Contre-jour

PYNCHON Thomas

Article publié le lundi 13 juin 2011 par Philémont

Quatrième de couverture

Avec ce roman planétaire et foisonnant qui débute par l’Exposition universelle de Chicago, en 1893, pour s’achever au lendemain de la Première Guerre mondiale, à Paris, Pynchon réussit son œuvre la plus ambitieuse et la plus émouvante. S’attachant à dépeindre aussi bien les luttes anarchistes dans l’Ouest américain que la Venise du tournant du siècle, les enjeux ferroviaires d’une Europe sur le point de basculer dans un conflit généralisé, les mystères de l’Orient mythique ou les frasques de la révolution mexicaine, l’auteur déploie une galerie de personnages de roman-feuilleton en perpétuelle expansion – jeunes aéronautes, espions fourbes, savants fous, prestidigitateurs, amateurs de drogue, etc. –, tous embringués dans des mésaventures dignes des Marx Brothers.

Au cœur du livre, la famille Traverse : Webb, mineur et as de la dynamite, exécuté sur ordre du ploutocrate Scarsdale Vibe ; ses enfants, tous hantés par la mort de leur père, certains bien décidés à le venger, d’autres déjà avalés par les contradictions du siècle naissant. Et gravitant autour d’eux, tels des astres égarés, quelques figures hautes en couleur, qui toutes ont un compte à régler avec le pouvoir. Veillant sur ce « petit monde », quelque part dans les airs : les Casse-Cou, bande de joyeux aéronautes qui, avec le lecteur, suivent non sans inquiétude la lente montée des périls.

Empruntant avec jubilation à tous les genres – fantastique, espionnage, aventure, western, gaudriole –, rythmé par des incursions dans des temps et des mondes parallèles, écrit dans une langue tour à tour drolatique et poignante, savante et gourmande, Contre-jour s’impose comme une épopée toute tendue vers la grâce.

L’avis de Philémont

Contre-jour est une fresque de Thomas PYNCHON. Celle-ci se veut une représentation du quart de siècle courant de l’exposition universelle de 1893 à Chicago au lendemain de la première guerre mondiale à Paris. Entre-temps bon nombre de pays auront été visités à travers le monde, le lecteur accompagnant une multitude de personnages, tous liés de près ou de loin par la famille Traverse qui sert de fil rouge à un récit fort complexe.

Car la volonté de Thomas PYNCHON est de montrer comment le monde se transforme radicalement entre le XIXème et le XXème siècle, comment la révolution industrielle s’achève par l’avènement du capitalisme moderne, progrès technologiques et excès en tous genres allant désormais de concert. C’est à l’image de ces cows-boys désoeuvrés qui ne peuvent plus courir après la fameuse « frontière », celle-ci n’existant plus ; dès lors ils ne peuvent guère que se reconvertir en hommes de mains de riches industriels peu regardant sur les méthodes pour assoir leur pouvoir. Ces entrepreneurs semblent d’ailleurs galvauder tout ce à quoi ils touchent, ayant notamment décidés qu’ils n’avaient plus besoin de l’alchimie, leur suffisant désormais « de prendre la sueur des pauvres, la changer en biffetons et garder le plomb pour assurer l’ordre ». Tout cela est évoqué par le biais d’une galerie de portraits, chacun étant acteur plus ou moins impuissant d’une Histoire en marche, l’apogée étant atteint avec la Première Guerre mondiale qui marque à jamais les esprits.

Les références historiques sont nombreuses. Toutefois Thomas PYNCHON n’est guère pédagogue et part du principe que son lecteur est au fait des évènements qui ont fait l’Histoire. Il en est par exemple ainsi de la révolution mexicaine ou encore des guerres balkaniques. De plus, sa prose est extrêmement riche de par son vocabulaire, et de par sa structure, la multiplicité de ses personnages, et la longueur de ses phrases, rendant indispensable une attention de tous les instants pour bien saisir le sens de toutes les situations. En outre, l’auteur mélange son érudition avec une bonne dose d’absurde, le tout dans un melting pot de genres allant du western au fantastique, en passant par l’espionnage. S’il en est encore besoin, précisons tout simplement que Contre-jour est une oeuvre particulièrement baroque.

Qu’il y adhère ou non dans son intégralité, chaque lecteur sera très probablement subjugué par la force de certaines scènes. Il ne s’agit pas tant d’une force émotionnelle liée à l’intimité de quelques personnages que de celle qui est associée à la tragédie humaine dans son ensemble. Celle-ci, placée dans le contexte du début du XXème siècle, est parfaitement représentative d’un monde qui naît dans la douleur la plus cruelle et continue aujourd’hui d’en assumer les conséquences.


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