Roi du matin, reine du jour

McDONALD Ian

Article publié le dimanche 10 mai 2009 par Philémont

Quatrième de couverture

Emily Desmond, Jessica Caldwell, Enye MacColl, trois générations de femmes irlandaises, folles pour certains, sorcières pour d’autres. La première fréquente les lutins du bois de Bridestone quand son père, astronome, essaie de communiquer avec des extraterrestres qu’il imagine embarqués sur une comète. La seconde, jeune Dublinoise mythomane, se réfugie dans ses mensonges parce que la vérité est sans doute trop dure à supporter. Quant à Enye MacColl, katana à la main, elle mène un combat secret contre des monstres venus d’on ne sait où.

Creusant la même veine, âpre et magique, que La Forêt des Mythagos de Robert Holdstock, Roi du matin, reine du jour nous convie à un incroyable voyage dans l’histoire et la mythologie irlandaises.

Né en Angleterre, mais ayant presque toujours vécu en Irlande, Ian McDonald est un des auteurs les plus en vue de ces dix dernières années. Ses deux derniers romans, d’une énorme ambition thématique et stylistique, ont été finalistes du prestigieux prix Hugo.

L’avis de Philémont

Roi du matin, reine du jour est un triptyque dont chaque partie est consacrée à une génération de femmes irlandaises.

En 1913, Emily Desmond est une jeune fille à peine sortie de l’adolescence. Alors que son père, astronome, est convaincu de pouvoir communiquer avec des extraterrestres, elle-même est convaincue que le bois qui entoure le domaine familial est habité par le petit peuple. Ce qui débute comme la conséquence d’une imagination fertile de la part d’une adolescente devient de plus en plus inquiétant pour finalement virer à la tragédie…

Une vingtaine d’années plus tard, Jessica Caldwell est une jeune dublinoise quelque peu mythomane. Elle finit par s’enticher d’un jeune combattant de l’IRA avec qui elle fuit sa vie morne. Ce faisant, elle découvre que les chimères qui la hantent ne relèvent pas que de son imaginaire, et qu’elle ne se connaissait finalement pas elle-même, à commencer par ses origines…

De nos jours, Enye MacColl travaille le jour dans une agence de publicité, et combat la nuit les monstres qu’elle ne manque pas de croiser. Et c’est quand la vie moderne se fait de plus en plus dure et artificielle que les monstres en question se font plus dangereux encore. Et elle aussi doit découvrir son passé et ses origines pour gagner son ultime combat…

L’indépendance de ces trois parties n’est évidemment qu’apparente. Non seulement les trois héroïnes sont liées par le sang et un don, mais le propos de Ian McDONALD est aussi de montrer que les mythes collectifs évoluent avec le temps parallèlement aux mutations sociétales. C’est ainsi que le petit peule d’Emily Desmond se fait de plus en plus inquiétant à une époque où la voix des indépendantistes se fait pressante. C’est ainsi que celui de Jessica Caldwell est carrément dangereux, au sortir de la guerre civile des années vingt et à la veille de la seconde guerre mondiale. C’est ainsi que celui d’Enye MacColl est à l’image de la société capitaliste irlandaise, une société où l’être humain n’est désormais guère plus qu’un consommateur sans cesse en quête des dernières nouveautés à la mode.

Ainsi Ian McDONALD nous raconte l’Histoire de l’Irlande du XXème siècle au regard des mythes qui ont de tout temps été associés à ce pays. Il accentue encore cette impression d’évolution en associant à chaque partie un style narratif distinct. A la première partie sont associés des extraits de journaux intimes, à la deuxième ce sont trois voix distinctes qui se répondent, à la troisième c’est le récit brut d’une jeune femme moderne.

Cela fait de Roi du matin, reine du jour une oeuvre particulièrement riche. Les références mythologiques et historiques irlandaises sont bien évidemment nombreuses, ce qui incite à penser que le lecteur appréciera d’autant plus qu’il aura préalablement quelques notions sur ces sujets. Néanmoins, le propos de fond et le mode de traitement sont suffisamment universels pour que le néophyte dans la matière d’Irlande y trouve son compte. Notons aussi que la thématique du roman fait immanquablement penser à La forêt des Mythagos de Robert HOLDSTOCK. Toutefois quand ce dernier fait plonger ses héros dans les mythes d’antan, McDONALD fait surgir lui les mythes dans le monde d’aujourd’hui, en tout cas dans celui du XXème siècle. Cela rend l’oeuvre relativement plus facile d’accès que celle d’HOLDSTOCK.


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