Il est difficile d’être un dieu

STROUGATSKI Arkadi et Boris

Article publié le mardi 3 août 2010 par Philémont

Quatrième de couverture

La planète Arkanar ploie sous la férule du tyrannique ministre de la Sécurité. Cette société semi-féodale qui persécute ses intellectuels, évoquant à la fois l’Espagne de l’Inquisition, l’Allemagne nazie et la Russie stalinienne, intéresse au plus haut point l’Institut d’histoire expérimentale de la Terre qui, elle, est peuplée depuis longtemps d’humanistes tout-puissants que l’on considère volontiers comme des dieux. Doivent-ils intervenir pour miner le fascisme, ébranler l’obscurantisme ? Bien sûr que non ! l’Histoire doit suivre son cours naturel. Ce que le jeune Rumata va avoir bien du mal à accepter, alors qu’il sait combien il est dangereux, pour un dieu, de se mêler de la misère des mortels.

Adapté en jeu vidéo mais aussi au cinéma par Peter Fleischmann, Il est difficile d’être un dieu est un des chefs-d’œuvre de la science-fiction. Un roman intemporel, au message universel.

Arkadi et Boris Strougatski, nés respectivement en 1925 et 1923, sont les auteurs de science-fiction russes les plus connus au monde, notamment grâce à leur roman Stalker. Arkadi est mort en 1991.

L’avis de Philémont

Le régime féodal et totalitaire de la planète Arkanar réprime toute forme de culture, qu’elle soit scientifique, littéraire ou de toute autre nature à élever l’esprit. Pour les terriens, et notamment l’Institut d’histoire expérimentale, il s’agit là d’un terrain d’études extrêmement riche, bien qu’il faille se garder d’intervenir dans le déroulement naturel de l’Histoire de la planète. Pour Anton Roumata, l’un des deux cent cinquante membres de l’Institut sur Arkanar, le dilemme est cruel…

Puisque Roumata, en tant que Terrien, est doté de connaissances bien supérieures à celles de la société qu’il étudie, peut-il juger de ce dont il est témoin, et encore plus intervenir ? Ne serait-ce pas aller contre la volonté de tout un peuple ? Et ce peuple ne serait-il pas capable d’abattre lui-même ce régime politique qui l’oppresse dès lors qu’il l’aurait décidé collectivement ? Mais ne retomberait-il pas alors bien vite dans un régime différent mais tout aussi extrémiste ? Ce sont autant de questions auxquelles des réponses définitives sont impossibles à apporter et qui explicite le titre du roman d’Arkadi et Boris STROUGATSKI. Car réellement, pour Anton Roumata, malgré sa supériorité relative, « il est difficile d’être un dieu » et de se prononcer clairement sur tous ces sujets.

Les frères STROUGATSKI étant russes, et ayant écrit leur roman au moment de l’arrivée au pouvoir de Léonid Brejnev, on aura compris qu’il procèdent ici à une critique en règle de leur propre société. Mais la planète Arkanar trouve aussi son inspiration dans l’Allemagne nazie, et même dans l’Inquisition espagnole. En d’autres termes ce sont tous les régimes totalitaires qu’ils pointent du doigt, non pas pour juger mais pour montrer la complexité de ce qu’ils représentent. C’est pourquoi leur thématique est universelle et qu’elle demeure aujourd’hui d’actualité, les réponses aux questions qu’ils posent n’étant pas plus évidentes aujourd’hui qu’en 1964.

A ce titre Il est difficile d’être un dieu est une oeuvre particulièrement riche et intéressante. En revanche sa dimension politique est si imposante que ses caractéristiques romanesques demeurent au second plan tout au long du récit. D’une part l’intrigue, lente, linéaire, et finalement sans réelle surprise, ne sert que de toile de fond au questionnement des auteurs. D’autre part, et pour cette même raison, le lecteur a bien du mal à ressentir de l’empathie envers les personnages, et même pour le peuple d’Arkanar, qui reste finalement assez lointain dans son esprit.

Il est difficile d’être un dieu est finalement, et avant tout, un roman politique. La science-fiction n’intervient que dans la mise en scène d’une société lointaine, laquelle n’étant qu’un prétexte pour mieux analyser la notre.


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