour jeunes filles. Là elle doit faire face aux regards des autres et à leur refus de toute différence. Mori trouve alors refuge dans la magie (blanche) et les livres, dont elle est boulimique, en particulier quand il s’agit de science fiction ou de fantasy, deux activités qui lui permettent de se construire tout en s’isolant parmi les autres (Among others… traduction littérale du titre original).

Sous la forme du journal intime de Mori, Jo WALTON, jusque-là inconnue en France, nous propose un roman très personnel, une fantasy toute en délicatesse et profondément originale. La magie et le bestiaire traditionnel du genre (fées et elfes) y sont en effet présentés en référence aux origines galloises de la jeune héroïne et comme uniquement accessibles à ceux qui veulent bien se donner la peine d’y croire, et qui respectent la nature dans laquelle ils peuvent s’épanouir. Cela se résume à peu près à la seule Mori dans le roman, laquelle utilise son don pour se livrer à un véritable duel à distance avec sa mère, pas une seule fois mise en scène directement. On est donc ici en présence d’une fantasy bien plus psychologique que guerrière, ce qui lui donne une grande crédibilité et une indéniable beauté.

Bien sûr il faut également noter les innombrables références littéraires à la science fiction et à la fantasy. Le journal intime de Morwenna couvrant la période septembre 1979 - février 1980, on parle bien sûr de la science fiction et de la fantasy des années 1970 et antérieures, comme celles de TOLKIEN, LE GUIN, ZELAZNY ou SILVERBERG (cette liste n’est vraiment pas limitative), lesquelles contribuent aussi à la construction de Mori qui est tout autant fascinée par les univers qui y sont imaginés qu’elle y trouve matière à ses réflexions intimes. De ce point de vue il est évident qu’il y a une grande part autobiographique dans le roman de Jo WALTON. Quant au lecteur contemporain amateur de ces littératures de genres il est fort probable qu’il retrouve lui aussi une part de lui même dans la prose de l’auteure.

Pour toutes ces raisons Morwenna est un excellent roman qui devrait très vite faire référence dans les littératures de l’imaginaire. Les américains ne s’y sont d’ailleurs pas trompés, qu’il s’agisse des professionnels (Nebula 2011) ou des lecteurs (Hugo 2012). On ne peut que souhaiter que la carrière française de ce roman tende vers le même prestige et qu’elle soit le prélude à une publication rapide des nombreuses autres oeuvres de l’auteure.


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