Le Chant du barde. Les meilleurs récits de Poul Anderson

ANDERSON Poul

Article publié le dimanche 15 mai 2011 par Philémont

Quatrième de couverture

Neuf épopées de science-fiction par un maître du genre.

Une révolution conduite par un personnage de chanson dans une Amérique totalitaire… Des naufragés cosmiques attendant le salut en provenance d’une Terre mère dont le souvenir même est hypothétique… Jupiter, monde hostile entre tous, conquis par l’avatar d’un paralytique… Les héritiers d’un empire déchu qui se réapproprient le plus horrible des crimes… Explorateurs, guerriers mais aussi poètes, détectives et joueurs, les héros de Poul Anderson redécouvrent les mythes fondateurs de l’humanité à mesure qu’ils peuplent le cosmos de leurs enfants et de leurs rêves : de l’archétype de Sherlock Holmes à un centaure de synthèse, de la réincarnation d’Orphée à un nouvel Ubik, c’est toute une fresque de merveilles et de cauchemars qui attend ici le lecteur.

Poul Anderson (1926-2001) est l’un des grands auteurs classiques de l’Âge d’Or américain, l’un des plus couronnés de son vivant. Longtemps boudé en France par la critique, considéré outre-Atlantique comme un maître incontestable, on lui doit quelques-uns des livres cultes du genre, dont Les Croisés du Cosmos, Agent de l’Empire terrien, La Saga de Hrolf Kraki et, surtout, le cycle de La Patrouille du temps, dont les éditions du Bélial’ ont récemment achevé de publier l’intégrale en quatre volumes présentés et traduits par Jean-Daniel Brèque. Le Chant du barde réunit les neuf meilleurs récits de science-fiction de Poul Anderson, dans des traductions inédites ou révisées. Six d’entre eux lui ont valu le prestigieux prix Hugo, dont trois ont été en outre couronnés par le Nebula.

L’avis de Philémont

Voici un recueil de neufs longues nouvelles de Poul ANDERSON réunies par le spécialiste français du moment de cet auteur américain tant décrié de son vivant en France. Ces récits relèvent tous de la science-fiction et sont représentatifs de l’oeuvre d’ANDERSON dans la mesure où l’on y trouve systématiquement, comme l’écrit Jean-Daniel BRÈQUE dans son avant-propos, « de solides soubassements spéculatifs, des références mythologiques ou littéraires des plus pertinentes, et une volonté de définir des enjeux sur plusieurs niveaux ». Aucun n’est inédit à proprement parler en France, mais les traductions ont toutes été revues et corrigées pour la présente édition par l’anthologiste lui-même. Ils sont présentés dans l’ordre d’édition originale et l’on remarquera que les deux tiers des neufs récits ont été primés par un Hugo, et que trois d’entre eux ont fait le doublé avec le prix Nebula. Mais c’est l’ensemble du recueil qui est d’une qualité aussi rare que remarquable.

Sam Hall (Sam Hall, 1953) Ecrite dans le contexte du maccarthysme, cette nouvelle met en scène une révolution dans une société autoritaire, celle-ci étant menée par un personnage imaginaire généré par ordinateur. Ce personnage, Sam Hall, est inspiré de celui d’une chanson anglo-saxonne du XIXème siècle. Il y est un criminel condamné à la pendaison qui refuse toute repentance. Alain Bashung en a interprété une libre adaptation (Samuel Hall), dans son album Fantaisie militaire (1998).

Jupiter et les centaures (Call Me Joe, 1957) Influencée par l’un des épisodes de Demain les chiens, et proche du récent blockbuster Avatar (source d’inspiration non créditée ?), cette nouvelle met en scène un homme handicapé qui retrouve goût à la vie quand il est connecté par télépathie à une forme de vie artificielle destinée à explorer la planète Jupiter. Avec le temps, il s’attache de plus en plus à ce corps et à cette planète, dont il devient un véritable autochtone…

Long cours (The Longest Voyage, 1960) - Prix Hugo 1961 Cette nouvelle met en scène une humanité isolée sur une immense planète, laquelle est en cours d’exploration maritime. Quand ce groupe rencontre un homme venu de l’espace, et dont le vaisseau pourrait bien leur donner accès aux étoiles, un choix difficile doit être fait. Ce récit est superbement structuré et son sujet éminemment intemporel. D’ailleurs les explorateurs ne sont pas sans rappeler les acteurs des grandes découvertes géographiques des XVème et XVIème siècles. De même le ton du récit a des accents rappelant le meilleur de Jack VANCE.

Pas de trêve avec les rois ! (No Truce with Kings, 1963) - Prix Hugo 1964 Ce récit met en scène une guerre civile dans une Californie post-apocalyptique, à la manière de Herbert George WELLS dans La guerre des mondes. Les hommes se combattent en effet, mais un peuple extraterrestre manipule les hommes de façon ambigüe. Simple dans sa forme (on suit les membres d’une famille dans un terrible combat), cette nouvelle est bien plus complexe qu’il n’y paraît sur le fond puisqu’elle pointe du doigt une thématique éminemment contemporaine, celle de l’ingérence des grandes puissances dans les choix des peuples en difficulté. C’est pourtant ce récit qui valut à Poul ANDERSON sa mauvaise réputation en France, probablement du fait d’une lecture au seul premier degré.

Le Partage de la chair (The Sharing of Flesh, 1968) - Prix Hugo 1969 L’anthropophagie est-elle condamnable lorsqu’elle est inscrite dans les gènes ? C’est à cette difficile question que doit répondre une femme dont le mari a été victime de cannibalisme sur une planète qu’il étudiait. Accessoirement, cette nouvelle pourrait être la démonstration que Poul ANDERSON ne mérite finalement pas l’étiquette de vilain réactionnaire qui lui a été donnée pendant des décennies.

Destins en chaîne (The Fatal Fulfillment, 1970) Cette nouvelle est à l’origine un projet collectif, l’écrivain Keith Laumer ayant rédigé un prologue et mit au défi quatre de ses confrères de poursuivre le récit. Comme le héros meurt dès ce prologue, ANDERSON choisit de le faire renaître dans un autre monde, où il souffre des mêmes tendances dépressives et finit aussi par mourir, bien que pour des raisons différentes. Mais il renaît à nouveau, dans un tout autre univers, où il connaîtra un destin similaire. Et ainsi de suite jusqu’à l’ultime renaissance. En faisant passé le héros d’une réalité virtuelle à une autre, ANDERSON rend un hommage appuyé à Philip K. DICK en parodiant quelques uns de ses oeuvres et thèmes de prédilection. Le résultat est une satire parfaitement maîtrisée dans sa forme qui ravira à coup sûr les amateurs des deux écrivains. Il est d’ailleurs étonnant qu’aucun prix n’ait été attribué à ce récit.

La Reine de l’Air et des Ténèbres (The Queen of Air and Darkness, 1971) - Prix Hugo 1972 et Nebula 1971 Souvent présenté comme le chef-d’oeuvre de Poul ANDERSON, La Reine de l’Air et des Ténèbres met en scène une femme qui fait appel à un détective privé pour retrouver son enfant kidnappé sur une planète a priori dépourvue d’autochtones. En mêlant enquête policière, science fiction et mythologie celtique, l’auteur s’intéresse à la lutte contre l’entropie et à l’autodétermination sur pas moins de quatre niveaux : l’individu, la cellule familiale, la société et l’espèce. Ce faisant, et de manière particulièrement subtile, ANDERSON lance un appel (encore un !) au métissage, seul à même de faire progresser les cultures, quelles qu’elles soient. Le récit étant parfaitement construit, la thématique universelle et la prose très belle (poétique même), on est bel et bien ici face à un chef d’oeuvre impérissable qui a largement mérité le doublé Hugo et Nebula, auquel on peut encore ajouté le Locus 1972.

Le Chant du barde (Goat Song, 1972) - Prix Hugo 1973 et Nebula 1972 Dans une société entièrement régie par un ordinateur omnipotent, un harpiste tente de ramener à la vie son aimée. Il s’agit là de la relecture d’un mythe grec bien connu, celui d’Orphée, ANDERSON montrant en quoi ces légendes sont véritablement constitutives de la condition humaine. C’est d’une finesse rare dans le fond et d’une élégance tout aussi remarquable dans la forme. C’est tout simplement beau et c’est tout naturellement doté d’un nouveau Hugo et d’un nouveau Nebula.

Le Jeu de Saturne (The Saturn Game, 1981) - Prix Hugo 1982 et Nebula 1981 Une mission d’exploration est dépêchée sur un satellite de Saturne et tourne au drame. Les protagonistes tentent alors de se sortir de leur situation périlleuse en poursuivant le jeu de rôle qu’ils ont inventé pour tromper l’ennui du long voyage qui les a conduit jusque là. Le Jeu de Saturne est une nouvelle brillante dans laquelle ANDERSON parvient à immerger des personnages de Fantasy dans un contexte de pure science fiction. La force évocatrice de sa prose est également remarquable quand il décrit Saturne et son satellite. C’est donc tout naturellement que ce récit a fait un doublé Hugo-Nebula.


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