L’Archipel du Rêve

PRIEST Christopher

Article publié le mercredi 16 mars 2011 par Philémont

Quatrième de couverture

Par-delà le vortex s’étend l’Archipel du Rêve, une zone de neutralité épargnée par la guerre qui ravage les continents austral et septentrional. On rêve d’y séjourner et, une fois prisonnier de ses langueurs tropicales, on ne peut que succomber à une autre forme de guerre, celle que se livrent les êtres de désir et de pouvoir qui peuplent les différentes îles de cette géographie hors du temps, singulière en diable.

Construction intellectuelle qui relève autant de l’anticipation à l’anglaise que du roman psychologique mâtiné d’érotisme, L’Archipel du Rêve est l’un des plus beaux ouvrages de Christopher Priest : un maelström de récits interconnectés qui nous ramène aux apocalypses poétiques de J.G. Ballard.

Considéré comme l’un des écrivains les plus originaux de la littérature anglo-saxonne, Christopher Priest a écrit quelques-uns des textes majeurs de l’imaginaire contemporain : Le monde inverti, La Séparation ou encore La fontaine pétrifiante.

L’avis de Philémont

Les habitués de Christopher PRIEST ont probablement déjà visité partiellement l’Archipel du Rêve en lisant La fontaine pétrifiante. Il y a appris que l’archipel en question est une zone géographique relativement vaste, enclavée entre deux continents qui se livrent à une guerre si ancienne qu’on en a oublié les fondements. Il y a appris aussi que l’esprit de Peter Sinclair s’y est perdu, alors même qu’il cherchait à s’y reconstruire…

Il est vrai que l’Archipel du Rêve est un univers hors du temps et de tout espace clairement défini. Chaque île le composant est dotée de caractéristiques géographiques, géologiques et climatiques bien à elle, de même que les populations autochtones qui les peuplent ont chacune leurs propres spécificités. Mais le propos de Christopher PRIEST n’est pas à rechercher à ce niveau, les huit nouvelles composant le recueil L’Archipel du Rêve étant chacune dédiée à une tranche de vie quelque part au coeur de l’Archipel, ou à sa frontière.

L’instant équatorial (The Equatorial Moment, 1999) est une courte introduction présentant au lecteur l’Archipel du Rêve par le biais d’un voyage aérien. La négation (The Negation, 1978) est en quelque sorte une réponse contradictoire à La fontaine pétrifiante (The Affirmation). Dans Les putains (Whores, 1978), un soldat en permission visite une île où toutes les femmes ont été contraintes par la guerre à vendre leur corps. Dans Vestige (The Trace of Him, 2009), c’est une femme qui se souvient de la nuit qu’elle a passé de nombreuses années auparavant avec un écrivain qui vient de décéder. La cavité miraculeuse (The Miraculous Cairn, 1980) est un retour aux origines quand il s’agit de faire le tri dans les affaires du dernier de ses ascendants. La crémation (The Cremation, 1978) met également en scène un décès, mais cette fois-ci du strict point de vue de la cérémonie qu’il implique et des usages à respecter par chacun. Le regard (The Watched, 1978) est quand à elle dédiée à la fascination d’un homme pour les moeurs sexuels d’une communauté autochtone. La libération (The Discharge, 2000) met enfin en scène un soldat qui déserte et se met en quête d’inspiration, à travers les îles de l’archipel, pour parfaire l’art pictural auquel il se destine.

Toutes ces nouvelles ont au moins quatre points communs. Outre leur cadre, c’est leur caractère intimiste ; c’est également le mystère qui les imprègne à des degrés plus ou moins forts ; c’est enfin l’érotisme des situations, qu’il soit suggéré ou réel. Bien sûr on y retrouve aussi l’appétence de Christopher PRIEST pour les réalités alternatives qui se brouillent l’une l’autre, ainsi que les questionnements infinis auxquels aucune réponse définitive n’est jamais apportée. Rappelons aussi que PRIEST est doté d’une plume d’une exceptionnelle fluidité qui parvient à immerger le lecteur dans n’importe quel récit, aussi complexe soit-il.

A tous ces titres L’Archipel du Rêve est un recueil d’une qualité exceptionnelle. Et si cela est vrai des huit nouvelles qui le composent, on offrira tout de même une mention spéciale à La cavité miraculeuse, qui est un véritable tour de force de la part de l’auteur, et de la traductrice.

Enfin, une fois n’est pas coutume, on préférera se procurer le format poche de ce recueil plutôt que le grand format (Denoël, collection Lunes d’Encre), le premier étant doté d’une nouvelle supplémentaire par rapport au second (Vestige) ; l’ordre des nouvelles y a également été revu par l’auteur lui-même. En contrepartie on perd la bibliographie incluse dans l’édition Denoël.

Extrait

« Elle expliquait que l’acte de lecture était aussi important et créatif que celui d’écriture. Par certains côtés, la réaction du lecteur constituait la seule mesure réellement fiable d’un livre. Ce que le lecteur faisait du texte en devenait la véritable estimation, quelles qu’eussent été les intentions de l’auteur. » (p.48)


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