L’archipel des sorcières

VACHON Jean-Nicolas

Article publié le dimanche 30 décembre 2007 par Cyrallen

Quatrième de couverture :

J’habite Carcassonne, en France. De ma fenêtre, je peux presque sentir la brise de la Méditerranée, cet air salin et vivifiant qui nettoie toute pensée sombre. La mer n’est pas très loin, mais je ne la vois pas. JE la sens, c’est tout. Un jour, je m’en approcherai.

Carcassonne, c’est un berceau dont les rebords font office de remparts, c’est une forte citadelle, une forteresse moyenâgeuse qui brave les siècles pour ravir les regards des touristes conquis. C’est un voyage dans le temps.

Je n’ai pratiquement aucun souvenir d’un autre lieu que ma ville bien-aimée. Je suis née ici. Je n’y mourrai pas. J’ai trente ans, je suis malheureuse, et les consolations que je trouve à ma vie tourmentée sont rarement la mer, souvent l’alcool, toujours la haine. Je me réfugie alors dans la haine, une haine tenace et rude, spartiate, qui jamais ne fléchit. Je hais ce don. Je hais ces visions.

Des mains froides, même à travers le rêve, au bout d’innombrables bras d’une blancheur bleuâtre qui se tendent. Elles se débattent, ces mains, elles demandent à être saisies. Elles implorent qu’on les secoure, qu’on les libère de la glace qui les cueille, jardinière de la mort. Elles sont là, elles bordent des visages crispés, ruent, arrachent, agrippent tout ce qui passe. Elles ont agrippé mon âme, l’on gelée dans leurs misères mortelles, nouvelle victime de leur bonheur. Elles me font mal et se consolent de ma douleur."

Florence est ébranlée, depuis l’enfance, par d’épouvantables visions dont elle ignore la provenance. le brusque départ d’Agatha, sa mère adoptive, devient l’incident charnière qui la poussera à comprendre qui elle est, d’où elle vient, et qui est vraiment cette femme qui l’a recueillie, mais qu’elle connaît, somme toute, très peu. Elle découvrira une vérité qu’elle n’aurait jamais pu soupçonner et dont le cours, qui la concerne, transforme son quotidien et celui de tous les habitants de la Terre. L’archipel des sorcières, c’est une incursion dans un monde terrifiant, un monde que nous côtoyons peut-être, bien souvent, sans trop le savoir…

Originaire de la Beauce, Jean-Nicholas Vachon semblait destiné à une carrière de pâtissier. Arrière petit-fils de la fondatrice de l’entreprise Les gâteaux Vachon, il pratique son métier tout en flirtant avec la plume et le papier. Le monde du fantastique l’attire tellement qu’il délaisse un instant ses fourneaux pour mettre au monde son premier roman, l’Archipel des sorcières.

L’avis de Cyrallen :

L’héroïne du roman est une jeune femme, Florence, la trentaine, délaissée et maltraitée dans sa jeune enfance par ses parents, adoptée à l’âge de 5 ans dans des circonstances étranges par une vieille femme généreuse, Agatha, mais incroyablement mystérieuse. Vielle femme qui s’éclipse souvent lors longs voyages, laissant seule Florence avec des visions horribles de gens en souffrance. Ces personnes décèdent dans la réalité dans d’affreuses agonies sans qu’elle ne puisse rien y faire. Ces visions la rendraient folle si elle n’était dotée d’une faculté d’oubli hors du commun (expliqué en partie grâce à la consommation excessive d’alcool…) et si sa mère adoptive ne la soutenait pas lors de ses séjours dans leur maison isolée de Carcassonne. Cette routine dans laquelle s’enferme Florence bascule le jour où une organisation secrète, le vaisseau blanc, la contacte.

Elle entame alors un long périple intérieur qui la conduira d’abord physiquement aux Etats-Unis, et où elle rencontrera les seules personnes capables de l’aider dont un certain Marc, avec qui elle tentera de résoudre le secret de sa naissance et de ses visions cauchemardesques. Cette quête initiatique finira par la mener à s’intéresser au mystérieux archipel des sorcières, îlot jalousement gardé depuis des siècles dont seuls quelques navigateurs d’exception élus des sorcières, comme Benjamin Lightholler en 1873, peuvent en trouver le chemin à leurs risques et périls…

L’archipel des sorcières est un roman empli de poésie, d’un style descriptif très agréable à la lecture, très doux et sensible même dans les passages d’une grande violence, et dont au moins trois histoires d’égal intérêt s’entrecroisent pour se rejoindre en un bouquet final digne d’une réalisation de film impeccable.

Les sorcières agissent de préférence dans le registre des violences psychologiques ainsi du contrôle de l’élément liquide, toujours de façon intelligente et pleine de patience, à la fois dans les tortures mentales infligées à leurs ennemis et dans les buts recherchés par la communauté de l’archipel des sorcières.

On suit tour à tour les péripéties de Florence avec sa volonté de se libérer d’un don qui fait son malheur, celles du navigateur Benjamin Lightholler il y a deux siècles, prit dans le flot et dans les raies de sorcières plus séductrices et machiavéliques les unes que les autres, et enfin celles de l’organisation secrète du Vaisseau Blanc et des sorcières contemporaines qu’ils combattent, en relation avec des évènements d’actualité les plus brûlants qui soient.

Un roman à recommander à tous, y compris aux amateurs d’histoires de sorcières contemporaines et moins contemporaines. L’archipel des Sorcières est très bien construit et fourmille de détails qui renforcent la crédibilité du monde dépeint, un monde parallèle où les grands évènements historiques auraient quasiment toujours pour origine une intervention des sorcières…

L’auteur travaille actuellement sur le second tome de l’Archipel des Sorcières intitulé pour le moment Le Règne de la Papesse. Espérons qu’il soit aussi réussi que le premier :)

Extraits :

1- Ils sont nombreux dans cette maison, c’est une fête que l’on donne. Les femmes portent des toilettes exceptionnellement raffinées, parées de perles au nacre parfait. Des hommes arborent le haut-de-forme et la queue-de-pie. Ils demeurent debout, derrière les dames qui écoutent le pianiste.
Ses yeux sont fermés et sa tête dodeline doucement, suivant le rythme de la musique toujours aussi enivrante. Elle berce les âmes. Des larmes glissent sur les joues du musicien. Il pense à celle qu’il aime, celle qu’il n’a plus auprès de lui, qu’on lui a enlevée. Elle était la grâce, elle était le cygne de la mélodie, princesse transformée par le diable. L’amour les avait unis.
L’amour qu’on ne vit qu’une fois, qui se dérobe et laisse l’âme vide, éclopée, malade. Et les monceaux de regrets qui se joignent à elle dans sa triste valse. Les mains du musicien caressent l’ivoire des notes. Il assène à chacune d’elles autant de coups que l’exige le morceau choisi. Sous ses doigts, il sent le froid de l’ivoire. Dans son souvenir, la chaleur d’une peau.
Ils font fi de la peine du musicien. Joue, ordonnent-ils silencieusement de leurs regards lourds.
Il est à la fenêtre de la salle à manger, celle qui s’ouvre sur la route d’où il épiait de sa voiture. Douglas regarde cette scène qui se déroule sous ses yeux. Ses pupilles sont dilatées, il ne sait pas à quoi il assiste, mais il sait qu’il n’est pas autorisé à le voir. (…)
Il n’en verra pas plus, pauvre homme. Douglas est surpris par un homme qu’il ne connaît pas. Alors que ce dernier lui demande ce qu’il fait là, tous les convives de la petite fête se dirigent vers la fenêtre d’où il épiait. Furtivement, Douglas tourne la tête et les voit s’approcher. Ils ont cet air étrange et rigide des pantins.
Et puis plus rien. Que le noir de mes paupières fermées.
Scotch, madame ! C’est l’heure, me rappelle mon âme égarée, mon coeur désemparé. Ainsi, après ce rêve, je me lève, puisque que sais que je ne redormirai pas.
- Florence, qu’est-ce qui ne va pas ? demande Agatha, ma vieille amie, ma mère, à présent, en me voyant sortir de ma chambre.
- Un homme vient de mourir aux États-unis, ai-je répondu en massant mes tempes.
- Tu veux boire quelque chose, n’est-ce pas ?
- Scotch, maman, s’il te plaît, acquiesçais-je.
- Il faudra bien que tu cesse de noyer ces visions, bougonna Agatha. L’alcool va te tuer.
- Si seulement j’étais mortelle, ricanai-je bêtement.


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