Les jardins statuaires

ABEILLE Jacques

Article publié le vendredi 29 juillet 2011 par Philémont

Quatrième de couverture

« Je crus avoir écrit l’oeuvre d’un fou. » Jacques Abeille

Que dire d’une œuvre si ample qu’elle échappe aux catégories littéraires ? Les Jardins statuaires, c’est à la fois une fable, un roman d’aventure, un récit de voyage, un conte philosophique. À une époque indéterminée, un voyageur découvre un monde mystérieux où, dans des domaines protégés par de vastes enceintes, les hommes cultivent des statues… Nourri à la lecture des surréalistes, mais aussi des romans populaires, Jacques Abeille (né en 1942) a créé une œuvre qui rejoint celles de Mervyn Peake, de Julien Gracq, de Tolkien, mais dont le destin dessine une légende noire : tapuscrit égaré, faillites d’éditeurs, incendies et malchances ont concouru pendant trente ans à l’occultation de ce roman sans équivalent dans la littérature française.

L’avis de Philémont

A une époque indéterminée, un voyageur découvre un pays singulier. Celui-ci se structure autour d’un ensemble de domaines strictement délimités et dans lesquels la principale activité des hommes consiste à cultiver des statues. Car dans les « jardins statuaires » la pierre pousse sans cesse, ce qui nécessite une régulation de tous les instants de la part des jardiniers, et donc une organisation rigoureuse de l’ensemble de la société. La première réaction du voyageur est celle de l’émerveillement, immédiatement suivie d’une soif de compréhension de cet univers si particulier. Cela donne lieu à un récit véritablement ethnologique qui couvre grosso modo le premier tiers du roman.

Mais au fil des pérégrinations du voyageur l’émerveillement laisse la place au questionnement, l’idylle ayant en fait de nombreuses failles et des aspects bien plus troubles. Pourquoi les statues semblent-elles développer des maladies dont certaines ont des conséquences sur la santé des hommes ? Pourquoi les femmes n’apparaissent-elles jamais en public ? Quelle est leur place dans la société ? Quel est le rôle de la guilde des hôteliers ? Qu’y a-t-il au-delà des jardins statuaires, dans ces steppes où l’on dit qu’un barbare anciennement jardinier s’apprête à envahir les domaines ? C’est à toutes ces questions, et bien d’autres, que le voyageur tente de répondre tout en cherchant un moyen de s’intégrer dans cette société. C’est l’objet principal des deux derniers tiers du roman.

Cette intrigue est mise en valeur par une très belle écriture. Tous les mots de Jacques ABEILLE sont choisis donnant à l’ensemble du récit un rythme lent mais jamais ennuyeux, nous invitant plutôt à une lecture contemplative, laquelle est facilitée par le caractère poétique de sa prose ; ses descriptions minutieuses des statues sortant de terre pour être travaillées par les hommes en sont certainement le plus bel exemple. L’auteur aborde en outre des thèmes universels, facilement transposables à notre propre réalité, nous incitant à ranger ce roman parmi les oeuvres représentatives d’un surréalisme de la plus belle eau.

Signalons enfin que l’oeuvre est dotée d’un écrin à la hauteur de ses qualités : une couverture avec rabats superbement illustrée par François Schuiten, un papier très agréable au toucher, une mise en page raffinée, le tout étant très joliment relié. Cela fait des Jardins statuaires un livre objet que l’on se plait à manipuler, à compulser, à lire et probablement à relire. Ce sont là des caractéristiques propres, si ce n’est aux chefs-d’oeuvre, du moins aux livres atypiques qui restent gravés dans les mémoires.


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