Le Faucheur (T11 Les Annales du Disque-Monde)

PRATCHETT Terry

Article publié le samedi 29 décembre 2007 par Cyrallen

Quatrième de couverture :

Mort ? Déprimé ? Envie de repartir à zéro ? Alors pourquoi ne pas venir au CLUB DU NOUVEAU DÉPART ? Tous les mardis, minuit, 668, rue de l’Orme. OUVERT A TOUS TENUE DE SUAIRE NON EXIGÉE.

Du pain sur ses quatre planches pour le défunt Raymond Soulier, activiste résolu : fantômes, vampires, zombis, banshees, croque-mitaines… les morts-vivants se multiplient.

Car une catastrophe frappe le Disque-monde : la Mort est porté disparu (oui, la Mort est mâle, un mâle nécessaire). Il s’ensuit un chaos général tel qu’en provoque toujours la déficience d’un service public essentiel. Tandis que, dans les champs d’une ferme lointaine, un étrange squelette ouvrier agricole manie la faux avec une rare dextérité. La moisson n’attend pas…

Mon avis :

Malgré le foisonnement de bonnes trouvailles, le Faucheur se situe à mon avis quelques degrés en dessous dans l’humour habituel de Terry Pratchett, même si son style d’écriture est toujours aussi caractéristique des Annales du Disque-monde. Surtout que le scénario de départ du Faucheur ressemble à s’y méprendre à celui de Mortimer, où la Mort a aussi disparu sans laisser d’adresse. Mais cette fois-ci, il est contraint et forcé de se rendre sur le Disque, et malheureusement pour lui, non plus pour motif touristique.

Ce sont les mages de l’université invisible ainsi que les revenants de tout poil qui monopolisent le devant de la scène, les coulisses restant aux bons soins des forces obscures qui dirigent le Disque-Monde. A lire pour parfaire sa connaissance des moindres recoins du Disque et de sa faune si particulière. A noter la présence de la Mort au top de sa forme.

Extraits :

1- Une porte s’ouvrit à la volée et un costume apparut devant des chaussures qui dansaient et sous un chapeau qui flottait au-dessus d’un col vide. Immédiatement derrière jaillit un homme tout maigre qui tâchait d’obtenir avec un gant de toilette le même résultat qu’avec un pantalon. "Revenez ici ! brailla-t-il alors que ses vêtements tournaient à l’angle de la rue. Je n’ai pas fini de vous payer, je dois encore sept piastres !" Un deuxième pantalon sortit à toutes jambes sur la chaussée et leur courut après.
Les mages se regroupèrent comme un animal à cinq têtes pointues et dix pattes en se demandant qui serait le premier à émettre un commentaire.
"Putain, ça, c’est pas croyable ! s’exclama l’archichancelier.
- Hmm ? fit le doyen en laissant entendre qu’il voyait des choses beaucoup moins croyables à longueur de temps et qu’en attirant l’attention sur de vulgaires habits en train de cavaler tout seuls, l’archichancelier dévalorisait le métier de mage.
- Oh, allons. J’connais pas beaucoup de tailleurs dans le coin qui donneraient en prime un deuxième froc pour l’achat d’un costume à sept piastres, dit Ridculle.
- Oh, fit le doyen.
- S’il repasse, essayez de lui faire un croche-patte, que je jette un coup d’œil à l’étiquette.

2- Bien que peu fréquents sur le Disque-monde, il existe des actes qualifiés d’antidélits, en fonction de la loi fondamentale que tout dans le multivers possède son contraire. Des actes bien entendu exceptionnels. Faire banalement un présent à quelqu’un n’est pas le contraire du vol ; pour que ce soit un antidélit, il faut qu’il en résulte outrage et/ou humiliation pour la victime. On assiste ainsi à des dons avec effraction, cadeaux qui ne font pas plaisir (comme la plupart des cadeaux de départ en retraite) et lettres de déchantage (quand on menace un gangster de révéler à ses ennemis ses dons anonymes, par exemple à des oeuvres de bienfaisance.) Les antidélits n’ont jamais vraiment connu le succès.

3- Les rapports entre l’Université et la Patricien, souverain absolu et dictateur presque bienveillant d’Ankh-Morpork, étaient à la fois complexes et subtils.
Selon les mages, en tant que serviteurs d’une vérité plus élevée, eux-mêmes n’étaient pas soumis aux lois terrestres de la cité.
Selon le Patricien, c’était effectivement le cas, mais ça ne les empêchait pas de payer leurs foutus impôts comme tout le monde.
Selon les mages, en tant que partisans de la lumière de la sagesse, ils ne devaient allégeance à aucun mortel.
Selon le Patricien, c’était peut-être vrai, mais ils devaient quand même un impôt local de deux cents piastres par tête et par an, payable tous les trimestres.
Selon les mages, l’Université reposait sur un terrain magique, elle était donc exempte de tout impôt, et puis on ne taxe pas le savoir.
Selon le Patricien, si, on le taxe. C’était deux cents piastres par tête ; si ça les gênait par tête, on pourrait en faire sauter quelques unes.
Selon les mages, l’Université n’avait jamais payée d’impôts à l’autorité civile.
Selon le Patricien, il ne comptait pas rester civil longtemps.
Selon les mages, ils pourraient peut-être facilités de paiement.
Selon le Patricien, c’était justement des facilités qu’il leur proposait. Ils n’aimeraient sûrement pas qu’il leur parle des difficultés.
Selon les mages, il y avait eu un dirigeant dans le temps, oh, durant le siècle de la Libellule, peut-être bien, qui avait voulu dicter sa conduite à l’Université. Le Patricien pouvait venir jeter un coup d’œil au bonhomme si ça lui disait.
Selon le Patricien, il le ferait. Sans faute.
Finalement, il fut convenu que les mages ne paieraient bien sûr pas d’impôts, mais qu’ils feraient une donation parfaitement spontanée de… oh, disons deux cents piastres par tête, sans parti pris, mutatis mutandis, sans conditions, à n’utiliser impérativement que dans des buts non militaires et respectueux de l’environnement.
C’est cette interaction dynamique de blocs d’influence qui faisait d’Ankh-Morpork une ville si passionnante, stimulante et surtout vachement dangereuse où vivre.


Réactions sur cet article

Aucune réaction pour le moment!



 
Propulsé par SPIP 1.9.2g | Suivre la vie du site RSS 2.0