Outrage et rébellion

DUFOUR Catherine

Article publié le lundi 16 mars 2009 par Philémont

Quatrième de couverture

2320, ouest de la Chine. Les élèves de la très chic pension des Conglin s’ennuient dans leur prison dorée. Marquis, le plus enragé d’entre eux, se révolte brusquement : il invente, ou plutôt réinvente, une musique pleine de colère qui va fédérer tous les élèves contre les surveillants. Fuyant la répression qui s’abat sur les Conglin, Marquis se réfugie dans les sous-sols de Shanghai où l’attendent l’amour et la guerre.

Le Rock s’est brûlé les ailes à la fin des sixties ; le Punk s’est dilué dans l’héroïne avant d’avoir pu faire la peau de Ronald Reagan et de Margaret Thatcher… Est-ce que la musique de Marquis sera assez puissante pour renverser la dictature qui écrase Shanghai ?

Avec Le Goût de l’immortalité, situé dans le même futur qu’Outrage et rébellion, Catherine Dufour a récolté toutes les récompenses de l’imaginaire francophone : prix Rosny aîné, Grand Prix de l’Imaginaire, prix Bob Morane, Grand Prix de la Science-Fiction française.

L’avis de Philémont

Please kill me est une Histoire du protopunk publiée en France aux Editions Allia. Il s’agit d’un ouvrage remarquable à plus d’un titre, à commencer par celui de sa forme. Composée exclusivement d’extraits d’interviews des acteurs de ce mouvement culturel, montés de manière vivante et nerveuse, l’oeuvre devient ainsi comparable à un roman au moment de sa lecture.

Outrage et rébellion de Catherine DUFOUR s’inspire ouvertement de Please Kill Me. L’auteure adopte en effet la même forme pour son roman, citant successivement les multiples protagonistes de son histoire, sans jamais faire intervenir le moindre narrateur extérieur. En outre ses personnages sont inspirés des véritables acteurs du mouvement punk ; elle les incarne simplement dans la peau de personnages adolescents et de type asiatique. Enfin son récit se situe au XXIVème siècle du côté de Shanghai.

La Chine est en effet devenue le centre névralgique d’une Terre invivable du fait d’une pollution aussi diverse que dégénérative. La population est stratifiée strictement, les nantis vivant dans les tours, les pauvres dans les caves, la classe moyenne entre les deux. Politiques et scientifiques se disputent le pouvoir mais veillent chacun à ce que l’ordre établi ne soit pas bouleversé. Et puis il y a les pensions, ces lieux où semblent élevés des enfants par des monos qui veillent à leur santé et à ce qu’ils n’aient que des activités orthodoxes, donc ennuyeuses. C’est cette jeunesse qui se révolte en réinventant, 350 ans après sa première naissance, la culture du Sex, Drug & Rock’n Roll qui fait vaciller sur ses bases une société sclérosée.

Et c’est cette révolution que nous raconte une multitude de témoins. Mais ces personnages ne sont pas dotés d’une éducation exceptionnelle et doivent se contenter d’un vocabulaire limité pour nous raconter leur histoire ; en fait il n’y a guère que dans les injures et les propos orduriers qu’ils montrent une imagination débordante. En outre, le sexe, la drogue et la musique, même s’ils sont peu talentueux dans cette discipline, sont leurs seuls centres d’intérêt.

Le lecteur peut donc se demander où va bien pouvoir arriver l’auteure avec un tel choix de forme pour son roman. Et bien, contre toute attente, Catherine DUFOUR parvient bel et bien à raconter aux lecteurs une histoire qui se tient en montrant que le désoeuvrement et l’autodestruction de la jeunesse peut s’avérer salutaire pour la société toute entière. Bien sûr la vie de cette jeunesse est glauque et souvent tragique, mais l’auteure se veut finalement optimiste, surtout si l’on met en parallèle son histoire et la réalité historique du mouvement punk des années 70, qui lui s’est éteint avant d’avoir achevé sa révolution. Ce faisant, Catherine DUFOUR démontre une nouvelle fois qu’elle est une auteure inspirée qui sait s’approprier ses modèles pour en faire des oeuvres profondément personnelles et originales.


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