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"Echec et mat" d’Olivier Rouleau
Nouvelles & Extraits
L’antimatière serait-elle la clé des étoiles ? Ou du moins la seule porte de sortie d’un monde passé en phase critique d’anéantissement ? Les réponses se trouvent bien souvent plus proche de soi qu’on ne l’imagine.
Extraits :
"On me porte tant d’attention que je me commence vraiment à me sentir comme un condamné à mort quelques jours avant son exécution. Je sais que cette mission comporte de très gros risques mais c’est bien pour cela que je me suis porté volontaire. (…)
Les grosses têtes bien au chaud devant leurs ordinateurs dans leurs laboratoires m’assurent avoir tout prévu, même l’imprévisible. Ce n’est pas pour cela qu’ils vont s’entre-tuer pour avoir l’honneur de prendre ma place, loin s’en faut.
(…) J’en arrive donc directement à la partie sans laquelle le projet ne serait pas, la description de la matière noire, la matière anti-gravitationnelle. Découverte par hasard par un petit génie du sud de l’Italie voilà maintenant près de dix ans, elle n’a cessée d’intriguer les scientifiques du monde entier. Enfin, on avait peut-être trouvé la solution à la dégradation de la planète : la quitter."
"Echec et mat" par Olivier Rouleau :
De l’herbe, toujours de l’herbe, de l’herbe à perte de vue…
Je me réveille au milieu d’une immense prairie ininterrompue jusqu’à la ligne d’horizon où un ciel, d’un bleu sombre, contrastait violemment avec le vert intense de l’herbe gorgée d’humidité. Mes souvenirs sont flous. Comment suis-je arrivé ici ? Et surtout, qui suis-je ? Trop désorienté par ce spectacle d’une telle étrangeté, je ne m’étais pas encore rendu compte que mes vêtements étaient trempés. Sans doute étais-je allongé ici depuis un bon moment. Toujours assis, j’enlève donc mon blouson, le retourne et le tiens devant moi à bout de bras. Un écusson représentant deux ailes entrecroisées et entourées d’étoiles était cousu sur le côté gauche de celui-ci et en dessous, brodé en lettres d’argent, je pouvais lire :
— Lieutenant V. KERMANN —
« Vincent…, je m’appelle Vincent… » Des brides de souvenirs totalement décousus me reviennent en mémoire. Je suis pilote d’essai dans l’Air Force… j’ai grandi dans une ferme au sud de l’Arkansas… le jour de mes dix huit ans je me suis cassé la jambe en voulant épater les copains mais surtout Suzie Danniels pour laquelle j’avais le béguin à l’époque… et parmi tous ces souvenirs se bousculant dans ma tête, un nom revenait sans cesse, un nom sur lequel je n’arrive pas à mettre de visage, ce nom est composé de quatre lettres : EMMA.
Complètement absorbé par mes réflexions, me concentrant afin de mettre un peu d’ordre dans mes idées, je crus tout d’abord qu’il s’agissait d’une illusion de mon cerveau fatigué mais lorsque je l’entendis à nouveau, il n’y avait plus de doute possible, quelqu’un m’interpellait. Une personne se trouvant seulement à quelques mètres dans mon dos.
« Enfin… Enfin vous voilà ! »
Je me retourne…
Nous sommes le 3 septembre 2087, à moins d’une semaine du lancement prévu pour le 9. J’ai droit à une belle petite chambre toute aménagée en plein milieu d’une base ultra-secrète de l’Air Force qui elle-même se trouve perdue en plein milieu d’un désert quelque part sur la surface de cette bonne vieille Terre complètement asphyxiée. Tellement secrète que même moi, le pilote, je n’ai aucune idée de l’endroit où nous sommes.
On me porte tant d’attention que je me commence vraiment à me sentir comme un condamné à mort quelques jours avant son exécution. Je sais que cette mission comporte de très gros risques mais c’est bien pour cela que je me suis porté volontaire. Je n’ai pas de famille, pas d’attache, autant dire le client idéal pour ce genre d’expérience, car il s’agit bien d’une expérience. Cette fois-ci, je ne vais pas piloter un quelconque coucou, aussi sophistiqué soit-il, duquel je peux m’éjecter au moindre petit souci. Je n’aurai pas de deuxième chance. Les grosses têtes bien au chaud devant leurs ordinateurs dans leurs laboratoires m’assurent avoir tout prévu, même l’imprévisible. Ce n’est pas pour cela qu’ils vont s’entre-tuer pour avoir l’honneur de prendre ma place, loin s’en faut.
Les tests préparatoires se sont terminés fin août et je suis maintenant un peu plus tranquille pour réfléchir et me préparer sans pour autant savoir réellement ce qui m’attend, et je suis prêt à donner cent millions d’euros au premier péquin qui me dirait « t’en fais pas, j’en suis revenu, c’est du gâteau. »
Assis à mon bureau, je décide donc de feuilleter le dossier de la mission. Sur la pochette cartonnée on peut lire, en dessous de l’estampillage Top Secret, ‘Nom de code Mission Alpha : TROU DE VER’. Le premier feuillet rassemble mes relevés médicaux ainsi que les résultats des tests que j’ai enduré depuis plus de 18 mois. Je le place de côté. Trop de mauvais souvenirs. J’en arrive donc directement à la partie sans laquelle le projet ne serait pas, la description de la matière noire, la matière anti-gravitationnelle. Découverte par hasard par un petit génie du sud de l’Italie voilà maintenant près de dix ans, elle n’a cessée d’intriguer les scientifiques du monde entier. Enfin, on avait peut-être trouvé la solution à la dégradation de la planète : la quitter. En effet, des théories du début du XXième siècle prédisaient la possibilité de se déplacer plus vite que la lumière en repliant l’espace mais ce n’était qu’avec cette hypothétique matière noire que le voyage était possible sans mourir écrasé par les forces gravitationnelles. C’est donc en cette fin du XXIième siècle que l’avenir de l’humanité toute entière va se jouer.
J’ai dû suivre une formation spéciale très poussée en astrophysique et en astronautique appliquée pour pouvoir comprendre le fonctionnement de la machine la plus sophistiquée que l’homme n’ait jamais conçu. Bien que de dimensions raisonnables, elle ressemble à un cigare d’une centaine de mètres de long et d’une dizaine de mètres de diamètre dont la forme a été très précisément étudiée pour pouvoir résister aux énormes pressions qui seront exercées par le trou de ver, elle a dû être construite et assemblée dans l’espace en orbite autour de la lune. Ceci se comprend lorsque j’en arrive à la partie sur le système de propulsion qui, à la moindre défaillance, pourrait causer d’énormes dégâts en emportant avec lui une parcelle non négligeable de notre planète.
Le principe de fonctionnement est plutôt simple à comprendre dans ses grandes lignes. Il suffit d’ouvrir un trou noir à l’avant de l’appareil pour que celui-ci se trouve aspiré et il faut ensuite le refermer à l’arrière pour qu’il ne rentre pas dans le vortex où il finirait plus que certainement broyé. C’est là qu’intervient la matière noire en détruisant, par ses propriétés, les champs gravitationnels du trou de ver.
Nous sommes le 9 septembre, il est 10H04 du matin et j’attends que la navette de transit quitte les dernières couches de l’atmosphère pour enlever mon harnais de sécurité. J’aperçois la lune par le hublot et on se dirige droit sur ce disque argenté qui éclaire nos nuits à une vitesse vertigineuse. Dans à peine deux heures, nous serons en orbite lunaire.
Il est 12H29 et je me trouve à l’intérieur de la station orbitale de lancement alpha prime. Je me suis pourtant entraîné sur une maquette grandeur nature reconstituée sur terre mais cette sensation d’apesanteur et le décor extérieur rendent l’environnement vraiment plus étrange. A l’extrémité de la station spatiale, derrière le sas latéral droit, stationne EMMA. C’est le prénom qu’ont choisi ses concepteurs, s’inspirant, m’a t’ont dis, des initiales M.A. issues du terme Matière Anti-gravitationnelle. Reliée au sas par une passerelle hermétique, que j’emprunterai dans trois heures après les derniers préparatifs et l’interminable briefing sur les consignes de sécurités, je la vois reluire sous les rayons mortels du Soleil. Quel spectacle magnifique… Je ne peux m’empêcher de penser qu’il s’agit peut-être là, de la dernière chose que je verrai car dans très peu de temps, c’est moi qui serai aux premières loges lors de la mise en route.
Dans quelques instants, notre translation orbitale va nous entraîner dans l’ombre de la lune. Précaution devant permettre à la lune de faire bouclier en cas de problème majeur. On m’habille et on m’équipe de tout un tas d’appareillage de mesures et de contrôles. Je suis ensuite mené devant le sas par lequel n’est maintenant plus visible qu’une forme sombre faiblement éclairée par les spots externes du quai d’amarrage.
15H38, je sens la passerelle se séparer d’EMMA. Il n’y a plus de retour possible à ce stade de la procédure. Je n’ai plus qu’à attendre que les propulseurs d’appoints m’emmènent à environ dix mille kilomètres de la lune tout en restant dans l’ombre de celle-ci. Je ne peux rien voir du champ d’étoiles s’étendant devant moi car EMMA n’est pas équipée de hublots mais tout un tas d’instrument me renseignent sur l’état du module de propulsion ainsi que sur l’environnement extérieur.
15H51, les vibrations générées par les propulseurs d’appoints s’arrêtent tout d’un coup. EMMA et moi ne formons plus qu’un seul corps flottant librement dans l’espace. Je me souviens alors d’un de mes cours d’histoire lorsque j’étais lycéen… C’est vraiment étrange de constater comment le cerveau cherche des repères auxquels se raccrocher lors d’expériences particulièrement stressantes. Je me sens comme ce jeune Capitaine Strauss entré dans les livres d’histoire bien malgré lui il y a 75 ans. Je me souviens de ce cours comme si c’était hier. Les faits se sont déroulés en 2012, plus précisément le jour du 21 mars.
Cela faisait plusieurs années qu’une guerre sanglante sévissait dans le pays d’Israël, La Guerre des Fana comme beaucoup l’avaient appelée, et plus personne n’avait de solution pacifique pour régler le conflit. Les forces de l’union ont alors décidées d’un commun accord de mettre un terme à cette folie avant qu’elle n’ait embrasée la totalité de l’Orient et se répande sur toute la planète comme une traînée de poudre. Des centaines d’attentats ont été commis dans toutes les plus grandes villes du monde au nom de tel ou tel dieu et des milliers d’innocents sont morts dans cet étau religieux. Cela ne pouvait plus durer. Le 21 mars 2012, un bombardier de l’Union survola Israël à une hauteur 20 000 mètres. Dans la tourelle de largage, le Capitaine Strauss contemplait le paysage qui se déroulait sous ses yeux. Il savait qu’à quelques mètres derrière son siège, dans la soute, reposait la première bombe à antimatière jamais construite. Jérusalem se rapprochait et il attendait l’ordre.
La bombe était sensée exploser à 7 000 mètres d’altitude afin de ne pas affecter l’écorce terrestre, ce qui lui laissait aussi largement le temps de rejoindre la zone de sécurité. L’ordre vint et il tira le levier qui allait détruire sa vie. On lui avait pourtant ordonné de ne pas regarder mais pour une raison encore inconnue, il effectua un 180 degrés dans la zone de sécurité. Une explosion formidable se produisit. Toute la matière présente dans un rayon d’environ vingt kilomètres autour de la bombe, au moment du déclenchement, se transforma instantanément en énergie pure et le berceau des trois plus grandes religions de la Terre disparut en un éclair éblouissant. Strauss devint sur le coup aveugle et fou. Les militaires ont tout de même réussi à faire atterrir le bombardier grâce aux ordinateurs de navigation et à le récupérer. Certaines personnes prétendent alors que lorsqu’ils l’ont sorti du cockpit il hurlait les mots ‘j’ai vu le visage de Dieu’ sans cesse tout en s’arrachant les yeux avec ses ongles. Mais bien sur, aucun livre d’histoire n’y fait allusion.
Je ne suis absolument pas croyant mais je pense que s’il existe un Dieu, il est bien descendu sur terre ce jour là et a puni de son doigt tous ceux qui avaient osé utiliser son nom pour perpétrer les pires crimes imaginables. Sa marque restera à toujours gravée dans nos mémoire et sur la terre sous la forme d’un cratère d’un kilomètre de profondeur et de dix kilomètres de diamètre. Loin de moi l’idée de comparer l’Union avec Dieu mais je me suis renseigné et j’ai étudié tous les documents disponibles sur l’unique bombe à antimatière fabriquée et utilisée par l’humanité, et il n’y avait qu’une seule chance sur dix mille pour que l’annihilation totale des anti-atomes se produise… Coïncidence ? Ce n’est pas à moi d’en juger. En tout cas plus maintenant.
Je suis seul et les écrans de contrôle d’EMMA luisent doucement dans le silence de l’habitacle. Je n’ai pas peur de mourir, j’ai simplement peur de devenir fou comme le Capitaine Strauss, de voir quelque chose que je ne devrais pas voir… Sortant brusquement de ma rêverie, je me rends compte qu’il est bientôt l’heure d’actionner l’accumulateur de masse devant permettre l’ouverture d’un trou noir pas plus gros qu’une tête d’épingle mais largement suffisant pour aspirer EMMA dans le trou de ver.
Dix secondes avant la mise en route. Je retire les protections magnétiques de la matière noire d’une simple pression sur un bouton parmi tant d’autres. Je me sens tout d’un coup comme poussé vers l’avant par la main d’un géant coléreux. Je ne peux plus respirer… Encore trois secondes… Je tends la main vers le commutateur… deux secondes… Je pose mon doigt dessus, à peine conscient de ce que je suis en train de faire… une seconde… J’appuie…
« Enfin… Enfin vous voilà ! »
Je me retourne et je vois, se tenant derrière moi, un homme d’une trentaine d’années environ, grand et plutôt frêle de silhouette. Une fine barbe lui recouvre le visage et ses cheveux lui retombent sur les épaules. Habillé d’une simple toge blanche lui descendant jusqu’aux chevilles, il porte à ses pieds de fines sandales de ce qui me semble être du cuir tressé. Complètement pris au dépourvu par cette apparition et en ces circonstances particulièrement étranges, je ne sus quoi dire.
« Rassurez-vous Vincent, vous n’êtes pas mort. Seulement un peu secoué par le voyage.
- Où suis-je ? » Ai-je enfin réussi à articuler.
- « Chez moi. Et vous êtes le bienvenu.
- Qui êtes-vous ? Nous sommes nous déjà rencontré ? »
Je suis absolument certain d’avoir déjà vu cet homme quelque part. Son visage m’est étrangement familier mais je n’arrive pas à mettre le doigt dessus, sans doute à cause de mon esprit embrumé.
A cet instant, une seule idée me vient en tête, je suis fou et ce qui est arrivé au Capitaine Strauss est en train de m’arriver à moi. En ce moment même, je suis probablement en train d’halluciner et de parler à un mur capitonné dans un des hôpitaux psychiatriques de l’armée. L’expérience a échoué et j’ai perdu la boule, voilà tout. Cette idée venait tout juste de se frayer un chemin au travers de mon crâne que j’entendis :
« Pour vous prouver que vous n’êtes pas devenu fou, je vous suggère de lever les yeux au ciel et de constater par vous-même. »
Ce que je vis me fit suffoquer. J’étais devant un spectacle incroyable de beauté et compris à l’instant même que je n’étais pas de retour sur terre. Dans la pénombre de la nuit tombante, on commençait à apercevoir de plus en plus clairement le bras spiral d’une galaxie s’étendant pratiquement d’un bout à l’autre de l’horizon. Je devais sans aucun doute me trouver dans un système situé à l’apogée de l’axe vertical de cette galaxie.
- « Quelle vue magnifique, n’est-ce pas ?
- C’est absolument incroyable. »
Tellement de questions se bousculent dans ma bouche que je ne sais par laquelle commencer. Tout d’un coup, le déclic se produisit dans ma tête. Je me souviens de ce visage mais dans ma mémoire, il apparaissait sertit d’une auréole et encadré au dessus du lit de ma grand-mère.
« Vous êtes le Christ, je vous reconnais.
- Si cela peut vous faire plaisir. On me donne tant de noms différents que j’ai renoncé depuis bien longtemps à tous les retenir. »
Me sentant vraiment stupide, moi qui n’ai jamais mis les pieds dans une église, je réussis à me maîtriser.
« Je ne comprend pas ce que je fais ici ? Qui êtes-vous réellement et que voulez-vous de moi ?
- Calmez-vous, chaque chose en son temps. Regardez à nouveau le ciel et observez bien ce qui va se passer. »
Regarder en l’air commence à me donner le tournis. Je décide donc de m’allonger sur le dos et de profiter du spectacle. Je me surprends à penser que ce n’est pas si terrible que ça de devenir fou et que c’est même plutôt agréable de se laisser aller. Du coin de l’œil, je vis un point rouge apparaître dans l’un des bras de la galaxie et devenir de plus en plus visible.
« Voici votre Terre Vincent. »
Je reste complètement sidéré de me rendre compte qu’il s’agit là de la galaxie d’où je viens, c’est à peine croyable. D’autres points rouges apparaissent alors, de plus en plus nombreux. Des milliers, peut-être des dizaines de milliers de ces points luminescents parsèment maintenant la galaxie de part en part.
« Et voici toutes les civilisations émergeantes dont je suis le gardien… »
« Votre présence ici s’explique par le fait que chaque système planétaire de la galaxie hébergeant de la vie est directement relié à ce lieu par l’intermédiaire d’un tunnel ‘creusé’ dans le sub-éther, que vous surnommez ‘trou de ver’, afin que toute civilisation suffisamment évoluée et avancée technologiquement se retrouve immanquablement, un jour ou l’autre, sur cette planète. Et vous voilà…Comme vous pouvez le constater, la vie est particulièrement répandue dans l’univers mais je peux vous dire que son évolution reste souvent très primitive.
- Vous voulez dire par là que très peu de civilisations ont réussi à arriver jusqu’à vous ?
- Oui, vous êtes en quelque sorte la première forme de vie que je reçois chez moi mais je ne suis ici que depuis une centaine de vos siècles. Durant des millions et des millions d’années, mes prédécesseurs ont accueilli en ce lieu les formes de vie les plus exotiques et les plus diverses que l’univers ait créé. Je suis vraiment très heureux de pouvoir à nouveau parler avec un représentant de votre espèce. Je regrette seulement que vous n’y soyez pas arrivé.
- Mais de quoi parlez-vous ? Je ne comprends absolument rien de ce que vous dites.
- Il y a plusieurs siècles de cela, je suis venu sur votre planète en utilisant la forme corporelle sous laquelle je vous apparais en ce moment même. Persuadé de votre fort potentiel d’évolution, j’ai essayé malgré les réticences Du Conseil de vous unir et de vous montrer la voie. Je pensais sincèrement que vous pouviez apporter quelque chose à l’univers mais ma mission a échoué le jour où vous avez utilisé l’antimatière contre vous même. »
_ Le souvenir du Capitaine Strauss me revient alors à l’esprit comme une balle tirée à bout portant.
_ « Votre espèce ayant montré au cours de son histoire une forte propension à la sauvagerie et à l’autodestruction, Le Conseil m’a ordonné de le prévenir de toute incursion dans le sub-éther en provenance de votre planète. Ce que j’ai fait dès votre arrivée.
- Ce n’est pas possible, je suis en train de rêver.
_ - Non, vous ne rêvez pas. On m’avait bien prévenu que ce genre de situation s’était déjà rencontrée par le passé mais j’ai voulu y croire jusqu’au bout et malgré mes requêtes, Le Conseil a décidé d’annihiler toutes menaces avant que vous ne gangreniez une partie de la galaxie.
- NON ! Il faut que je parte d’ici ! Faites quelque chose ! Dites leurs d’arrêter tout de suite !!!
- Il est trop tard, Ils ont déjà amorcé la procédure de destruction de votre soleil, je suis désolé. La phase trois de l’effondrement supernova est atteint. Ce n’est maintenant plus qu’une question de minutes avant qu’il n’explose.
Je lève les yeux au ciel et remarque que la galaxie a laissé place à un système solaire au milieu duquel se trouve un soleil devenu blanchâtre à force de se contracter sur lui-même. Un formidable éclair de lumière illumina alors la prairie au milieu de laquelle je me trouve et une onde de choc déferla dans l’espace à la vitesse de la lumière, détruisant sur son passage une première planète… puis une deuxième…
Lorsque la troisième planète s’évapora, j’avais définitivement sombré dans les profondeurs de la folie.
Olivier Rouleau