La Maison d’Oubli (T1 Reine de mémoire)

VONARBURG Elisabeth

Article publié le dimanche 30 décembre 2007 par Cyrallen

Quatrième de couverture :

1789, sud-ouest de la France.
Dans une vieille maison bourgeoise vivent les jumeaux Senso et Pierrino, âgés de sept ans, ainsi que Jiliane, leur sœur cadette, qui ne parle pas. Les enfants sont orphelins : c’est leur grand-père Sigismond qui les élève. Un jour, ils découvrent une « fenêtre-de-trop » – visible de l’extérieur, elle ne correspond à rien à l’intérieur – et une carte magique qui les transporte dans un pays parallèle quand ils y plantent un stylet. Les jumeaux décident alors de percer le mystère qui entoure leur demeure. Mais Jiliane fait des rêves étranges, et elle semble déjà savoir que la magie fait partie intégrante de la Maison d’Oubli…

Une fantasy aux portes du mystère, récompensée en 2006 par le prix Boréal.

« Ampleur du souffle et de la vision, bouffée de poésie, discret romantisme, solidité des intrigues […]. Voilà pour Vonarburg. » Le Magazine Littéraire

L’avis de Philémont :

Trois jeunes orphelins découvrent que la maison de leur grand-père, qui les élève, recèle bien des mystères. Ils vont alors tenter de les élucider, mais ce qui ne devait être qu’un jeu se révèle bien vite un apprentissage de la vie…

Que l’on ne s’y trompe pas : derrière ce que l’on pourrait prendre pour de la littérature dédiée à la jeunesse, et une intrigue en apparence convenue, se cache une oeuvre complexe que même les adultes les plus chevronnés devront décoder patiemment.

La Maison d’Oubli n’est d’abord pas seulement un simple roman de Fantasy dans lequel l’auteure aurait disséminé ici ou là des éléments propres au genre. Il relève aussi de l’uchronie, sous-genre généralement rattaché à la Science-Fiction, dans laquelle le monde est certes différent du nôtre, mais n’en dérive pas moins de notre propre Histoire. Elisabeth VONARBURG elle-même parle d’ailleurs de Fantasy uchronique pour qualifier son roman.

L’intrigue se déroule ainsi dans le sud-ouest de la France à la fin du XVIIIème siècle. Cette France-là est un royaume géminite, c’est-à-dire un royaume où la religion dominante soutient que Jésus a eu une soeur jumelle, Sophia. Dès lors les rapports entre femmes et hommes sont très différents et bien plus complémentaires que dans les religions judéo-chrétiennes traditionnelles. La foi géminite s’inspire d’ailleurs fortement du taoïsme et de son sens des équilibres à travers le yin (la part féminine de la nature) et le yang (sa part masculine) ; elle a pour vocation la réconciliation de tous les contraires grâce à l’Harmonie.

L’autre particularité de ce monde uchronique, et l’on touche ici à ce qui relève de la Fantasy, c’est l’existence de la magie, ou plutôt des magies. Il y a la magie verte des plantes, des animaux et des humains ; il y a encore la magie bleue qui permet à l’âme des défunts de transmigrer vers la sphère divine ; il y a enfin la magie rouge, pratiquée à des fins malfaisantes par les nécromants. Et puis d’un continent à l’autre les magies sont différentes et s’annulent mutuellement lorsqu’elles entrent en contact. Ces magies sont parfaitement admises par les géminites, et même réservées aux dignitaires religieux. Elles sont interdites chez les fondamentalistes christiens, qui refusent aussi la thèse relative à la gémellité de Jésus.

C’est tout cela que l’on découvre à travers le regard enfantin et parfois naïf des trois orphelins. Cela sert en outre de toile de fond à une quête, celle de leurs origines, de la mort de leurs parents en remontant jusqu’à cet ancêtre dont rêve Jiliane, la soeur cadette, sans même s’en rendre compte. Qui était cet ancêtre ? Pourquoi est-il honni, même deux siècles après sa mort ? Quel est ce pays que l’on ne peut nommer, ni même posséder de carte ? N’est-ce pas en ce pays qu’est née grand-mère ? Et pourquoi celle-ci est-elle la seule avec les trois enfants à dormir dans la maison familiale ? Et quel est le lien qui unit les trois enfants au point que toute séparation, même courte, est une douleur ?

La Maison d’Oubli est finalement une succession de questions qui se posent et qui ne trouvent réponses qu’avec parcimonie. Certaines resteront même posées après que le roman soit refermé puisque celui-ci n’est que la première partie d’une pentalogie intitulée Reine de Mémoire. Bien sûr, le lecteur sent bien que toutes ces interrogations sont liées, mais l’univers créé est si riche qu’il ne peut aller que de suppositions en nouvelles questions, et in fine être impatient de lire la suite.

L’écriture d’Elisabeth VONARBURG est en outre très belle et souvent poétique. La lenteur de la narration implique certes quelques longueurs, mais elles sont minimes étant donné la taille de ce premier tome. La Maison d’Oubli est donc une grande réussite de la part d’une auteure québécoise connue essentiellement en France pour ses travaux de traduction. Dès lors, il ne fait nul doute que cette édition au Livre de Poche en appellera d’autres, à commencer par les quatre autres tomes de cette pentalogie.


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