Le T’Sank (Tome 1 du cycle d’Alamänder)

FLAMAND Alexis

Article publié le lundi 9 juin 2008 par Cyrallen
Mis à jour le vendredi 29 août 2008

Quatrième de couverture

Dites adieu aux orques, aux elfes, aux dragons ! Aujourd’hui, vous partez pour Alamänder. Allez donc saluer Anquidiath, le demi-dieu enfoui sous la montagne, chatouiller les monstrueux poulpes de guerre, flâner parmi les épis du champ de blé carnivore !

Aurez-vous le cran de suivre Maek, jeune homme en quête d’une mythique école d’exécuteurs ? Serez vous digne de devenir le disciple de Jonas, détective spécialiste dans les affaires criminelles magiques ?

Si c’est le cas, préparez-vous à découvrir un monde où se côtoient humour, intrigues policères et créatures improbables. Un monde original et farfelu d’où vous ne reviendrez peut-être pas indemne.

On vous aura prévenu.

Alexis Flamand, passionné par la création d’univers sous toutes ses formes, a trouvé dans l’écriture le moyen idéal d’exprimer son imagination foisonnante. Alamänder se veut un vibrant hommage aux épopées flamboyantes de Vance, Leiber et Zelazny.

L’avis de Cyrallen :

Deux histoires qui se déroulent en parallèle dans ce premier tome. On suit à la fois les péripéties d’un Questeur, Jon, sorte de mage-enquêteur, qui cherche à sauver sa maison de la démolition par les troupes de son nouveau Roi et la création d’une école d’exécuteurs par un jeune homme qui fait froid dans le dos, Maek.

Certains passages n’ont rien à envier au style humoristique de Gaiman et Pratchett, une fantasy qui ne se prend pas au sérieux mais dont l’auteur sait où il va.
Le titre de ce premier volume, Le T’Sank, rappelle les sonorités des deux premiers titres du Cycle de Tschaï de Jack Vance (T1 : Le Chasch, T2 : Le Wankh) et présente comme dans ce monument de la SF des créatures étranges comme les Skorjs, ces énormes poulpes de combat terrestre qui servent de monture lorsqu’ils sont de bonne humeur.
On trouve également une multitude d’inventions plus farfelues les unes que les autres :
- des agriculteurs qui risquent leur peau en élaborant des techniques leur permettant de moissonner avec style les redoutables carno-céréales ;
- un démon mineur farceur très attaché à son maître pour le meilleur comme pour le pire ;
- une structure végétale au cycle de vie très complexe et qui donne son nom au monde d’Alamänder ;
- une ville royale très animée (qui rappelle un peu la capitale Ankh-Morpork du cycle du Disque-Monde de Pratchett) dont la population utilise des codes de conduite pour le moins compliqués et dont les monuments recèlent de multiples secrets architecturaux…

Une fantasy relevée, imaginative, haute en couleurs et pour ne rien gâcher, pleine d’humour.
A noter l’excellente idée de l’interview des personnages en postface, ce qui les attache au lecteur définitivement pour les volumes suivants.

Un très bon moment de lecture que je recommande aux amateurs d’énigmes policières, de magie et d’univers travaillés.
Vivement la suite !

Extraits :

1- Les soirs de veillées, chacun racontait ses prouesses du jour. On échangeait des souvenirs sur les morts de la semaine, on rappelait pour la millième fois comment les héros d’autrefois arrachaient les épis à mains nues. On évoquait avec nostalgie l’âge d’or où les céréales n’étaient pas belliqueuses. Chacun crachait par terre au souvenir de ce mage maudit qui avait cru bien faire en modifiant quelques épis afin qu’ils se récoltent tout seuls. Les paupières se plissaient au souvenir de l’éveil des céréales à la conscience, de leur découverte du sort effroyable réservé à leurs congénères. Et l’on achevait la saga, des trémolos dans la voix, en relatant l’organisation de la résistance chez les graminées. Depuis ce jour, les paillons n’étaient plus les seuls à être fauchés : le champ prélevait lui aussi sa part de sang sur les moissonneurs devenus guerriers.

2- Le garçon avait peu à peu gagné en prestance et en douceur, jusqu’au jour où l’intérêt de ses parents s’était émoussé devant son mutisme songeur.
Comme si ce tempérament étrange ne suffisait pas, on finit par s’apercevoir qu’il ne grandissait plus. Détail bouleversant mais indiscutable, l’enfant n’avais pas pris un seul pouce en plusieurs années.
La nouvelle fit de nombreuses fois le tour de la friche. Chacun faisait part de ses conclusions au sujet de l’affaire. Quelques-uns proposèrent de débarrasser la communauté de Maek. Après tout, la survie de la friche était constamment en sursis, on ne pouvait s’autoriser à remettre en cause des générations de sélection naturelle pour finalement accueillir un infirme. (…)
La réaction de la prétendue génitrice fut différente. Elle consulta à plusieurs reprises le sage du village, un vieil illuminé qu’un avait vu descendre du nord de nombreuses années auparavant, et dont l’activité principale consistait à alterner visions prophétiques et éthyliques. L’essentiel de ses revenus provenait des femmes enceintes désirant connaître le sexe de leur futur bambin afin de s’en réjouir si c’était un garçon. (…)
Le devin avait la réputation de donner la bonne réponses dans environ un cas sur deux, ce qui convenait fort bien à ces agriculteurs peu férus de statistique.

3- Bienvenue à Ker-Fresnel.
Le présent fascicule a pour but de vous familiariser avec notre capitale, joyau de l’empire kung-bohréen. […]

Vous, agents secrets étrangers, êtes les bienvenus. Vous contribuez au prestige de notre pays en permettant à notre armée de s’entraîner à bas prix. Les survivants jouissent automatiquement du droit à une juste servitude, régie par un cadre juridique rigoureux établi par des générations d’esclaves administratifs.
Notez qu’un espion peut faire à tout moment une demande auprès des services compétents afin de devenir agent double. La sécurité sociale de notre capitale protège aussi les activités de ses agents triples et quadruples. Au-delà, la complexité de la situation ne permet qu’une consultation régulière et gratuite chez un psychiatre homologué. […]

Les armes de nos vigiles ne sont pas munies de dispositifs de sûreté. Vous serez donc avisés de ne pas vous retrouver au contact de leurs lames au cours des manoeuvres de répression ou tentatives de soulèvement.
Une boîte à compliments est à votre disposition près de l’endroit où l’on vous a remis ce fascicule d’information. N’hésitez pas à l’utiliser.

Ernst XXX vous ordonne de passer un agréable séjour dans notre capitale. - Extrait du dépliant de bienvenue à Ker-Fresnel -

4- Le Roi Ernst XXX vous souhaite une bonne journée, Ser.
- Merci, répondit Jon, sur la défensive.
- Ser vient-il pour affaire ou pour visiter ?
- Pour affaire.
- Fort bien. Il a donc l’intention d’acheter une patente commerciale ?
- En fait, pas pour le moment. Je viens d’abord me renseigner sur les opportunités, tâter le terrain, vous voyez.
- Je vois. Profession et nationalité, je vous prie ?
- Je suis Mehnzotain. Questeur.
Le garde se leva et parcourut un tableau de la pointe de son crayon.
"Mehnzotain, Menhzotain. Voilà. Nous disons donc : Questeur. Ça fait quoi, un Questeur ?
- Ça enquête dans le milieu de la magie.
- Ah. J’ai sourcier, là. C’est un peu dans le même genre, non ?
- Pas vraiment.
- Astrologue ? Liseur d’entrailles ? Derviche ?
- Non plus."
Le garde eut l’air ennuyé. Il jeta un regard en coin au magicien, puis griffonna quelques mots sur le tableau. Il décrocha ensuite un cornet relié au mur par un tuyau de cuivre, actionna une manivelle et demanda à ce que la catégorie Questeur soit ajoutée. Il revint s’installer au guichet.
"Voilà. Questeur. Parfait. Revenons à nos moufres. Ser a-t-il l’intention de se laisser pousser barbe ou moustache ?
- Je vous demande pardon ?
- Notre bon souverain combat la vermine avec détermination. Une taxe est prélevée sur tout porteur d’un attribut viril de ce type. Notez qu’une formule spéciale est disponible pour l’ensemble barbe et moustache. Ce n’est pas tout. Une partie de la somme est reversée à une association féministe pour compenser le fait que ces dames ne peuvent disposer de cet avantage masculin. Intéressé ?
- Pas pour le moment, je vais réfléchir.
- Dans ce cas, je dois fournir à Ser une autorisation de rasage. Notre bon souverain lutte chaque jour contre les accidents domestiques causés par l’utilisation de rasoirs en mauvais état. Notez qu’une partie de la somme est reversée à l’association féminine sus-décrite pour les raisons invoquées précédemment. Vous m’écoutez, là ?
- Pardonnez-moi, un soudain mal de tête. A combien notre bon souverain estime-t-il le droit de se raser ?
- Cela dépend de la durée de votre contrat. Vous raserez-vous tous les jours ?
- Eh bien, pour tout vous dire, je ne me rase jamais.
- Vous préférez donc opter pour la taxe sur la barbe ?
- Non plus. Voyez-vous, nous autres Mehnzotains avons les poils de barbe qui poussent vers l’intérieur. Ils gagnent ensuite le haut de la tête pour y produire les cheveux.
Le soldat, yeux grands ouverts, considéra Jon un court moment, puis revint à sa feuille. Il répéta plusieurs fois la manœuvre avant de reprendre la parole :
"Ah.
- Oui. Je suppose que nous pouvons écarter la question. Autre chose ? _- Bien sûr. Etudions ensemble la question de la coiffure. Toujours dans le cadre de la lutte contre les parasites, pouvez-vous estimer le nombre de vos cheveux, à cinq mille près ?
- Attendez, attendez. Vous avez d’autres questions comme celle-ci ?
Le vigile le regarda sans comprendre. Jon prit sur lui de ne pas hurler.


Réactions sur cet article

Aucune réaction pour le moment!



 
Propulsé par SPIP 1.9.2g | Suivre la vie du site RSS 2.0