Le club des policiers yiddish

CHABON Michael

Article publié le samedi 21 avril 2012 par Philémont

Quatrième de couverture

Drôle de temps pour être juif. Drôle de temps pour être flic. Ça tombe mal pour Meyer Landsman ! À Sitka en Alaska, devenu la patrie glaciale et désolée des Juifs, il est l’inspecteur le plus décoré de la police yiddish. Chargé de faire régner la paix dans cette communauté encline aux mystères, l’homme a pourtant sombré dans l’alcool, ruinant son mariage au passage. Exilé à l’hôtel, il découvre un matin le corps d’un junkie assassiné dans le hall. Mais pourquoi ces pressions pour abandonner l’enquête ? Landsman s’obstine : ce mort lui plaît et il refuse de laisser son assassinat impuni… Dans ce monde où religieux et criminels ont échangé leurs compétences, jamais la Terre promise ne lui aura paru plus lointaine…

« Michael Chabon y mélange tous les genres pour imposer le sien : ébouriffant. » Olivia de Lamberterie, Elle

L’avis de Philémont

Le club des policiers yiddish est un roman transgenre, tout autant polar qu’uchronie.

Il s’agit d’un polar dans la mesure où l’intrigue se développe autour d’une enquête de Meyer Landsman sur un meurtre réalisé dans l’hôtel minable où il vit ; le personnage est d’ailleurs très représentatif du genre puisqu’il est aussi un flic en pleine dépression pour des raisons éminemment personnelles.

Il s’agit aussi d’une uchronie puisque Michael CHABON plante son décor de nos jours en Alaska, dans une ville qui aurait accueilli de nombreux juifs européens après la Seconde guerre mondiale. Cette ville est bel et bien réelle, Sitka étant située sur l’île Baranof de l’archipel Alexandre, sur la côte Pacifique de l’État, mais bien évidemment elle n’a jamais été la terre promise des juifs.

Si le mélange des genres parait ici particulièrement étonnant, la lecture nous montre qu’il permet à l’auteur de transcender les codes du roman noir et de nous proposer une véritable critique sociale et politique. Exterminés par les allemands, achevés par les arabes, des millions de juifs se sont exilés à Sitka à la fin des années quarante. Etiquetés et fichés par les services de l’immigration américaine, parqués sur un territoire peuplé d’indiens, la concession n’a toutefois été accordée que provisoirement. Or, en ce début de XXIème siècle, la rétrocession se profile, les habitants vont donc être dans l’obligation de changer de vie, comme les flics qui vont devoir abandonner leurs dossiers, voire même leurs postes. En filigrane bien sûr c’est toute la politique des gouvernements américains successifs qui est pointée du doigt, en particulier celle d’obédience républicaine, laquelle est largement fondée sur la collusion entre la communauté juive et les fondamentalistes chrétiens.

De ce point de vue Le club des policiers yiddish n’est toutefois pas d’une lecture facile, le sujet étant complexe. Mais Michael CHABON sait aussi atténuer la gravité de son propos en maniant un humour aussi raffiné qu’omniprésent, les nombreux termes d’argot yiddish utilisés n’y étant pas pour rien. De même, le contexte uchronique n’est dévoilé que par allusions successives par le biais de souvenirs familiaux de Meyer Landsman, ce qui permet au lecteur d’y être immergé sans même s’en rendre compte.

Voilà donc un roman riche, drôle et original pour lequel on ne s’étonnera finalement pas qu’il ait décroché rien de moins que les Prix Hugo, Locus et Nebula.


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