Neverwhere

GAIMAN Neil

Article publié le vendredi 28 décembre 2007 par Cyrallen
Mis à jour le vendredi 29 août 2008

Quatrième de couverture :

Une rue de Londres, un soir comme un autre. La jeune fille gît devant lui sur le trottoir, face contre terre, l’épaule ensanglantée. Richard la prend dans ses bras, elle est d’une légèreté surprenante. Et quand elle le supplie de ne pas l’emmener à l’hôpital, il a le sentiment de ne plus être maître de sa volonté. Dès le lendemain, elle disparaît et, pour Richard, tout dérape : sa fiancée le quitte, on ne le connaît plus au bureau, certains, même, ne le voient plus…

Le monde à l’envers, en quelque sorte. Car il semblerait que Londres ait un envers, la "ville d’En Bas", cité souterraine où vit un peuple d’une autre époque, invisible aux yeux du commun des mortels. Un peuple organisé, hiérarchisé, et à la tête duquel les rats jouent un rôle prépondérant. Plus rien ne le retenant "là-haut", Richard rejoint les profondeurs.

Fable fantastique ou roman de fantasy contemporain, Neverwhere est inclassable, surprenant, original. Plein d’idées, de rebondissements, de clins d’œil référentiels et de personnages iconoclastes.

L’avis de Cyrallen :

Original est le maître mot de Neverwhere, mais sans sombrer dans l’incompréhensible farfelu, bien au contraire. Avec des personnages de fantasy classiques, mais très vivants et camouflés par un décor contemporain, Neil Gaiman nous entraîne dans un Londres d’En Bas rendu très réaliste par une foule de détails et une grande cohérence. Tout en étant décalé de la réalité des citoyens du Londres d’En Haut, la société féodale qui s’active sous le Londres que l’on connaît est très hiérarchisée, les nobles, les héros, bons ou vils, et les rats y tiennent une grande importance, condition nécessaire mais non suffisante pour pouvoir survivre dans un climat plus que dangereux.

Autant dire que le pauvre Richard Mayhew, banal employé un peu naïf débarqué de fraîche date du Londres d’En Haut de façon fortuite, va devoir tout réapprendre pour échapper aux pièges insoupçonnés qui lui sont tendus, entre autres, par Messieurs Vandemar et Croup, redoutables mercenaires envoyés spécialement en service recommandé par une intelligence supérieure. M. Vandemar et M. Croup font sans doute référence aux personnages de Fafhrd et Souricier dans le Cycle des Épées de Fritz Leiber. Très intéressants, ils se révèlent aussi comiques qu’impitoyables et dangereux, et l’on se prend de façon étrange à les trouver sympathiques dans leur rôle d’assassins burlesques.

Les autres personnages, la jeune Porte dont la famille a été anéantie, le Marquis de Carrabas, passé maître dans l’art de la survie système D, Chasseur qui collectionne des trophées de chasse exotiques et mortellement dangereux, Anesthésie, Lord Parle-aux-rats, la Jessica du monde d’En Haut, tous donnent du volume à Neverwhere, surprenant et captivant.

Un très bon roman, à conseiller à ceux qui, lassés des univers médiévaux caricaturaux, pourront retrouver des personnages de fantasy hauts en couleurs et magnifiquement interprétés, et ce au rythme du passage des rames de métro.

JPG - 186.2 ko

L’avis de Philémont :

Richard Mayhew est cadre (moyen, car tout est moyen chez lui) à Londres et se fait mener par le bout du nez par sa fiancée carriériste. C’est en partant assister à une soirée mondaine avec elle que Richard s’éclipse pour ramener Porte chez lui, jeune fille blessée trouvée sur le trottoir. S’enchaînent alors des circonstances qui vont conduire Richard Mayhew dans le Londres d’En Bas, et ce bien malgré lui…

Cyrallen l’a dit : original est le mot qui caractérise certainement le mieux ce roman. Neil Gaiman réussit le tour de force de transposer des thèmes et des caractères classiques de la Fantasy dans une cité contemporaine : la quête, les épreuves, la guerrière, les assassins sans foi ni loi, la jeune ingénue, l’aventurier, le dieu, etc. Ceux qui reprochent à la Fantasy de toujours se baser sur des mondes de type médiévaux apprécieront !

L’humour est également une caractéristique forte du roman. Il est présent tout au long du roman et il n’est pas rare de se surprendre à poser le livre quelques secondes pour rire franchement. L’intrigue est quant à elle intelligemment menée, grâce à des rebondissements et des personnages qui sont peu souvent ce qu’ils semblent être au premier abord.

Enfin, j’ai particulièrement apprécié la peinture qui est faite de Londres. Tout au long du roman, nous évoluons dans cette cité internationale un peu comme on le ferait avec un Guide du routard dans les mains. Sauf que, bien sûr, c’est le Londres d’En Bas que l’on visite…

Extraits :

1- C’était le milieu du seizième siècle, et il pleuvait sur la Toscane : une méchante pluie froide qui peignait le monde en gris.
Une traînée de fumée noire montait du modeste monastère sur la colline, vers le ciel du petit matin.
Sur la colline, deux hommes assis regardaient le bâtiment brûler.
- Et ceci, monsieur Vandemar, déclara le plus petit des deux en indiquant d’une main graisseuse la colonne de fumée, va nous offrir un très beau sinistre, dès que la conflagration aura bien pris. Toutefois, le strict respect de la vérité me contraint à le confesser : je doute qu’aucun des habitants ne soit en position d’en savourer pleinement les charmes.
- A cause qu’y sont morts, vous voulez dire, monsieur Croup ? s’enquit son compagnon.
Il mangeait quelque chose qui avait pu être un chiot jadis, et, avec son coutelas, taillait dans la carcasse de larges tranches qu’il enfournait.
- A cause, comme vous le faites remarquer avec tant de pertinence, ami sagace et avisé, qu’ils sont morts.
Et voici comment l’on distingue les deux individus qui s’expriment : en premier lieu, M. Vandemar mesure deux têtes et demie de plus que M. Croup.
En deuxième lieu, M. Croup a des yeux d’un pâle bleu de porcelaine, tandis que M. Vandemar les a marron.
En troisième lieu, si M. Vandemar a façonné avec les crânes de quatre corbeaux les bagues qu’il arbore à la main droite, M. Croup ne porte aucun bijou apparent.
En quatrième lieu, M. Croup savoure les mots, tandis que M. Vandemar a toujours faim.
Et également parce qu’ils ne se ressemblent en rien.
Le monastère prit feu avec un souffle sonore : la conflagration s’étendit.
- J’m’agace pas à viser, déclara M. Vandemar. Ca vient tout seul.
Une voix hurla ; puis, avec un grondement puissant, le toit s’effondra et un rugissement s’éleva tandis que montaient les flammes.
- Quelqu’un n’était pas mort, annonça M. Croup.
- Plus maintenant, rétorqua M. Vandemar en mâchonnant une tranche de chiot cru.
Il avait trouvé son déjeuner étendu dans un fossé, tandis qu’ils s’éloignaient du monastère. Il aimait bien le seizième siècle.
- Et ensuite ? demanda-t-il.
M. Croup sourit. Ses dents évoquaient un accident dans un cimetière.
- A quatre siècles d’ici, à peu près, dit-il. Le Londres d’En Bas.
M. Vandemar digéra la nouvelle en même temps qu’un peu de chiot. Finalement, il demanda :
- Tuer des gens ?
- Oh, oui, assura M. Croup. Ca, je pense pouvoir m’en porter garant.

2- Le gros type aux dents en très mauvais état qui avait renversé Richard sur le pont luttait contre un nain. Ils se battaient avec des barres de fer, et la rencontre n’était pas aussi inégale qu’on aurait pu le penser. _ Le nain faisait preuve d’une vivacité surnaturelle ; il roulait, rebondissait, plongeait ; chacun de ses mouvements faisait passer Varney pour un balourd et un maladroit.
Richard se retourna vers le marquis, qui observait le combat avec attention.
- Que se passe-t-il ? demanda-t-il.
Le marquis lui accorda un coup d’œil avant de reporter son regard sur l’action qui se déroulait devant eux.
- Vous, répondit-il, vous êtes complètement dépassé par les évènements, totalement dans la merde et, à mon avis, à quelques heures d’un trépas prématuré dont je ne doute pas qu’il sera vraiment déplaisant. Nous, pour notre part, nous sommes en train d’auditionner des gardes du corps.
De sa barre, Varney frappa le nain qui cessa immédiatement de bondir et de cabrioler et se mit en devoir séance tenante de rester étendu sans connaissance.
- Je crois que nous en avons assez vu, lança le marquis d’une voix forte. _ Merci à tous. Monsieur Varney, si vous pouviez rester quelques instants ? (…)
- Je m’étais laissé dire, déclara une voix de femme, que vous cherchiez des gardes du corps, pas des amateurs enthousiastes.
Sa peau avait la couleur du caramel brûlé et son sourire aurait stoppé net une révolution. Elle était entièrement vêtue de cuir doux, gris et brun, moucheté. (…)
- Les démonstrations sont-elles terminées ? demanda-t-elle.
- Oui, répondit Varney.
- Pas forcément corrigea le marquis.
- Alors, répliqua-t-elle, j’aimerais passer une audition.
Varney était incontestablement dangereux, sans parler du fait que c’était une brute, un sadique et qu’il représentait une réelle menace pour la santé physique de ceux qu’il côtoyait. Mais s’il y avait une qualité qu’il ne possédait assurément pas, c’était la promptitude d’esprit. Il fixa le marquis, le temps que l’illumination se fasse, continue et persiste. Finalement, incrédule, il demanda :
- Faut que j’me batte contre elle ?
- Oui, répondit la femme en cuir. A moins que tu n’aies besoin de faire une petite sieste tout d’abord.
Varney se mit à rire : un ricanement de dément. Il arrêta de rire un instant plus tard, quand la femme lui assena un rude coup de pied dans le plexus solaire, et qu’il s’écroula comme un arbre abattu. (…)
- Et comment vous appelle-t-on ? s’enquit le marquis.
- Chasseur, répondit-elle.
Personne ne dit rien. Puis Porte, en hésitant, demanda :
- Chasseur en personne ?
- En effet, répondit Chasseur en nettoyant sur ses jambières de cuir la poussière du parquet. Je suis de retour.


Réactions sur cet article

Aucune réaction pour le moment!



 
Propulsé par SPIP 1.9.2g | Suivre la vie du site RSS 2.0