Vélum

DUNCAN Hal

Article publié le vendredi 14 novembre 2008 par Philémont

Quatrième de couverture

Depuis des temps immémoriaux, le siège de Dieu est vacant. Ses anges et tous ceux dont le sang se charge d’un parcelle de divin, les Amortels, se sont divisés en deux clans : les Souverains et l’Alliance. Leur guerre n’a pas lieu dans les cieux, mais sur le Vélum, ce tissu de mondes en comparaison duquel notre Terre n’est qu’une trace de crasse sous l’ongle d’un pouce. Pour Finnan et Phreedom, qui refusent de choisir leur camp, le temps est compté, car la guerre des cieux sera bientôt totale.

Parution évènement de l’année 2005 en Grande-Bretagne, Vélum est le premier volume d’un diptyque, Le livre de toutes les heures, qui s’achèvera l’an prochain avec Encre. Souvent comparé à L’Échiquier du mal, cette fresque apocalyptique, d’une ambition rare, s’adresse tout autant aux lecteurs de Dan Simmons qu’à ceux du Festin nu de William S. Burroughs.

Hal Duncan est écossais. Il vit à Glasgow. Le succès de Vélum, traduit dans de nombreux pays, l’a consacré comme un des meilleurs écrivains du genre.

L’avis de Philémont :

Le Vélum est un multivers dans lequel coexistent une infinité de mondes, parmi lesquels le nôtre ne se démarque guère. Dans le Vélum, le temps est en effet tridimensionnel. Il y a bien sûr la dimension classique (le passé, le présent et le futur), mais il y a aussi une dimension parallèle, dans laquelle l’Histoire peut avoir pris une route totalement différente de celle que l’on connaît. Et il y a encore une dimension perpendiculaire, plus métaphysique, symbolisée par des univers morts (l’Enfer, ou le bas) et le vide, ou peut-être bien l’infini (les Cieux, ou le haut).

Les divinités, appelées Amortels, ont choisi le Vélum tout entier comme champ de bataille pour la guerre qui les déchire. Le trône de Dieu est en effet vacant est c’est autour de Métatron, l’ange-gardien du Seigneur et de son trône que s’est constituée l’Alliance. A l’opposé, les Souverains sont des divinités anciennes qui refusent le diktat de l’Alliance et comptent bien le lui disputer.

Le Vélum vit à l’heure du Livre de Toutes les Heures, un ouvrage au contenu changeant, qui contient tout, mentionnant tous les noms, et dont la lecture semble rendre fou. Ce livre est découvert au début de notre XXIème siècle par Guy Reynard Carter qui, obsédé par une légende familiale, veut en percer les secrets et de ce fait s’enfonce au plus profond du Vélum pour en devenir témoin actif.

Là Carter découvre que tous les Amortels n’ont pas choisis leur camp et que certains refusent de prendre part à la guerre. C’est le cas de Phreedom, jeune rebelle qui incarna Inanna dans un autre monde, celui de la mythologie sumérienne ; c’est aussi le cas de Finnan en lutte perpétuelle contre l’autorité et qui incarna lui le Prométhée de la mythologie grecque. Et en refusant de prendre part à la guerre des cieux, Phreedom revivra la descente aux enfers d’Inanna dans son Amérique du XXIème siècle ; pour Finnan ce sera le calvaire de Prométhée dans l’Europe sanglante du début du XXème siècle.

Si cette brève présentation de l’intrigue de Vélum peut paraître complexe, il n’en reste pas moins qu’elle l’est bien moins que dans la réalité. Car, à l’image du Livre de Toutes les Heures, Vélum est un entrelacement perpétuel de petits chapitres par le biais desquels le lecteur se trouve plongé subitement dans un tout autre univers que celui dans lequel il était immergé précédemment. Il y croise divers personnages en divers espace-temps qui ne sont rien d’autres que des incarnations différentes des mêmes caractères en des lieux et des époques différentes. Ainsi, Phreedom et Finnan, respectivement personnages centraux des première et deuxième partie, ont des liens étroits dans les deux. De même Carter, en s’immergeant dans le Vélum, apparaît à tout moment et en tous lieux. Et il y en a bien d’autres…

Et que le lecteur ne compte pas trop sur Hal DUNCAN pour lui donner les clés de son intrigue. Vélum est un roman qui demande au lecteur une attention de tous les instants, qui nécessite souvent des allers et retours dans les chapitres, qui contraint parfois d’accepter de rester dans le flou, et qui demandera inévitablement de nombreuses lectures pour en appréhender toutes les dimensions. De plus, DUNCAN use et abuse de son érudition en matière d’Histoire, notamment contemporaine, et de mythes originels. A ce niveau non plus, il ne faut guère compter sur l’auteur pour faire preuve de pédagogie. Le lecteur a donc tout intérêt à être préalablement armé, ou alors à accepter de se documenter en cours de lecture. Enfin Vélum est une oeuvre pleine de références littéraires. Bien sûr le Vélum fait immanquablement penser au multivers de MOORCOCK. De même, Le Livre de Toutes les Heures, parfois appelé Macronomicon et dont un certain Liebkraft a abondamment parlé, est un hommage ouvert à LOVECRAFT. Mais c’est surtout à BORGES et à son Livre de sable que Le Livre de Toutes les Heures fait penser. En effet, comme le sable semble comporter un nombre infini de grains, Le Livre de Toutes les Heures semble être composé lui d’un nombre infini de pages.

Vélum est donc un roman éminemment complexe. Pourtant l’écriture de Hal DUNCAN est telle qu’il est difficile de ne pas se laisser prendre à son jeu. A la fois joliment travaillée et nerveuse, elle est terriblement efficace et ne peut qu’inciter le lecteur à tourner les pages avec frénésie, en dépit des zones d’incompréhension qu’il rencontrera inévitablement. De ce fait, et au fur et à mesure que la lecture avance, le dessein de l’auteur apparaît ainsi que, en filigrane, son message, plus politique celui-là.

Au final, ce premier tome du diptyque Le Livre de Toutes les Heures est une oeuvre qui ne peut laisser indifférent. Soit le lecteur y adhère totalement dès le départ et il vivra une expérience littéraire particulièrement marquante. Soit le lecteur ne s’implique pas et il pourrait bien abandonner sa lecture en cours pour revenir très vite vers une littérature de pur divertissement. Mais dans ce dernier cas, il pourrait aussi avoir conscience d’être passé à côté d’une oeuvre aussi forte que rare.


Réactions sur cet article

Aucune réaction pour le moment!



 
Propulsé par SPIP 1.9.2g | Suivre la vie du site RSS 2.0