Les Trois Royaumes

LOUO Kouan Tchong

Article publié le mercredi 15 juillet 2009 par Philémont
Mis à jour le lundi 3 août 2009

Quatrième de couverture

Chine, IIIe siècle. La dynastie Han touche à sa fin. Les Trois Royaumes Wei, Chou et Wou peinent à s’entendre et les rivalités sont vives. Tout commence quand Ts’ao Ts’ao, grand seigneur de la guerre, envahit le royaume de Wou avec ses millions de soldats. Souen K’ivan et Lieou Pei, ennemis de toujours, s’allient alors pour l’affronter, sur terre et sur mer. Véritable Iliade chinoise, cette extraordinaire saga retrace les destins de héros mythiques tels Lieou Pei, modèle de vertu et de loyauté, Ts’ao Ts’ao, cruel et calculateur, Tchou-Ko Leang le sage ou encore Kouan Yu le guerrier. Roman-fleuve rythmé par les batailles et les ballades poétiques où s’entremêlent mythe et histoire, Les Trois Royaumes est un classique de la littérature asiatique, transmis de génération en génération, et aujourd’hui un chef-d’œuvre incontesté de la littérature mondiale. Ses personnages sont aussi familiers aux Chinois que nos trois mousquetaires, et l’inquiétante figure de Ts’ao Ts’ao a troublé les rêves de maints petits Chinois de treize ans, comme le cardinal de Richelieu est venu effrayer notre enfance.

Louo Kouan-Tchong est un écrivain chinois qui a vécu sous la dynastie Ming au XVIe siècle. On sait peu de choses sur il aurait participé à la rédaction, avec Shi Nai’an, d’un autre illustre roman épique chinois. Au bord de l’eau. Le premier volet des Trois Royaumes, adapté au cinéma par John Woo, est à ce jour le film chinois le plus vu de tous les temps.

L’avis de Philémont

Les Trois Royaumes est un roman historique chinois écrit au XIVème siècle par LOUO Kouan-tchong (parfois orthographié Luo Guanzhong), lui-même inspiré de l’oeuvre de TCH’EN Cheou, historien chinois du IIIème siècle. Le roman est consacré à la fin de la dynastie Han et à la période pendant laquelle trois royaumes s’affrontèrent pour la domination de la Chine, ce qui couvre une période allant de l’an 184 à l’an 280 après Jésus-Christ.

Il s’agit par ailleurs du premier roman complet divisé en chapitres distincts à apparaître en Chine et est considéré par la critique comme le premier des Quatre livres extraordinaires de la littérature chinoise (avant Au bord de l’eau, La pérégrination vers l’Ouest et Le rêve dans le pavillon rouge). Il est d’ailleurs vrai que l’oeuvre a eu un impact profond sur la société chinoise, son titre original (Sanguo Yanyi) indiquant qu’il fait de la vertu son thème principal, qualité fondamentale en Chine avant la révolution culturelle. Mais au-delà de cela, les épisodes variés du roman ont été transmis à toutes les couches de la société chinoise par le biais de multiples supports culturels, ce qui en fait une histoire connue dans tous les foyers du pays. On en veut pour preuve que la récente adaptation cinématographique de John WOO a battu tous les records au box-office asiatique.

Mais revenons à l’oeuvre écrite proprement dite. Celle-ci est massive (120 chapitres répartis sur plus de 2000 pages) et prend la forme d’une véritable chronique linéaire des évènements qui se sont déroulés sur près d’un siècle. On y suit les aventures d’une multitude de personnages, tous ayant vocation à être considérés comme des héros, mais aucun ne prenant spécialement l’ascendant sur les autres. Comme suggéré plus haut, l’oeuvre vise à mettre en valeur la vertu ; or celle-ci pouvant prendre des formes multiples, chaque personnage peut prétendre à la domination des autres et à la prise du pouvoir dans l’Empire. C’est d’ailleurs la source de la division et ce qui explique que tous les personnages sont avant tout des guerriers, dotés par ailleurs d’autres qualités plus subtiles. Ainsi, Les Trois Royaumes fait la part belle aux combats, mais justifie ceux-ci par des raisonnements et des intrigues très fouillés. De ce point de vue, et toute proportion gardée, le récit n’est pas sans rappeler cette Fantasy contemporaine qui s’appuie sur des intrigues de cours pour développer ses histoires.

Citons tout de même quelques personnages parmi les plus importants. Lieou Pei s’appuie justement sur la vertu, et un conseiller brillant, pour se tailler un royaume au Sseu-tch’ouan (le Chou) et se décerner le titre d’empereur quand son rival du Nord fonde sa propre dynastie. Ce dernier est Ts’ao Ts’ao, l’homme fort des vestiges de la cour des Han, qui s’appuie sur son autorité et ses qualités de stratège pour fonder le royaume de Wei. Quant au Sud, il est dirigé par Souen K’iuan, qui s’appuie sur son bon droit, et de solides défenses naturelles, pour reconstituer le royaume de Wou au gré des opportunités d’alliance avec l’un ou l’autre de ses rivaux. Aucun de ces trois-là ne réunifiera pourtant l’Empire. C’est un personnage secondaire qui y parviendra, et ce consécutivement à une trahison. Cela consacre définitivement le fait qu’il est difficile de définir Les Trois Royaumes par rapport à un personnage unique, que tous sont importants dans la chronique de l’Histoire, et que l’Empire, et donc la société chinoise, est une entité collective dans le sens le plus pur du terme. Alors finalement, ce sont encore les toutes premières phrases du roman qui résument le mieux l’ensemble de l’oeuvre : " Parlons maintenant de la situation générale du monde. Ce qui fut longtemps divisé doit assurément, un jour, retrouver son unité. Et ce qui, longtemps, fut uni, doit un jour, fatalement, se diviser à nouveau ".

Quant à la prose de LOUO Kouan-tchong, comme dans la plupart des oeuvres de la littérature classique chinoise, elle est étonnamment moderne malgré son âge. Factuelle, elle ne s’embarrasse d’aucun artefacts et va droit à l’essentiel. Cela donne un rythme soutenu à l’ensemble de l’oeuvre, tempéré parfois par une impression de répétitivité, en particulier dans les scènes de combat. Mais l’auteur sait aussi retourner les situations et captiver ses lecteurs quand il décrit les machinations politiques. Finalement, le plus difficile pour le lecteur occidental est probablement de s’habituer aux noms des multiples personnages, en plus doublés de noms sociaux (tseu), en quelque sorte des surnoms, la plupart du temps éloignés des noms principaux. Mais cela n’empêche nullement de suivre le fil de l’histoire, d’autant que les personnages principaux deviennent, avec l’habitude, facilement identifiables.

Les Trois Royaumes est donc une oeuvre passionnante à plus d’un titre. Elle décrit une période cruciale dans l’Histoire de la Chine ; elle est un classique de la littérature mondiale ; elle est aussi dotée de qualités romanesques à même de captiver un lecteur en quête d’imaginaire, d’autant que comme souvent dans la littérature chinoise, le surnaturel n’est jamais très éloigné de la réalité.


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