Soldat des brumes

WOLFE Gene

Article publié le vendredi 15 juin 2012 par Philémont

Quatrième de couverture

En 479 avant J.-C., un an après la célèbre bataille des Thermopyles, dans une Grèce magique où Athènes s’appelle Pensée et Sparte s’appelle Corde, erre un bien étrange amnésique. Blessé à la tête au cours d’une des sanglantes batailles de cette époque tourmentée, Latro a non seulement perdu le souvenir de son passé, mais aussi toute capacité de mémorisation. Chaque jour, il se réveille hors de tout contexte et n’a d’autre recours que de tenir son journal pour affronter l’éternel présent qu’est devenue son existence. Mais en contrepartie de cette infirmité qui l’oblige à un réapprentissage quotidien, Latro a hérité d’un don : celui de voir les êtres divins et surnaturels dont regorge la Grèce antique. Jusqu’où devra-t-il aller pour retrouver la mémoire, son nom et sa famille ?

Avec son héros hors norme, ses dieux assoiffés de sang, ses mystères et ses batailles, le cycle du Soldat des brumes est sans conteste l’une des plus fascinantes créations de la fantasy contemporaine.

Né à New York en 1931, Gene Wolfe, souvent considéré comme le plus littéraire des auteurs de science-fiction américains, est connu dans le monde entier pour son cycle de L’Ombre du bourreau.

L’avis de Philémont

En 479 avant Jésus-Christ la civilisation grecque n’est pas encore à son apogée. La seconde guerre médique est en passe de s’achever sur la défaite des Perses et sur la domination athénienne dans les affaires grecques ; il est vrai qu’un an auparavant Sparte, alors la cité-Etat la plus puissante, est ressortie légendaire mais exsangue de la célèbre bataille des Thermopyles.

Le contexte historique est donc troublé et c’est dans celui-ci que Gene WOLFE met en scène un guerrier, Latro, blessé à la tête au cours d’une bataille, et qui non seulement est devenu amnésique mais a aussi perdu toute capacité de mémorisation. Ainsi, chaque matin est pour lui une véritable renaissance, devant systématiquement réapprendre le contexte de son réveil, que ce soit le lieu dans lequel il se trouve, ou les personnages plus ou moins amicaux qui l’entourent. C’est pourquoi il tient chaque jour un journal sur un rouleau de papyrus qui fait alors office de mémoire physique.

Mais la blessure de Latro n’a pas eu que ce seul effet. Elle lui permet aussi de voir désormais ceux que personne ne peut voir, et même communiquer avec eux : les divinités de la mythologie grecque. C’est même par leur entremise qu’il est guidé dans sa quête d’identité, à grands renforts d’informations détournées et de prophéties alambiquées.

A cette intrigue pour le moins originale et difficile, ne pouvait convenir qu’une écriture très travaillée. Or Gene WOLFE est un styliste hors pair, doté de plus d’une grande culture, en l’occurrence sur l’Histoire de la Grèce antique. L’auteur considère par ailleurs que cette culture est aussi la caractéristique de son lecteur et se contente donc du strict minimum pour le guider dans les méandres de la mémoire défaillante de Latro. Concrètement cela prend la forme d’un avant-propos de cinq pages, et ce de manière quasi exclusive.

Soldat des brumes (titre parfaitement adapté au propos) est donc un roman complexe. A l’opposé de toute Fantasy commerciale, WOLFE ne fait pas dans le sensationnalisme mais veut simplement rendre compte de l’Histoire, de l’organisation sociale et de la mythologie d’une des civilisations les plus importantes de l’humanité. La difficulté est en outre accentuée par le caractère décousu du récit, ce qui est à relier à la maladie de Latro, et le fait qu’il ne comporte pas de véritable fin, le roman étant en fait un simple travail de traduction du rouleau de papyrus trouvé récemment dans une collection de lyres romaines. En outre l’auteur détourne les noms qui pourraient être connus de tout un chacun ; par exemple Athènes devient sous sa plume « Pensée », Sparte étant pour sa part nommée « Corde ».

Le lecteur est donc prévenu. Soldat des brumes est un roman exigeant qui demande une attention, voire une documentation, de tous les instants. C’est à ce prix, et uniquement à celui-ci, qu’il pourra en apprécier toutes les richesses.


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