Autobiographie d’une machine ktistèque

LAFFERTY R. A.

Article publié le samedi 19 avril 2014 par Philémont

Quatrième de couverture

« Au commencement il y eut une interruption (…). Mais une interruption peut-elle survenir au commencement ? » Ainsi s’ouvre la première autobiographie jamais écrite par une machine… Créée par l’Institut pour la Science Impure, veillée par un géant au petit pied, une éternelle petite fille, un inventeur sans génie aux créations formidables, un grand roi sans couronne et un fantôme qui n’existe pas, la machine ktistèque n’est rien moins que le compendium mécanique de l’humanité. Machine pensante qui englobe toutes les consciences, elle doit apporter la réponse à l’humanité. Que les hommes sachent quelle est la question, c’est une autre histoire… Marginal magnifique de la SF, Lafferty multiplie dans ce roman fou les expérimentations poétiques et fouille l’absurde sans relâche pour y dénicher du sens et du non-sens. Du Livre d’Isaïe au traité de Pline sur les géants, de Platon à saint Thomas d’Aquin en passant par le martyrologe, il convoque mille références, toutes plus ou moins truquées ou détournées, comme si son roman s’inscrivait dans une histoire parallèle de la littérature et de la philosophie. Au fil d’une trame rigoureusement bordélique et délibérément zinzin, il tisse une jubilatoire et singulière métaphore de la création. Car cette machine, créée avec le « cellogel » des hommes et censée leur donner la connaissance d’eux-mêmes, ne serait-ce pas la littérature elle-même ? Plusieurs décennies après sa sortie, Autobiographie d’une machine ktistèque reste en tout cas l’une des propositions les plus fascinantes de la science-fiction américaine. R. A. Lafferty (1914-2002) fut l’un des écrivains de science-fiction les plus originaux du xxe siècle. Forte d’une trentaine de romans et de plus de deux cents nouvelles, en grande partie inédits en France, son œuvre se caractérise par des histoires délirantes dont l’intrigue est souvent secondaire. Paru pour la première fois en France en 1974 (Robert Laffont, « Ailleurs et demain »), puis repris sous le.titre Tous à Estrevin !, Autobiographie d’une machine ktistèque était indisponible depuis plus de trente ans.

L’avis de Philémont

Epiktistes, ou Epikt pour les intimes, est une machine créée par l’Institut pour la Science Impure, lequel se compose d’une poignée d’individus qui injectent chacun un extrait de leur psychisme dans la machine. Ainsi Epikt est-elle un condensé de l’humanité, enfin de cette humanité que l’on ne trouve que dans l’Institut, et qui est censée répondre à toutes les questions que se posent les Hommes. Elle nous propose rien de moins que son autobiographie, de sa découverte du monde et des humains à sa résolution du problème fondamental pour ces derniers.

Si l’on ajoute que ce problème est relatif à la forme de l’univers on comprend définitivement que cette Autobiographie d’une machine ktistèque fait dans le surréalisme. Il est vrai que la supériorité de la machine sur les hommes est si manifeste que son apprentissage passe par la compréhension de ses inférieurs, la mise en perspective de leurs incohérences et la gestion de leur tendance à lancer des projets qui ne mènent nulle part.

C’est ainsi que R. A. LAFFERTY a produit au début des années 1970 un roman à nulle autre pareille, une oeuvre de création absolue. Dans Autobiographie d’une machine ktistèque le lecteur aura bien du mal à suivre le fil d’une intrigue quasi inexistante. En revanche il y trouvera une réflexion profonde sur la condition humaine et la contribution de la soif de connaissances à son développement. Bien que difficile, l’exercice est incontestablement brillant, en particulier grâce à une prose ciselée et pleine d’humour.

Avec cette réédition, Actes Sud enrichit sa toute récente collection Exofictions d’une oeuvre profondément originale et fait sortir de l’oubli un auteur qui n’avait pas été édité en France depuis près de trente ans.


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