Fendragon

HAMBLY Barbara

Article publié le samedi 29 décembre 2007 par Cyrallen
Mis à jour le vendredi 29 août 2008

Quatrième de couverture :

Il était d’une noirceur lumineuse, avec une crinière de rubans de sang, des yeux comme des anneaux de métal encerclant des puits de nuit éternelle. Il était le danger et la mort. Il faisait chanter l’or et il crachait le feu. Il était le dragon des légendes.

Elle était sorcière en devenir, guérisseuse, magicienne à la poursuite du pouvoir. Elle aimait John le Fendragon, un de ces héros que chantent les ballades, le dernier des tueurs de dragons. Ils vivaient dans le Nord désolé quand on vint les chercher pour venir à bout du grand dragon noir qui terrorisait le royaume, qui dévorait hommes et troupeaux et incendiait la campagne. Et, comme si cela n’avait pas été assez difficile, dans le Sud il y avait aussi les intrigues de la cour, Zyerne la magicienne buveuse d’âmes, un Roi pris dans ses rêves et un Prince égaré. Dans le Sud il y avait matière à aventure, et même à épopée, mais de ces épopées qui conduisent à la mort en même temps qu’à la gloire.

L’avis de Cyrallen :

Dans les Pays d’Hiver du Nord abandonnés aux brigands, loups, goules et horreurs mort-vivantes, il y a bien longtemps qu’on a plus senti la présence des troupes armées de la lignée royale au pouvoir. Celle-ci a a préféré s’établir il y a quelques générations dans les fastes de la cour à Bel, capitale située beaucoup plus au Sud. John Aversin, dit Fendragon le tueur de dragons, est le seigneur protecteur de ces terres incultes, où survivent tant bien que mal quelques villages isolés.

C’est sans compter sur un improbable messager, venu tout droit de Bel au péril de sa vie annoncer le retour d’un énorme de ces dragons si mal connus des livres et grimoires anciens de John. Mais les anciennes loyautés ne sont plus aussi vivantes qu’autrefois, et il faudra trouver plus que ça pour que le Fendragon accepte de se mesurer à nouveau à une de ces formidables créatures mortellement dangereuses. La clef réside peut-être en la magicienne-guérisseuse Jenny Waynest, qui est depuis toujours partagée entre son amour pour John et son besoin de se consacrer corps et âme à sa magie…

Voilà enfin un roman de fantasy aussi génial qu’il est court. Pour une fois qu’il ne s’agit pas d’une trilogie ou d’un cycle à n’en plus finir, il faut le souligner. Mais que les amateurs de longues sagas n’en restent pas là : Fendragon a tout d’un grand, et même plus. Ses héros n’ont rien des kamikazes habituels, fonçant tête baissée au moindre fait glorieux à accomplir, comme se plaît à le rappeler Barbara Hambly au début du roman.

De la fantasy mature, qui peut même être conseillée en tant que premier roman de fantasy. Ici, John le Fendragon n’est plus tout jeune, porte des lunettes, s’intéresse aux livres anciens et à la reproduction des cochons ( !) et ne veut surtout pas risquer sa peau une seconde fois comme dans sa jeunesse, alors qu’il était parvenu à tuer un dragon plus par ruse et stratagèmes que par témérité. Cette réalité contraste énormément avec toutes les ballades et chansons sur l’héroïsme du Fendragon que colporte l’énigmatique et naïf messager venu de Bel, qui ne cesse de tomber des nues au fur et à mesure qu’il constate la plate réalité.

Ce sont ces clichés habilement détournés, la poésie et la beauté de la description de ces créatures merveilleuses que sont les dragons qui font la force de ce roman. Rien n’est conforme aux romans de fantasy habituels, mais tous les éléments sont présents : intrigues de cour, royaume en décadence, magie noire, créatures horribles tapies dans la forêt, gnomes, grottes, humour léger (le passage du grossier John à la cour raffinée est assez délicieux)…

Plus encore : je ne pense pas que le véritable héros soit John le Fendragon des légendes, mais bien plutôt Jenny la magicienne, sur qui repose tous les véritables choix qui conditionnent la survie de tout le royaume : abandonner ses patients et ses enfants pour venir dans le sud, faire confiance au rejeton royal, solliciter les gnomes, se confronter au dragon noir, choisir entre l’amour et la magie…
Encore une de ces héroïnes dont on oubliera pas les exploits de sitôt :)

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L’avis de Philémont :

John Aversin, le dernier Fendragon vivant, est mandé par le Roi pour débarrasser le Royaume d’un dragon. C’est donc en compagnie de sa compagne, Jenny Waynest, sorcière de son état, qu’il part vers le sud pour se retrouver immédiatement pris dans un écheveau inextricable d’intrigues de Cour, aussi ridicules que dangereuses…

Voilà un court roman avec de grandes qualités : à la fois plein d’humour et tragique, il contient en outre tous les ingrédients de la Fantasy, parfaitement dosés par l’auteur. Barbara Hambly sait en effet rendre humains ses personnages, tout particulièrement John et Jenny. Loin d’être les héros auxquels on pourrait s’attendre, comme les autres personnages du roman d’ailleurs, ils sont avant tout des gens simples et pragmatiques qui ne recherchent qu’une chose : vivre heureux en faisant le bien autour d’eux. De ce point de vue ce sont plutôt les autres personnages du roman qui font figure de caricatures dans tout ce qu’il y a de plus bas et bête chez l’être humain.

C’est pourquoi la confrontation entre nos deux héros et les personnages de la Cour du Roi donne lieu à quelques scènes cocasses, dans lesquelles l’auteur laisse libre cour à son humour. Mais dans le même temps, la quête de John et Jenny est suffisamment grave pour laisser la place aux interrogations que tout être humain est en droit d’avoir, en un mot au drame. Et cela aussi Barbara Hambly sait l’écrire, ce qui donne un souffle épique à son oeuvre.

Que reprocher à Fendragon ? Pas grand chose à vrai dire. Toutefois, étant donné toutes ses qualités, on peut regretter qu’il n’y ait pas eu un peu plus de développements pour rendre son roman un peu plus long, et nous plonger encore un peu plus dans son univers.

A ce propos, il faut savoir que Fendragon est aujourd’hui le premier tome d’une quadrilogie dont les deuxième à quatrième tomes n’ont pas été traduits et édités en France. Cette quadrilogie est intitulée Winterlands est comporte, outre Fendragon (Dragonsbane, publié en 1986), Dragonshadow (publié en 1999), Knight of the Demon Queen (publié en 2000) et Dragonstar (publié en 2002). Pas moins de 13 années se sont écoulées entre la publication du premier volume et celle du deuxième. Cela explique que Fendragon peut être considéré comme un roman isolé, l’auteur n’ayant certainement pas eu l’intention d’écrire une suite tant d’années plus tard…

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L’avis de Jean-Marc Suzzoni :

Dans le Nord du Royaume de Belmarie, chevauche le jeune Garet parmi les dangers des monts, des forêts et des landes désolées. Il cherche Lord Aversin, le Baron de la Place d’Alyn et Seigneur de Wyr, le Fendragon, le seul Fendragon vivant… C’est ce qu’il expliquera à Jenny la Sorcière qui le sauvera d’une mort certaine lors d’une embuscade tendue par des brigands dans les ruines du carrefour… Car près de Bel, la capitale du Royaume, loin au Sud, le dragon Morkeleb a ravagé la cité des gnomes dans le Fond d’Ylferdun.

C’est un chef d’œuvre de l’Heroic-fantasy (HF). Et pourtant cet univers n’a rien à voir avec Conan, Thonghor ou Kull… L’auteur brosse un portrait tout en demi-teintes de ses deux héros. John Aversin le Fendragon est un gros homme binoclard, un campagnard apparemment mal instruit et pédant, pourtant plein de sagesse et d’humour. Jenny sa compagne, la mère de ses enfants, est insatisfaite en temps que magicienne car sa magie n’est que faible pouvoir… et cela se ressent dans sa vie de femme. Sur un scénario classique, bourré de clichés, Barbara Hambly a réussi un court roman absolument magnifique (1985). Elle nous présente un monde nostalgique, automnal, dur, plein de brumes et de désespérance.

Depuis Le Seigneur des Anneaux, Les Neuf Princes d’Ambre, Un Monde Magique et Le Vol du Dragon, je n’ai pas lu un roman de Fantasy aussi bien écrit, aussi bien traduit (par Michel Demuth !!), et aussi achevé. A lire absolument, ne serait-ce que pour s’initier à la HF de haute volée…

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Extraits :

1- John soupira.
- Mon héros, je n’en suis pas persuadé. Les dragons même lorsqu’ils ne volet pas, se déplacent rapidement. Et le sol est très mauvais. Même au grand galop, Osprey ne pourra aller très vite. J’aurais aimé aller en reconnaissance pour trouver l’itinéraire le moins accidenté, mais cela non plus n’est pas possible. Le mieux que je puisse espérer, c’est qu’il n’y ait pas de portes de caves dissimulées ni de puits secrets entre ici et les Portes.
Gareth eut un rire étouffé.
- C’est drôle, mais ça ne m’est jamais venu à l’esprit. Dans les ballades, jamais le cheval du héros ne trébuche. Mais cela arrive dans les tournois, même lorsque le terrain de la lice a été nettoyé. Je m’étais dit que ce serait… Oh, ma foi, comme dans les ballades. Que vous alliez chevaucher depuis Bel pour descendre droit vers le Fond…
- Sans laisser un temps de repos à mon cheval, ni inspecter les lieux ? (Les yeux de John dansèrent derrière ses lunettes.) Pas étonnant que les chevaliers du Roi aient tous été tués. Ce qui m’inquiète le plus, c’est que si je me trompe d’un rien dans la mesure du temps, la chose me repérera dès qu’elle franchira les Portes… (Il toussota dans la fumée et ajouta :) Du diable s’il n’est pas calciné ! (Il attrapa le gâteau en feu, tout en soufflant sur ses doigts brûlés.) Le comble, c’est qu’Adric fait encore mieux la cuisine que moi !

2- Dans la plupart des sujets, Mab se montrait un professeur dévoué, bien que les formes de la sorcellerie des gnomes fussent étranges pour Jenny, différentes, tout comme leurs esprits étaient différents. Ils n’avaient pas de Lignes, mais semblaient transmettre leurs connaissances et leur pouvoir de génération en génération d’une façon que Jenny ne parvenait pas à comprendre. Mab lui parla des charmes de guérison pour lesquels le Fond était célèbre, des drogues qui y étaient désormais séquestrées, perdues aussi sûrement que l’or du dragon, des sortilèges qui pouvaient attacher l’âme, cette essence de la vie, à la chair, ou de ceux, plus dangereux, qui permettaient de capter l’essence vitale d’un personne afin de renforcer la vie défaillante d’une autre. Il y avait aussi d’autres charmes et sortilèges - ceux de cristal et de pierre et aussi de spirales de ténèbres dont le sens échappait à Jenny. Elle ne pouvait que les mémoriser en les apprenant par cœur, avec l’espoir que, en méditant plus tard, elle trouverait à la fois la compréhension et le talent pour s’en servir. Mab lui parla aussi des secrets de la terre, des mouvements de l’eau, de la façon dont pensaient les pierres. Et aussi des obscurs domaines du Fond lui-même, de cette succession de cavernes et de gloires cachées qui jamais n’avaient vu la lumière.

3- Non, il est inconcevable qu’à son niveau de pouvoir, elle n’ait pas appris les Limitations. C’est la première chose que l’on vous enseigne. C’est ce qui me prend le plus de temps quand je tisse des charmes. Si l’on appelle la pluie, il faut préciser sa force, afin de ne pas inonder tout le pays. Si l’on invoque un sort de destruction sur quelque chose ou quelqu’un, il faut fixer les Limitations, pour ne pas provoquer une catastrophe générale qui pourrait emporter votre propre demeure et vos biens. La magie est très prodigue dans ses effets. Les Limitations sont ce qu’un mage apprend en premier.


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