Nouvelles complètes 1956 / 1962

BALLARD James Graham

Article publié le dimanche 11 mars 2012 par Philémont

Quatrième de couverture

Les 28 nouvelles qui composent ce premier volume de l’intégrale des Nouvelles de J.G. Ballard, depuis longtemps introuvables en français, ont acquis une réputation mythique. Au tournant des années soixante, en déplaçant l’attention des espaces extérieurs — privilégiés par la science-fiction traditionnelle — vers l’espace intérieur de la psyché moderne, elles ont contribué à révolutionner la littérature d’anticipation. Retraduites ou révisées par Bernard Sigaud, elles permettent de comprendre pourquoi J.G. Ballard a été considéré dès ses débuts comme l’héritier (indiscipliné) de H.G. Wells, d’Aldous Huxley, de George Orwell, et pourquoi il est cité aujourd’hui comme un modèle par des auteurs comme Don DeLillo, Will Self ou Michel Houellebecq.

J.G. Ballard est né en 1930 à Shanghai. À la suite de l’attaque sur Pearl Harbor, il est interné avec sa famille par l’armée japonaise dans un camp de prisonniers civils jusqu’à la fin de la guerre. De retour en Angleterre et après des études de médecine à Cambridge, il exerce divers métiers, notamment comme pilote de la RAF au Canada. Ses premières nouvelles paraissent en 1956 et dès lors il ne cesse plus d’écrire. Son premier roman, Le Monde englouti, est publié en 1962, suivi depuis d’une trentaine d’autres livres de fiction. Deux d’entre eux ont été adaptés au cinéma par Steven Spielberg (Empire du Soleil) et David Cronenberg (Crash). J.G. Ballard — qui est souvent présenté outre-manche comme « le plus grand auteur anglais vivant » — vit près de Londres, à Shepperton.

L’avis de Philémont

James Graham BALLARD, plus connu sous la signature J. G. BALLARD, était un écrivain relativement méconnu du grand public. Il est vrai que son oeuvre est aussi sophistiquée qu’étrange et qu’il ne se préoccupait guère de donner à ses intrigues et ses personnages les caractéristiques du best-seller. Au contraire, il aimait explorer la face sombre des grandes métropoles et mettre en scène des personnages qui, au-delà de l’apparence de normalité, s’avéraient obsédés par la violence et autres perversions. Par exemple, l’un de ses romans les plus connus met en scène un homme fasciné par la psychosexualité des accidents de voitures (Crash, 1973). Les amateurs de science fiction le connaissent aussi pour ses « apocalypses », lesquelles portent un regard sans concession sur l’humanité après que la planète ait été ravagée par une catastrophe naturelle. Le monde englouti en est un exemple.

Mais ce qui est encore moins connu c’est que J. G. BALLARD était un nouvelliste prolixe. On en veut pour preuve la récente publication de l’intégrale de ses nouvelles en trois volumes, et la présente chronique sur le premier tome.

Les 28 nouvelles qui le composent ont été écrites entre 1956 et 1962 et sont donc les nouvelles de jeunesse de BALLARD. On pourrait donc s’attendre à des textes dans lesquels l’écrivain se cherche ; on découvre avec une certaine stupeur qu’il s’agit en fait de récits déjà parfaitement aboutis et éminemment personnels.

Prenant le contre-pied de la production traditionnelle de la science fiction à l’époque, BALLARD s’intéresse plus au « au vrai futur », en tout cas à celui qu’il pressentait, qu’au « futur inventé » de la science fiction (voir l’introduction à ce volume, p. 8). C’est pourquoi ses intrigues ne se déroulent pas dans le fin fond du cosmos, ni même dans un monde purement imaginaire ; elles prennent place sur Terre, dans des univers proches du notre, lesquels sont simplement développés sous le regard d’un auteur ayant un goût prononcé pour l’absurde et le surréalisme. A ce titre on mentionnera les nouvelles de ce recueil relevant de Vermilion Sands, lequel est un univers original que BALLARD qualifiait lui-même de « banlieue exotique de son esprit ». Parmi elles Numéro 5, Les Étoiles est tout simplement un chef d’oeuvre faisant explicitement référence à Salvador Dali.

Une autre caractéristique de ces nouvelles c’est leur vision pessimiste de notre futur. Ce qu’imagine BALLARD c’est le surpeuplement, ou la désertification, la généralisation du contrôle de tout un chacun, jusqu’au point où les hommes sont totalement déshumanisés. Il en résulte la plupart du temps des atmosphères oppressantes desquelles l’humain parvient rarement à se sortir.

Enfin signalons la récurrence d’une thématique très dickienne, celle du temps, et en particulier du temps déréglé qui suscite de terrifiants troubles de la perception.

Bien sûr, comme dans toute intégrale, certaines nouvelles sont plus dispensables que d’autres. Il n’en demeure pas moins que l’impression qui domine à la lecture de ce recueil c’est celle d’une littérature de haut niveau qui dépasse largement les frontières des seules littératures de l’imaginaire. C’est en outre un moyen d’approcher relativement aisément l’oeuvre de BALLARD.


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