Le convive des dernières fêtes

VILLIERS DE l’ISLE-ADAM Auguste

Article publié le mardi 3 juin 2008 par Philémont

Quatrième de couverture

Villiers, à Paris, voulait jouer avec le concept de la cruauté, tout comme Baudelaire jouait avec le mal et le péché. Aujourd’hui, malheureusement, nous nous connaissons trop pour jouer avec eux. Contes cruels est à présent un titre ingénu ; il ne l’était pas lorsque Villiers de l’Isle-Adam, mi-grandiloquent mi-ému, le proposa aux cénacles de Paris. Ce grand seigneur presque indigent, qui se sentait le protagoniste endeuillé de duels imaginaires et d’imaginales fictions, a imposé son image dans l’histoire de la littérature française. Moins qu’à Véra, moins qu’au Juif aragonais, moins qu’à Tsé-i-La il est vrai, nous pensons et continuerons de penser à Villiers de l’Isle-Aldam.

Jorge Luis Borges

L’avis de Philémont

Il y a la bibliothèque, lieu de conservation et de mise à disposition du patrimoine culturel, où règne l’ordre le plus strict. Il y a aussi Babel, édifice inachevé évoquant ruine et confusion, éminemment représentatif du chaos. Et puis il y a La bibliothèque de Babel…

La bibliothèque de Babel c’est déjà une nouvelle de Jorge Luis BORGES écrite en 1941. Chef-d’œuvre incontesté de la littérature mondiale, en à peine dix pages il évoque l’Univers tout entier, grâce à une vision métaphorique du sens de toutes choses. La bibliothèque de Babel c’est aussi une collection créée par le même Jorge Luis BORGES chez l’éditeur Franco Maria Ricci en 1972, et qui a réuni en trente recueils les plus grands textes de la littérature Fantastique.

Depuis 2006, cette collection est ressuscitée en fac-similé grâce aux éditions du Panama. Le convive des dernières fêtes de VILLIERS DE l’ISLE-ADAM est le sixième volume ainsi réédité.

En sept petites nouvelles très diverses, la plupart tirées de ses Contes cruels (1883 et 1888), cet auteur français du XIXème siècle montre une appétence pour l’horreur assez incroyable. C’est d’autant plus remarquable, que la prose de cet auteur majeur du symbolisme est particulièrement élégante. C’est d’ailleurs ainsi que son fantastique est dispensé par petites touches délicates et qu’il se situe toujours à la frontière du réel.

Par exemple, dans Le convive des dernières fêtes, première et plus longue nouvelle du recueil, un mystérieux invité inquiète les participants à une fête de la petite bourgeoisie, en suscitant l’impression d’une réminiscence du Diable ou de la Mort ; mais la vérité est bien pire puisque fortement ancrée dans le réel. La torture par l’espérance, "un des chefs d’oeuvre de la nouvelle" selon BORGES, met quant à elle en scène un supplice moral infligé à un juif prisonnier de l’inquisition espagnole. L’aventure de Tsé-i-La est celle d’un homme pauvre envoyé comme émissaire par son peuple devant un roi connu pour sa cruauté. L’Enjeu conte comment un secret de l’Eglise est dévoilé par un prêtre désargenté qui l’a misé au jeu. La Reine Ysabeau montre comment ce personnage annonce à son amant son supplice prochain. Sombre récit, conteur plus sombre est la terrible histoire d’un jeune homme qui a accepté un duel. Véra raconte le destin cruel de l’époux face au décès de sa bien-aimée.

Toutes ces nouvelles ont pour point commun le cynisme. Une atmosphère sombre est également présente dans tous les textes. Qu’ils prennent place dans la bonne société du XIXème siècle, ou en des lieux et temps plus ou moins déterminés, s’ils avaient été écrits récemment, il est certains qu’ils auraient été qualifiés de "gothiques". Cela place VILLIERS DE L’ISLE-ADAM comme un précurseur, au même titre qu’il est aussi l’auteur d’un ouvrage fondateur pour la Science-Fiction : L’Eve future (1886).


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